Fortune illicite et fortune entaché...

Dar al-Iftaa d'Égypte

Fortune illicite et fortune entachée d’argent illicite

Question

Un Musulman d’une famille musulmane a acquis une grande fortune par voie illicite par exemple vente du vin, des drogues, des transactions usurières, etc., sachant qu’il était au courant de l’interdiction religieuse de quelques-unes de ces transactions et ignorait l’avis religieux relatif aux autres. Maintenant, et après avoir accumulé cette fortune, il s’est repenti à Allah et a suivi le droit chemin. Il veut savoir l’avis religieux relatif à sa fortune : lui est-il religieusement permis d’en dépenser à ses propres besoins ? Et dans quelles destinations peut-elle être dépensée ?

Il y a également un cas pareil où un homme, avant d’accumuler une grande richesse, ignorait parfaitement l’illicéité des moyens d’acquisition de cette richesse. Qu’en dit la religion ?

Réponse

 

Il est établi par la charia que le Musulman ne sera pas demandé compte auprès d’Allah d’un acte interdit commis par ignorance. Pourtant, sa responsabilité n’en serait pas dégagée s’il avait la possibilité d’en être au courant. Il n’est pas permis au Musulman majeur et responsable de s’excuser d’avoir commis par ignorance un acte interdit surtout s’il avait la possibilité de s’en informer auprès des textes religieux ou des Ulémas... Car une telle justification ouvrira largement la porte à des prétentions mensongères pour contourner la loi. Pourtant, on accepte l’excuse du Musulman qui vit dans une région isolée où il n’a aucun contact avec des Musulmans ou bien du nouveau converti qui ne vit pas dans une société musulmane.
 
En Islam, le Musulman qui gagne un argent illicite n’a pas le droit de se l’approprier ; mais il doit s’en débarrasser. A cet effet, dans al-Mosanaf, Ibn Abi Chayba dit « Ibn ‘Olayya nous rapporte que Malek Ibn Dinar dit : on dit à ‘Ataa Ibn Abi Rabah : « Que dis-tu d’un homme qui a acquis un argent illicite ? »,
« Il doit le rendre à son ayant-droit. S’il n’arrive pas à l’identifier, il devra en faire aumône. Pourtant, je doute si Allah absout ou non son péché. »
Ibn Abi Chayba rapporte également que ‘Abdel Wahab ath-Thaqafi dit « Malek Ibn Dinar précise qu’un homme est venu dire à ‘Ataa :
 
« Quand j’étais adolescent, j’ai malhonnêtement accumulé une somme d’argent, et maintenant je veux m’en repentir à Allah. Que dois-je faire ? »
 
 « Tu dois le rendre à son ayant-droit. »
 
« Je n’arrive pas à l’identifier. »
 
« Fais-en aumône sans s’attendre à la récompense divine. Je ne sais pas si Allah pardonne ou non ton péché. »
 
« J’ai posé la même question à Mujahid qui m’a donné une réponse identique. »
 
An-Nawawy d’après al-Ghazali dit « Si une personne gagne un bien illicite et veut s’en repentir, elle doit le rendre à son ayant-droit sinon à son mandataire. Si l’ayant-droit est mort, elle doit restituer le bien malhonnêtement acquis à ses héritiers. Si le pécheur ignore son ayant-droit et le cherche vainement, il devra alors consacrer ce bien à l’intérêt public des Musulmans comme par exemple construire des barrages, des mosquées ou préparer les chemins de la Mecque, etc. Il peut également faire aumône de ce bien en faveur des pauvres musulmans ou même en sa faveur s’il est pauvre et en faveur de ses enfants indigents. En effet, verser l’aumône à ses enfants pauvres est un acte plus prioritaire. De même, étant pauvre, le pécheur est autorisé d’en profiter au fur et à mesure de la nécessité.
 
Après avoir transmis la parole précédente d’al-Ghazali, an-Nawawi dit : « L’avis d’al-Ghazali à ce propos est également partagé par les autres ashab. D’ailleurs, al-Ghazali lui-même a transmis le même avis d’après Mo’awya Ibn Abi Sofyan et quelques pieux prédécesseurs. Il l’a tenu d’Ahmad Ibn Hanbal, d’al-Hareth al-Mohasibi et de certains savants pieux[1]. »
 
En l’espèce, si les biens illicitement acquis par les deux hommes en question sont le fruit d’un vol ou d’une spoliation, ils doivent être restitués à leurs ayants-droit s’ils sont identifiables et encore vivants. Mais s’ils sont morts, ces biens doivent être rendus aux héritiers qu’on connaît parfaitement. Si ces deux hommes n’arrivent pas à identifier les possesseurs de ces biens, ils doivent en faire aumône au nom de ces ayants-droit inconnus. Mais au cas où ces biens font l’objet d’une transaction interdite (vente du vin, des drogues, transactions usurières) et les deux hommes en question étaient au courant de leur caractère interdit, dans ce cas, ils n’auront pas le droit de s’approprier ces biens illicitement acquis. Ils doivent plutôt les dépenser, par exemple, en faveur des pauvres ou même à leurs propres besoins s’ils sont aussi pauvres. Mais si ces deux hommes ignorent l’illicéité de ces transactions et vivent dans une région où il n’y a pas d’Ulémas, ils seront donc excusés et leur acte ne sera compté comme péché. Et par conséquent, il leur est religieusement permis de jouir de leurs biens acquis. Tout cela concerne les transactions illicitement conclues dans les pays musulmans. Toutefois, pour éviter à tout Musulman vivant à l’étranger toute gêne quotidienne, Abu Hanifa a déclaré permis les contrats imparfaits conclus dans un pays non musulman.  

Et Allah Seul le sait par excellence.           



[1] L’encyclopédie de la jurisprudence islamique – ministère des Waqfs au Kuweit. Lettre «Kaf», volume 34, p, 245. La reviviscence des sciences religieuses (Ihyaa ‘Oloum ad-Dine) d’al-Ghazali. Ed. al-Halabi, volume 2, p, 127 – 1333. » 
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