Offrir aux riches de la nourriture
Question
Réponse
Le vœu pieux est un acte de culte institué par la Chari'a. D'après les imams éminents de l'école hanéfite, le vœu n'est valide qu'à titre d'acte pieux ayant pour but la satisfaction d'Allah et dans lequel s'intègre une obligation religieuse. C'est pourquoi, le vœu qui consiste à donner une aumône est valide car dans celle-ci est incluse une obligation religieuse à savoir la Zakat. Et comme la Zakat n'est pas destinée aux riches, le vœu qui consiste à donner à ces derniers une aumône n'est pas non plus valide. En effet, le vœu destiné exclusivement ou inclusivement aux riches ne vise que l'agrément de la créature ; ce qui n'est pas permis.
De plus, un tel vœu n'est pas un acte de culte visant la satisfaction d'Allah et incluant une obligation religieuse. Dans son ouvrage intitulé " ad-Dor al-Mokhtar " l'érudit al-Haskafi dit :
" (Quiconque fait vœu, inconditionné ou conditionné, d'accomplir un acte comprenant une obligation religieuse), d'après ce qui est cité dans "al-Bahr wa ad-Dorar", (et s'agissant d'un acte de culte accompagné d'intention), ce qui exclue l'ablution et l'ensevelissement du mort, (le fidèle doit tenir à son engagement), une fois la condition est réalisée. La preuve en est le hadith suivant : " Quiconque fait un vœu pieux et déterminé, qu'il l'accomplisse. " (Tel que le jeûne, la prière, l'aumône), le legs pieux, (la retraite pieuse), l'affranchissement d'un esclave, le pèlerinage effectué à la Mecque même à pieds… ces actes de culte sont tous accompagnés d'intention et renfermant une obligation religieuse, vu que l'affranchissement d'un esclave est obligatoire dans l'expiation. Il en est de même pour le déplacement à pieds pour le pèlerin capable parmi les habitants de la Mecque, pour la pause finale lors de la prière qui ressemble à une retraite pieuse, pour la construction d'une mosquée à titre d'un legs pieux aux dépens de la trésorerie des musulmans, sinon les musulmans sont tenus de le construire. Par contre, le fidèle n'est pas tenu d'accomplir le vœu qui n'inclut pas une obligation religieuse tel que la visite rendue à un malade, la suivie d'un convoi funèbre ou l'entrée dans une mosquée même s'il s'agit de la Mosquée du Prophète ou la Mosquée d'al-Aqsa car ces actes ne comprennent pas une obligation déterminée par l'intention. Ces conditions représentent le critère de validité du vœu selon ce qui est cité dans "ad-Dorar"…. A ces conditions vient s'ajouter, ai-je dit, ce qui est mentionné dans l'ouvrage intitulé " Zawaher al-Jawaher ", à savoir la possibilité de réaliser l'objet du vœu. Ainsi, si le fidèle formule un vœu de jeûner ou d'y effectuer une retraite pieuse hier, son vœu sera invalide. "
Dans l'ouvrage intitulé "al-Qonya", le vœu formulé de donner de l'aumône aux riches est invalide à moins qu'on n'entende, par là, les voyageurs en détresse. Voici la phrase complète mentionnée dans "al-Qonya" et cité par Ibn Nojaym dans" al-Bahr ar-Raëq " :
" Le vœu formulé de donner de l'aumône aux riches doit être invalide. Il ne doit pas l'être, rétorque Ibn Nojaym, si on vise les voyageurs en détresse car ceux-ci figurent parmi les destinataires de la Zakat. Si le fidèle, en formulant le vœu, dit : si untel qui est absent rentre, je m'engage à fournir de la nourriture à ces gens qui étaient riches, le vœu ne sera pas valide. "
Dans son ouvrage intitulé " Radd al-Mehtar 'ala Ad-Dorr al-Mokhtar ", Ibn 'Abdine dit:
" La raison de l'invalidité du vœu réside dans le fait qu'il ne s'agit pas d'un acte de culte visant à satisfaire Allah ou d'un acte réalisable ; car un tel vœu destiné aux riches est considéré comme une aumône. " at-Tahawi, dans son commentaire sur "ad-Dor al-Mokhtar", dit : " son dire (faire vœu d'aumône aux riche n'est pas valide) revient au fait que cet acte n'inclut pas un acte obligatoire. Quant à son dire (à moins qu'il ne vise par là les voyageurs en détresse), il est appuyé sur le fait que ces derniers figurent parmi les destinations de la Zakat. Dans al-Fatawa al-Hendeya, il est cité : " Le vœu de donner un dinar en aumône aux riches est invalide. Il est également dit qu'un tel vœu est valide quand on vise par là les voyageurs en détresse. "
Ibn Nojaym, dans son ouvrage intitulé " al-Bahr ar-Raëq ", rapporte que cheikh Qassem a dit dans son "Charh ad-Dorar" ce qui suit :
" Comme l'affirme l'état des choses, le vœu formulé par la majorité de la populace surtout si on a une personne absente, ou malade ou bien si on a un besoin pressant qui consiste à se rendre, tête couverte, à un défunt pieux et lui solliciter : O mon maître untel, si celui qui me manque rentre ou si mon malade guérit ou bien si un tel besoin est satisfait, je donnerai de l'or, ou de l'agent, ou de la nourriture, ou de l'eau, ou des bougies, ou de l'huile en ta faveur à titre d'un vœu, cette forme de vœu sera unanimement invalide pour certains raisons dont:
- Un tel vœu est formulé au nom d'une personne et tout vœu formulé au nom d'un autre qu'Allah est invalide car le vœu est un acte de culte et tout acte de culte doit être voué à Allah ;
- La personne au nom de qui le vœu a été formulé est morte et par conséquent, elle est incapable de posséder ;
- La croyance selon laquelle la personne morte peut modifier le sort en dehors d'Allah ; est de la mécréance."
Cependant, si l'on dit : O mon Seigneur, si la personne en voyage untel absent rentre ou si untel malade guérit ou bien si un tel besoin est satisfait, je donnerai de la nourriture aux pauvres qui sont à la porte de la mosquée Sayyeda Nafissa, de celle de l'Imam ach-Chafé'i, ou de l'Imam al-Layth ; ou bien j'achèterai des tapis pour ces mosquées, de l'huile pour les éclairer ; ou bien je donnerai des dirhams pour ceux qui veillent à l'accomplissement des actes de cultes, dans ce cas, cette forme de vœu, formulé pour la cause d'Allah, est valide. La désignation de l'imam dans la formule du vœu a pour objet de déterminer la destination du vœu à savoir les pauvres qui se trouvent à côté de son mausolée ou à côté de sa mosquée. C'est pourquoi, cette forme de vœu est permise.
En effet, le vœu doit être destiné aux pauvres et non pas aux riche ni aux dignitaires ni aux gens de noblesse ni aux savants uniquement pour leur savoir, car il est interdit à toutes ces catégories d'en profiter à moins qu'on ne soit pauvre ou en nécessité. Dans la Chari'a, il n'est pas permis de faire vœu en faveurs des riches car un tel vœu ne vise pas l'agrément d'Allah et par conséquent est unanimement interdit. De plus, un tel vœu ne saurait être formulé et ne pourrait être prise en considération car il s'agit d'une nourriture illicite.
De même, il n'est pas permis au serviteur du cheikh de s'en servir ou d'en disposer à moins qu'il ne soit pauvre ou qu'il n'ait à sa charge des enfants pauvres, incapables de gagner leur vie. Dans ce cas, les pauvres peuvent en profiter à titre d'une aumône. Pourtant, cet acte est blâmable à moins que le donateur ne vise pas l'agrément d'Allah en faisant vœu aux pauvres indépendamment du Cheikh. Par conséquent, tout vœu consistant à donner des dirhams, des bougies, de l'huile ou autre aux mausolées des pieux est unanimement interdit tant que les pauvres vivants ne sont pas visés par cet acte".
De ce qui précède, le vœu qui consiste à offrir de la nourriture aux fidèles présents dans une mosquée (pauvres et riches) est unanimement interdit aux riches d'après les hanéfites. Quant au fait de qualifier le vœu, formulé en faveur des riches, d'invalide ou de valide tout en le destinant aux pauvres, il y a deux opinions :
- Certains jurisconsultes hanéfites jugent invalide cette forme de vœu car tout vœu formulé en faveur des riches n'est pas en principe valide, pour les raisons déjà précitées. Dans son ouvrage "Tanquih al-Fatawa al-Hamédeya", Ibn 'Abdine dit:
" Question : si un homme, avec des témoins à l'appui, fait vœu de telle
somme d'argent en faveur de la table servie par le gouverneur de la ville, dès qu'il a la garde de sa fille déjà sous la tutelle de son grand-père, sera-t-il délié de son engagement s'il récupère sa fille sous sa tutelle ? Réponse : Oui, car le vœu formulé au nom d'un mortel est invalide. De plus, son procès est à rejeter et le juge n'a pas le droit de trancher au sujet de tel vœu même s'il s'agit d'un vœu valide selon al-Fatawa al-Khayreya et autre."
- D'autres jurisconsultes hanéfites jugent valide cette forme de vœu et consacrent le vœu uniquement aux pauvres. L'érudit ar-Rafé'i, dans son commentaire critique sur l'ouvrage d'Ibn 'Abdine, dit :
" Si l'on dit: j'ai fait vœu de donner un Dinar en aumône, son vœu sera valide. Pourtant, s'il dit : j'ai fait vœu de donner un Dinar en aumône en faveur des riches, cet ajout invalide le vœu et son attitude est comparable à celui qui dit : j'ai fait vœu d'accomplir deux Rak'as sans ablution. C. F. al-Maqdessi. "
Cette opinion sied mieux à l'objectif de la Chari'a pour valider les termes du vœu autant que possible surtout lorsque l'usage l'approuve ; car il vaut mieux mettre en exécution l'ordre que le négliger. Notre fatwa relative à la nourriture offerte aux fidèles présents dans la mosquée lors de l'accomplissement de la prière du vendredi s'appuie sur cette opinion puisque les riches ne sont pas explicitement désignés par les termes du vœu. Ceci corrobore l'avis qui juge valide cette forme de vœu puisqu'il s'agit des termes généraux utilisés pour désigner un cas précis à savoir les pauvres. Dans ce cas, le vœu doit obligatoirement être destiné aux pauvres parmi les assistants à la prière car il est interdit aux riches d'en consommer.
Il en va de même pour le vœu qui consiste à offrir un sacrifice. Les jurisconsultes sont unanimes pour affirmer que le sacrifice est obligatoire à celui qui en fait vœu, qu'il soit riche ou pauvre. D'après les hanéfites, celui qui fait vœu d'offrir un sacrifice est tenu d'en offrir deux ; le premier est imposé par la Chari'a, et la deuxième par la nature du vœu. Cependant, si le vœu a eu lieu pendant les jours du sacrifice et son auteur avait l'intention de nous informer de cette obligation, ce vœu vise, donc, le sacrifice inscrit par la Chari'a.
Dans son surcommentaire sur "Rad al-Mehtar 'ala ad-Dor al-Mokhtar", Ibn Abdine dit :
" L'objet du vœu ne doit pas être un acte obligatoire à son auteur. Si le fidèle aisé, durant les jours du sacrifice, fait vœu de sacrifier une chèvre, il sera tenu d'immoler deux offrandes sacrificielles ; l'une à titre de vœu et l'autre à titre de sacrifice, à moins qu'il ne vise faire part de ce qui lui est obligatoire. Dans ce cas, il ne sera tenu que d'offrir un seul sacrifice. Pourtant, si la formulation du vœu qui consiste à offrir un sacrifice a lieu avant les jour du sacrifice, il est obligatoirement tenu d'en offrir deux car il n'y a pas lieu d'informer de ce que lui est obligatoire puisque avant le temps du sacrifice, rien ne lui est obligatoire. Il en va de même pour la personne en difficulté qui se trouve aisée durant les jours du sacrifice et sera, par la suite, tenue d'offrir deux sacrifices. "
Le vœu qui consiste à offrir une offrande sacrificielle est, somme toute, valide. Cependant, son vœu vise un autre sacrifice que celui principalement prescrite par la Chari'a à moins qu'il ne vise, durant les jours du sacrifice, de faire part de ce qui lui est obligatoire.
Bref, ni la personne qui fait un vœu, ni les riches ne sont autorisés de consommer de la chair du sacrifice offerte à titre de vœu. Cet avis est également partagé par les chaféites. Dans son ouvrage intitulé "al-Bahr ar-Raëq Charh Kanz ad-Daqaëq", l'érudit Ibn Nojaym dit : " Il est interdit au donateur et aux riches de consommer de la chaire du sacrifice rendu obligatoire par le vœu ; Car il est destiné aux pauvres à titre d'une aumône et il n'est autorisé ni au donateur ni aux riche d'en consommer. "