Lors de son allocution à l’occasion du lancement du projet scientifique conjoint entre le Complexe des Recherches Islamiques et l’Agence Spatiale Égyptienne.

Son Éminence le Professeur Dr. Nazir Mohamed ‘Ayyad, Mufti de la République et Président du Secrétariat général des institutions de Fatwa dans le monde, a déclaré que le lancement du projet scientifique conjoint entre le Complexe des Recherches Islamiques d’Al-Azhar et l’Agence Spatiale Égyptienne constitue une étape pionnière vers l’établissement d’une jurisprudence cosmique contemporaine, répondant aux défis de l’époque et prenant en compte une réalité scientifique marquée par l’accélération des découvertes et l’émergence de questions juridiques inédites.
Cette déclaration a été faite lors de son allocution à l’occasion du lancement du “projet scientifique conjoint entre le Complexe des Recherches Islamiques d’Al-Azhar et l’Agence Spatiale Égyptienne”, consacré à l’étude des “nouvelles problématiques juridiques liées aux dispositions relatives à l’espace”. Il a souligné que l’intérêt porté à l’espace d’un point de vue juridique reflète une vision lucide des finalités de la Charia, laquelle n’a pas été instituée pour demeurer confinée à la terre, mais se veut capable d’accompagner l’évolution de l’humanité où qu’elle se trouve, jusque dans les orbites des planètes et sur les surfaces des lunes.
Son Éminence a affirmé que la religion islamique n’a laissé sans orientation ni prescription aucun aspect de la vie humaine, y compris les phénomènes cosmiques et astronomiques auxquels se rattachent de nombreux actes cultuels et transactions. Il a précisé que la noble Charia prend en considération l’articulation harmonieuse entre les dimensions matérielle et spirituelle de la vie du musulman, et incite à tirer profit de l’ensemble des sciences pour la réalisation de ses finalités.
Il a ajouté que les sciences religieuses ont souvent besoin du soutien des sciences expérimentales, citant à titre d’exemple l’astronomie pour la détermination des horaires de prière, l’observation du croissant lunaire et l’orientation de la qibla, ainsi que les mathématiques pour le calcul des successions. Il a souligné qu’une erreur dans ces calculs ne se limite pas à un simple désordre d’ordre terrestre, mais peut exposer le musulman à une responsabilité devant Dieu, exalté soit-Il. Cela met en évidence la nécessité d’une complémentarité entre religion et science.
Son Éminence s’est également arrêté sur l’apport civilisationnel des musulmans dans le domaine de l’astronomie, précisant que les savants musulmans n’ont pas abordé les phénomènes cosmiques par simple curiosité scientifique, mais comme une démarche essentielle pour réguler les actes cultuels et faciliter l’accomplissement des prescriptions religieuses. Ils ont ainsi fondé des observatoires, conçu des instruments et rédigé des ouvrages combinant jurisprudence, calcul et cosmologie.
Le Mufti de la République a illustré son propos par l’exemple du célèbre astronome égyptien Ibn Younès al-Sadafî, qui a évoqué dans son œuvre le lien étroit entre la position des astres et les dispositions juridiques. Il a souligné l’importance de l’astronomie pour la détermination des horaires de prière, du jeûne, de l’aube, du coucher du soleil, de l’apparition du crépuscule, de l’orientation de la qibla, ainsi que du début des mois lunaires, et même pour la fixation des périodes de semence et de récolte. Il a précisé que cet ancrage scientifique a contribué à distinguer la civilisation islamique des autres civilisations, en faisant de l’astronomie une science civilisationnelle liée à l’adoration et à la pratique quotidienne du musulman, et non une science purement théorique.
Le Mufti de la République a abordé les défis juridiques soulevés par la vie dans l’espace extra-atmosphérique, soulignant que les astronautes vivant sur la surface de la lune ou dans les stations orbitales sont confrontés à des conditions temporelles et spatiales radicalement différentes de celles des habitants de la Terre : la durée du jour et de la nuit, la rotation des astres, les conditions de pureté rituelle et d’ablution, voire même les orientations et la qibla. Tous ces éléments influencent directement l’accomplissement des actes cultuels. Son Éminence a affirmé que l’application des mêmes dispositions juridiques aux astronautes qu’à ceux qui vivent sur Terre, sans tenir compte de la réalité astronomique différente, constitue une violation du principe de levée de la gêne, en contradiction avec la parole explicite du Très-Haut : « Et Il n’a placé aucune gêne pour vous dans la religion » [Al-Hajj : 78].
Dans ce contexte, Son Éminence a appelé à la nécessité de fournir aux scientifiques de l’espace des références juridiques fiables, des travaux des académies de jurisprudence et des fatwas émises par les institutions officielles de l’iftâ’, afin de les aider à accomplir leurs devoirs conformément aux finalités de la Charia et selon un principe de facilitation fondé sur la science, et non une complaisance fondée sur l’ignorance. Dans son discours, le Mufti a également mis en garde contre les tendances à l’excès ou à la négligence dans le traitement des questions relatives à l’espace, estimant que certains efforts d’interprétation exagèrent en imposant aux textes religieux des significations qu’ils ne peuvent contenir, dans une tentative de démontrer une concordance forcée entre le texte et des théories scientifiques changeantes. Une telle démarche, a-t-il averti, risque d’ébranler la confiance des jeunes dans la religion et d’ouvrir la voie aux revendications de l’athéisme et de l’irréligion.
Dans le même temps, il a mis en garde contre une négligence qui exclurait la religion des domaines de la recherche cosmique, affirmant que la Charia, par nature équilibrée, ne tolère pas de substituer une conjecture erronée à une certitude, ni de s’arrêter à une lecture littérale ignorant ses finalités suprêmes. Son Éminence a souligné que la fatwa concernant les questions spatiales ne peut être émise indépendamment des disciplines spécialisées, insistant sur le fait que le mufti doit être solidement ancré dans les fondements de la Charia, conscient des évolutions contemporaines, informé des vérités scientifiques et pleinement au fait des contextes des questions sur lesquelles il se prononce.
En conclusion de son allocution, le Mufti de la République a annoncé que Dar al-Iftâ’ accueille avec toute son énergie la coopération scientifique avec l’Agence Spatiale Égyptienne et le Complexe des Recherches Islamiques, en vue de préparer un guide juridique exhaustif sur les problématiques spatiales, qui constituerait une référence fiable et précise pour les muftis, les chercheurs et les agences spatiales. Ce guide poserait la première pierre d’une jurisprudence civilisationnelle éclairée, alliant l’authenticité du texte et l’effort d’interprétation enraciné dans la réalité. Il a également appelé à intégrer la jurisprudence spatiale dans les programmes des facultés de Charia ainsi que dans les cursus des centres de recherche et de formation, afin de former une nouvelle génération de savants maîtrisant à la fois les outils de la jurisprudence et les sciences de la réalité, et capable d’aborder les innovations cosmiques avec science, justice et discernement.
Il est à noter que le lancement du projet scientifique conjoint entre le Complexe des Recherches Islamiques d’Al-Azhar et l’Agence Spatiale Égyptienne a vu la participation de Son Éminence le Professeur Dr. Mohamed Abdel Rahman al-Duwaini, Vice-Recteur d’Al-Azhar et Président du Centre Mondial d’Al-Azhar pour l’Astronomie Juridique et les Sciences de l’Espace ; Son Éminence le Professeur Dr. Oussama al-Azhari, Ministre des Affaires Religieuses ; le Professeur Dr. Salama Daoud, Recteur de l’Université d’Al-Azhar ; le Professeur Dr. Cherif Sedki, Président-Directeur Général de l’Agence Spatiale Égyptienne ; ainsi que Son Éminence le Professeur Dr. Mohamed al-Joundi, Secrétaire Général du Complexe des Recherches Islamiques et Vice-Président du Centre Mondial d’Al-Azhar pour l’Astronomie.