Son Éminence le Mufti participe à une célébration scientifique et intellectuelle à l'occasion du lancement du premier numéro de la revue Taba et affirme dans son discours.

Au début de son discours, Son Éminence le Mufti a exprimé sa joie de participer à cette célébration scientifique et intellectuelle marquant le lancement du premier numéro de la revue Taba. Il a souligné l’espoir que cette revue devienne une tribune conciliant authenticité et renouveau, en présence d’éminentes figures du savoir et de la pensée, au premier rang desquelles Son Éminence Cheikh Al-Habib Ali Al-Jifri, qui a toujours été une voix de sagesse et de modération, Son Excellence le Professeur Dr. Ali Gomaa, ancien Mufti d’Égypte et l’une des grandes références du droit islamique et de la pensée éclairée, ainsi que Son Excellence Dr. Osama Al-Azhari, ministre égyptien des Affaires religieuses et éminent spécialiste de la science du hadith.
Son Éminence a souligné que l’histoire de la civilisation atteste que l’influence de la philosophie sur la réalité a émergé avec la naissance même de la pensée philosophique et s’est développée parallèlement à son évolution. Des philosophes tels que Socrate, Platon et Aristote ont contribué à l’élaboration d’outils rationnels d’analyse de l’existence et de l’humain, ce qui s’est ensuite reflété dans la formation des systèmes intellectuels et pratiques à travers les âges.
Il a évoqué la méthode dialectique de Socrate, fondée sur le questionnement critique, comme moyen de déconstruire les mythes et les croyances établies, jetant ainsi les bases d’une culture valorisant la raison comme référence pour comprendre le monde. Il a également mis en lumière le lien que Platon a établi dans La République entre philosophie et politique à travers sa conception des "classes sociales et du philosophe-roi", affirmant que la justice sociale ne peut être fondée que sur des principes rationnels. Enfin, il a souligné le rôle d’Aristote dans le développement d’une méthodologie inductive reliant l’observation empirique au raisonnement logique.
Son Éminence a affirmé que la philosophie n’est pas, comme le prétendent certains, un monopole grec, et que les philosophes musulmans ne furent pas de simples traducteurs et imitateurs. Bien au contraire, ils ont développé un patrimoine intellectuel propre, en interaction avec la réalité islamique, à travers une approche intégrative conciliant raison et révélation. Il a ainsi mis en avant les contributions de penseurs tels qu’Al-Kindi, Al-Farabi, Ibn Sina, l’imam Abu Hamid Al-Ghazali, Ibn Rushd et Ibn Khaldoun.
Il a également souligné que l’influence de la philosophie dans la civilisation islamique s’est manifestée de manière évidente à travers la fondation des madrasas nizâmiyya, la frappe de monnaies inspirées des concepts de justice, ainsi que l’émergence de notions fondamentales comme "l’intérêt général" en jurisprudence, "la réflexion rationnelle" en théologie et "la gouvernance vicariale" en philosophie politique. Tous ces exemples démontrent que la philosophie islamique n’a pas été une simple continuation passive de l’héritage grec, mais une interaction critique qui a transformé les idées en institutions éducatives, judiciaires et économiques.
Son Éminence a affirmé que si nous annonçons aujourd’hui le lancement de la revue Taba, qui contribuera à la diffusion et à l’enrichissement du savoir philosophique et humaniste, nous nous inspirons de l’esprit des civilisations qui ont su transformer les idées abstraites en textes impérissables. Il a souligné que les revues culturelles modernes s’inscrivent dans la continuité d’une tradition intellectuelle dont les racines remontent aux salons de pensée de l’époque abbasside, où la Maison de la sagesse (Bayt al-Hikma) à Bagdad servait de plateforme pour la collecte des traductions et les débats philosophiques.
Son Éminence a également insisté sur le fait qu’une revue culturelle moderne constitue une tribune intellectuelle dynamique, alliant pluralité de pensée et interaction sociale. Chaque numéro se distingue par la diversité de ses contributions, englobant des articles en philosophie, sciences, littérature et arts, rédigés par des auteurs aux parcours variés : du philosophe universitaire au journaliste, du scientifique spécialisé à l’écrivain créatif. Ces revues adoptent un langage intermédiaire fondé sur le principe de la vulgarisation sans simplification excessive, rendant ainsi les concepts complexes accessibles grâce à la métaphore et au récit.
De plus, elles jouent un rôle essentiel dans le renforcement de la conscience critique, en soulevant des questions existentielles et sociétales dans une langue adaptée au grand public. Ce processus contribue à la formation d’une société capable d’interagir avec les mutations mondiales tout en restant enracinée dans son identité culturelle.
Son Éminence le Mufti a souligné que l’influence des revues ne se limite pas à l’individu en tant que simple lecteur, mais qu’elle s’étend à la formation d’un discours collectif qui renouvelle la production du savoir en fonction des exigences de l’époque.
Il a attiré l’attention sur la richesse du monde arabe moderne en revues influentes ayant marqué la réalité intellectuelle, citant notamment Al-Hilal, fondée par Jurji Zaydan, et Al-Manar, lancée en 1898 par Cheikh Mohammed Rachid Rida comme prolongement de la pensée réformatrice de son maître Mohammed Abduh. Il a également mentionné Al-Risala, fondée par Cheikh Ahmed Hassan Al-Zayyat, ainsi que la revue libanaise Al-Adib, créée par Souheil Idriss.
Son Éminence a rappelé d’autres revues majeures, telles que Al-Katib, initiée par le Dr. Taha Hussein, et Al-Fikr al-Mu‘asir (La pensée contemporaine), dirigée par le philosophe Zaki Naguib Mahmoud. Il a également évoqué Al-Muqattaf, fondée à Beyrouth avant d’être transférée en Égypte, et Al-Azhar, créée en 1930 en Égypte avec pour mission de promouvoir une pensée islamique modérée, de préserver le patrimoine islamique et de répondre aux controverses intellectuelles.
Son Éminence a déclaré : « Nous célébrons aujourd’hui la parution du premier numéro de la revue Taba, qui constitue une contribution précieuse au paysage culturel et intellectuel arabe et islamique. Cette revue vient accompagner les transformations actuelles de la pensée et contribuer à une relecture approfondie des questions liées à la pensée islamique, à la philosophie et aux sciences sociales, à travers des approches scientifiques rigoureuses et approfondies."
Après avoir parcouru les articles de ce numéro, Son Éminence a ajouté : "Cette diversité d’articles reflète l’engagement de la revue envers une approche intellectuelle globale, visant à réexaminer les grandes questions de la pensée islamique, de la philosophie et des sciences sociales, tout en contribuant à l’élaboration d’une vision renouvelée, en phase avec les exigences de notre époque."
En conclusion, Son Éminence a exprimé sa profonde gratitude envers Cheikh Al-Habib Ali Al-Jifri, le Professeur Dr. Ali Gomaa, Dr. Osama Al-Azhari, ainsi que l’ensemble des professeurs et penseurs participants, pour leurs précieuses contributions qui ont enrichi cet événement intellectuel d’importance. Il a également remercié les responsables de la revue Taba pour cet effort scientifique remarquable, alliant authenticité et modernité, et ouvrant de nouvelles perspectives au dialogue et au renouveau intellectuel. Il a enfin prié pour que cette initiative soit bénie et qu’elle devienne un véritable foyer de savoir et de pensée éclairée.