Les tombes des pieux

Dar al-Iftaa d'Égypte

Les tombes des pieux

Question

Quel est l'avis religieux relatif au long voyage effectué dans une autre ville pour visiter un mausolée ou une tombe d'un homme pieux ?     

Beaucoup de visiteurs ramènent des bêtes à sacrifier en faveur des pieux et des vertueux. Cet acte est-il permis ?     

Quel est l'avis religieux relatif aux Mawlid (fête tenue à la mémoire des pieux) aux éclats éblouissants et décorations de toutes couleurs ?     

J'ai un père âgé et je crains qu'il ne commette, en agissant de la sorte, un acte de polythéisme, pourrai-je l'empêcher de fréquenter de telles festivités commémoratives ?       

Réponse

La visite des tombes est permise à l'unanimité des Ulémas. Elle est unanimement recommandée pour les hommes. Quant aux femmes, les Hanéfites la jugent recommandée mais la majorité des savants la juge permise mais déconseillée vu la sensibilité du cœur des femmes. La preuve sur laquelle s'appuie la recommandation des visites des tombes est le Hadith suivant :    

« Par le passé, je vous ai interdit de visiter les tombes. Désormais, visitez-les car elles vous rappellent le Jour Dernier1. »

L'opinion de la majorité des savants précisant que la visite déconseillée des tombes pour les femmes ne porte pas sur la visite de la tombe du Prophète ﷺ et celles des autres Prophètes qui est recommandée aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Les preuves incitant à la visite de la tombe du Prophète ﷺ revêtent un caractère général.     

Si la visite des tombes est permise, il en va de même pour le départ en voyage pour effectuer cette visite. Le départ en voyage ne constitue pas en soi un acte de culte. On peut réfuter l'allégation selon laquelle le départ en voyage pour visiter la tombe du Prophète ﷺ ou les autres tombes est interdit par le fait que cet avis suppose que le privilège de visiter les tombes concerne uniquement les habitants de la ville où se trouve la tombe à visiter. Autrement dit, les habitants de Médine, par exemple, sont les seuls à être autorisés à visiter la tombe du Prophète ﷺ alors que toute autre personne entreprenant cet acte commettra un péché. C'est évidemment absurde et erroné.     

En effet, les savants des fondements du Fiqh sont d'accord pour affirmer que les moyens ont le même statut que leurs fins. Par exemple, si le pèlerinage est obligatoire, le départ en voyage pour l'accomplir l’est également. De même, si la visite de la tombe du Prophète ﷺ ainsi que celle des vertueux, des proches parents et des Musulmans en général est recommandée, il en ressort que le départ en voyage pour effectuer ces visites le sont aussi. Sinon, il sera absurde de juger recommandé un acte alors que le moyen de son accomplissement est interdit.     

Les savants précisent qu'il est permis de partir en voyage pour visiter les tombes surtout celles des Prophètes et des vertueux car les preuves sur lesquelles s'appuie cette opinion revêtent un caractère général.     

Quant au Hadith rapporté dans les deux Sahihs et autres et selon lequel le Prophète ﷺ dit :    

« Il n’est permis de partir en voyage pieux que vers trois Mosquées : la Mosquée Sacrée, ma Mosquée ici, et la Mosquée d'al-Aqsa. »     

Ce Hadith porte seulement sur les mosquées vers lesquelles il est permis de partir en voyage pieux. La preuve en est la permission de partir en voyage en quête de science ou de commerce.     

Les savants sont d'accord sur cette interprétation. Cheikh Sulaiman Ibn Mansour (renommé par al-Jamal) dit :     

« Le dire du Prophète ﷺ « Il n'est permis de partir en voyage pieux que… » porte sur le départ en voyage ayant pour but l'accomplissement de la prière. Or, ceci ne contredit pas le voyage entamé pour tout autre but… L'imam an-Nawawi _ reprend-il _ dit : « Ce Hadith signifie que le départ en voyage vers une mosquée autre que les trois précitées n'a aucun mérite. Cette opinion d'an-Nawawi est adoptée par la majorité des savants. » »     

Al ‘Iraqi dit :     

« Dire que le départ en voyage mentionné dans le Hadith ne concerne que le départ en voyage vers les mosquées est l'une des meilleures interprétations de ce Hadith. En effet, il n'est pas permis de partir en voyage vers une mosquée autre que les trois précitées. Le départ en voyage ayant pour but la quête de science, la visite des vertueux et des frères, le commerce, le tourisme, etc., n'est pas concerné par ce Hadith. Le Hadith, rapporté par l'imam Ahmad et Ibn Abi-Chayba d'après Abou-Said al-Khodri et dont la chaîne de transmission est jugée bonne, mentionne explicitement le but du voyage : « Il n'est permis de partir en voyage pour accomplir la prière que vers la Mosquée Sacrée, la Mosquée d'al-Aqsa et ma Mosquée-ci ». Dans une autre version, il n'est permis de seller les montures que… »     

As-Sobky dit :     

« Il n'existe pas sur terre un endroit qui mérite en soi qu'on s'y rende hormis les trois villes (Mecque, Médine et Jérusalem). J'entends par le mérite, reprit-il, tout ce que la Charia vénère et fonde, sur sa base, un jugement religieux. Quant aux autres villes, il n'est pas permis d'y aller pour un mérite quelconque qu’aurait ce lieu. Mais le voyage doit avoir pour raison une visite à rendre ou une quête de science ou toute autre raison licite ou recommandée. En effet, tout se confond chez certains gens qui prétendent que le départ en voyage pour rendre visite à un vertueux gisant dans tout autre lieu que les trois mosquées précitées tel que Sidi Ahmad al-Badawi, est interdit. En effet, cette opinion est erronée car, selon la grammaire arabe, l'excepté doit faire partie de l'ensemble du genre dont il est exclu. Le Hadith signifie qu'il n'est pas permis de partir en voyage vers une mosquée ou un lieu pour leur simple mérite en soi, exception faite de trois mosquées sacrées. Par conséquent, le voyage ayant pour objectif la visite rendue ou la quête de science ne vise pas le mérite de l'endroit mais plutôt le mérite de celui qui s'y trouve. Que l'interprétation du Hadith soit donc entendue2. »     

De ce qui précède, le départ en voyage pour visiter les tombes des Prophèteﷺ , des vertueux et des parents est recommandé en tant que moyen unique pour accomplir cet acte recommandé. Qualifier d'interdit cet acte est une pure aberration.     

Immoler des bêtes et faire vœu de leur chair en faveur des pieux et des vertueux signifient que la récompense de ces actes leur sera accordée. L'intention doit pourtant être formulée en des termes explicites tels que : « Ceci est en faveur d'untel ou la récompense de cet acte est accordée à un tel, ou en disant : « J'ai immolé et fait vœu en faveur d'un tel. ». Ces formules n'entrent pas dans le cadre de l'immolation ou le vœu voué à un autre qu'Allah. Cette manière d'expression ressemble à celle exprimée par celui qui dit : " C'est une aumône pour la Cause d'Allah et en faveur d'untel ".

Saad Ibn 'Ubada dit :    

« O Envoyé d'Allah, ma mère est décédée. Alors, quelle est la meilleure aumône à s'acquitter en sa faveur ? », « L'eau », répondit le Prophète ﷺ. Puis, il creusa un puits et dit : « Ceci est en faveur de la mère de Saad3. » »     

Selon ce sens, le vœu et l'immolation en faveur des pieux et des vertueux sont légitimes et ne comportent pas, comme le prétendent certains, aucune sens de polythéisme. Ces deux actes ne contredisent pas ne plus la foi et l'adoration sincère ; car Le fidèle cherche simplement à ce que la récompense de cet acte soit attribuée au défunt. Ainsi, il s'agit d'un vœu ou d’une immolation réalisée dans le but de plaire à Allah et dont la récompense est attribuée aux personnes vertueuses.

Il convient de souligner que le vœu est classé en deux catégories distinctes : le vœu absolu et le vœu conditionné. Le vœu conditionné est réprouvé. Ibn Omar rapporte que le Prophète ﷺ a défendu de faire un vœu conditionné en disant :     

« Le vœu ne repousse pas ce qu'Allah a prédestiné. Mais c'est plutôt un moyen de soustraire l'aumône à l'avare4. »     

Pour le Musulman, il est primordial de se rapprocher d'Allah en accomplissant de bons actes sans condition.     

Le vœu de dévotion est de deux formes : le vœu concernant les actes cultuels prescrits par la Charia, c'est-à-dire toute obligation basée sur un fondement religieux telle que la prière, le jeûne, le pèlerinage et autre. L'acquittement de cette forme de vœu est unanimement obligatoire. La deuxième forme de vœu est celle qui porte sur les moyens de se rapprocher d'Allah, c'est-à-dire, tout acte de dévotion ne figurant pas parmi les obligations de la religion. Il s'agit tout simplement des actes et des bons caractères approuvés par la Charia telle que la construction des mosquées, la marche derrière le convoi funèbre, l'invocation d'Allah en faveur de celui qui éternue, etc. d'après la majorité des savants sauf les Hanéfites, l'acquittement de ce genre de vœu est obligatoire.     

L'opinion des jurisconsultes précisant que le vœu ne doit pas être fait en faveur du défunt n’affecte en rien la validité de ce genre de vœu. L'impossibilité de faire vœu en faveur du défunt revient à l'incapacité de lui remettre l'objet du vœu et ceci n'est jamais visé par les gens qui font des vœux en faveur des morts.     

Commémorer le souvenir des pieux et des vertueux et éprouver de l'amour envers eux figurent parmi les actes approuvés par la Charia. En effet, ces actes visent à se consoler par leur expérience et à suivre leur exemple. Il n'y a pas d'inconvénient de fixer des jours précis pour commémorer les mérites des pieux et des vertueux, que ce soit leurs anniversaires ou autre car Allah dit :     

« Rappelle-leur les jours bénis d'Allah5. »     

Quant aux actes interdits qui se passent durant ces occasions tels que la mixité interdite entre les hommes et les femmes, il est de devoir de chacun de les dénoncer et d'attirer l'attention de leurs auteurs sur la contradiction de ces actes avec l'objectif principal de ces nobles festivités.     

La Charia vous interdit d'empêcher votre père d'accomplir les actes pieux pour une illusion. En vérité, l'amour des vertueux est l'un des signes de l'agrément d'Allah. Le Prophète ﷺ dit :     

« Je ne crains pas, que vous vous tourniez, vers le polythéisme (après ma mort), ce que j’appréhende, c’est que vous vous disputiez les biens terrestres et cette dispute vous mènent à la perte, tout comme vos prédécesseurs6. »     

Enfin, si vous voyez votre père commettre un péché, conseillez-le avec douceur et sans blâme.    

- 1-  Hadith cité par Muslim.  2- Ftouhat Al-Wahhab Bi-Tawdih Charh Manhaj At-Tollab, connu par Hacheyat Al-Gamal, (2/361). 3- Hadith rapporté par Abou-Daoud, an-Nassâ’î et Ahmad.  4- Hadith rapporté par al-Boukhari et Musleim.  5- Coran : Ibrahim. V. 5.  6- Rapporté par Musleim et al-Boukhari d'après 'Oqba Ibn 'Amer

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