Lors de sa conférence destinée à la formation des muftis malaisiens au ministère des Affaires religieuses, le Mufti de la République a affirmé que la fatwa constitue l’une des sources les plus importantes d’orientation des individus et des communautés, en raison de son impact direct sur la croyance, la législation islamique et le comportement.
Son Éminence le Professeur Dr Nazir Mohamed Ayyad, Mufti de la République et Président du Secrétariat général des institutions de fatwa dans le monde, a affirmé que la fatwa ne se limite pas aux questions cultuelles, mais s’étend à l’ensemble des domaines de la vie. Les gens y ont recours pour des questions relatives à la croyance, à la législation islamique et au comportement. Il a expliqué que les faits et les événements peuvent, en apparence, sembler éloignés de la religion, alors que la fatwa a, à l’origine, pour vocation de réformer à la fois la religion et la vie ici-bas, à travers une compréhension éclairée de la Révélation. Il a souligné que la fatwa revêt une importance majeure touchant à la vie terrestre et à l’au-delà, et qu’elle repose sur deux piliers : le mufti et le demandeur de fatwa, dans le but de clarifier ce qu’il convient de faire ou d’éviter, et de statuer sur le licite et l’illicite.
Ces propos ont été tenus lors de l’allocution de Son Éminence à l’occasion de la première session scientifique de formation des muftis de l’État de Malaisie, organisée par le ministère des Affaires religieuses, sous le thème : « L’enracinement du concept de la modération et les moyens de faire face à la pensée extrémiste à travers le développement de compétences de formation avancées selon l’expérience égyptienne ».
Son Éminence a précisé que le sens terminologique de la fatwa est indissociable de ses significations linguistiques, puisqu’elle consiste à exposer la règle juridique islamique, à lever l’ambiguïté et à dissiper les difficultés sans caractère contraignant. Il a expliqué que le mufti est le juriste qualifié pour répondre aux questions, tandis que le demandeur de fatwa est celui qui sollicite l’éclaircissement. Il a également affirmé que Dieu, Exalté soit-Il, est le premier à avoir exposé les règles, et que le Prophète ﷺ fut le premier parmi les êtres humains à assumer cette noble mission, sans rechercher ni richesse ni prestige, citant la parole du Très-Haut : « Dis : Je ne vous demande pour cela aucune rétribution, et je ne suis pas du nombre de ceux qui se donnent des charges artificielles. » (Coran, 38 :86).
Le Mufti de la République a également souligné la gravité de la fatwa, dans la mesure où elle constitue une « signature au nom du Seigneur des mondes ». C’est pour cette raison, a-t-il expliqué, que les savants ont divergé dans leur pratique de l’iftâ’, certains y recourant abondamment, d’autres avec parcimonie, et d’autres adoptant une voie médiane. Il a mis en garde contre le fait d’émettre des avis contraires à l’intention du Législateur, ce qui entraîne des conséquences néfastes tant pour celui qui les profère que pour la société, s’appuyant sur la parole du Prophète ﷺ : « Celui qui instaure en islam une bonne tradition en aura la récompense ainsi que celle de tous ceux qui la mettront en pratique après lui ; et celui qui instaure une mauvaise tradition en portera le fardeau ainsi que celui de tous ceux qui la suivront. »
Il a précisé que la fatwa s’est transmise successivement par les Compagnons, puis les Successeurs, puis les imams des écoles juridiques, et qu’elle relève des obligations collectives (farḍ kifâya), auxquelles ne peuvent prétendre que ceux ayant atteint le niveau requis de compétence scientifique.
Son Éminence a également expliqué que le devoir des demandeurs de fatwa est d’interroger les savants afin d’obtenir l’éclaircissement nécessaire et d’éviter de tomber dans le péché, citant l’imam al-Ghazâlî quant à l’obligation, pour le profane, de consulter les savants et d’agir selon leurs avis. Il a mis en garde contre les appels visant à obliger le grand public à rechercher lui-même les fatwas sans disposer des outils scientifiques requis, car cela conduit à la paralysie des intérêts des gens. Il a insisté sur le fait que la fonction de mufti est une mission éminente qui exige à la fois la responsabilité légale et le savoir, car l’iftâ’ est une science, et parler sans science à son sujet est interdit, s’appuyant sur la parole du Très-Haut : « Et de dire sur Dieu ce que vous ne savez pas » (Coran, 7:33).
Le Mufti de la République a enfin rappelé que parmi les conditions essentielles du mufti figurent la probité, l’objectivité et le refus de suivre les passions. Il a affirmé que le mufti est tenu de suivre la vérité où qu’elle se trouve, et non les inclinations des désirs, citant la parole de Dieu, Exalté soit-Il : « Que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Soyez justes : cela est plus proche de la piété » (Coran, 5:8), ainsi que la parole du Prophète ﷺ : « Si Fatima, fille de Muhammad, avait volé, je lui aurais coupé la main. » Il a également insisté sur l’importance de la sagacité, de la capacité à discerner entre les opinions et à opérer la préférence entre elles, soulignant que l’ijtihâd constitue une condition fondamentale du mufti : il s’agit de l’effort soutenu visant à déduire la règle juridique islamique selon une méthodologie scientifique rigoureuse et maîtrisée.
Son Éminence a ensuite abordé l’éthique du mufti, soulignant la nécessité de la sincérité de l’intention et de sa présence constante dans la quête du savoir et dans l’émission des fatwas, conformément à la parole du Prophète ﷺ : « Les actes ne valent que par les intentions. » Il a précisé que parmi les qualités éthiques du mufti figure également l’association du savoir à la clémence, ce qui engendre dignité, patience et douceur, s’appuyant sur la parole du Très-Haut : « Si tu avais été rude et dur de cœur, ils se seraient dispersés loin de toi » (Coran, 3:159). Il a aussi insisté sur la nécessité pour le mufti d’être conscient de sa place au sein de la société et de disposer d’une suffisance scientifique et matérielle le préservant des pressions et de l’inconstance dans la fatwa, évoquant à cet égard l’expérience de l’imam al-Shâfi‘î dans la prise en compte des usages et des coutumes des gens.
Le Mufti de la République est ensuite passé à l’objectif central, à savoir la réalisation de la modération (wasatiyya). Il a expliqué que l’extrémisme consiste à dépasser les limites et qu’il naît d’une lecture des textes en dehors de leurs contextes, ou isolée du cadre global de la sharî‘a, sous l’influence des passions et des appartenances étroites. Il a souligné que la modération consiste à éviter les deux extrêmes de l’excès et de la négligence. Il a ajouté que l’instauration d’une conscience éclairée de la fatwa repose sur la reconnaissance de la valeur de la raison en islam, le refus de son invalidation, et le suivi de modèles intellectuels rigoureusement encadrés.
Son Éminence a attiré l’attention sur ce qu’a mentionné l’écrivain Abbas Mahmoud al-‘Aqqâd dans son ouvrage La réflexion est un devoir islamique, affirmant que le Noble Coran s’adresse à la raison avec le plus haut degré de considération et lui confère un rôle central dans la compréhension de la religion, citant la parole du Très-Haut : « Dis : sont-ils égaux, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? » (Coran, 39:9).
Il a expliqué que l’analogie juridique (qiyâs) est, dans son essence, un travail rationnel rigoureusement encadré, évoquant à l’appui le hadith de l’homme qui se plaignit auprès du Prophète ﷺ de la naissance d’un fils noir de son épouse.
Son Éminence a enfin souligné que l’action du mufti repose sur la conjugaison du texte révélé et de l’effort d’interprétation (ijtihâd), insistant sur l’inexistence de toute contradiction réelle entre la raison et la Révélation, car toutes deux sont une vérité émanant de la Vérité. La raison est guide et la religion est soutien, afin que les deux lumières se rejoignent et deviennent « lumière sur lumière ». Il a précisé que la relation entre la raison et la religion est régie par des cercles de compétence, d’autorité et de complémentarité, expliquant que l’islam instaure un cadre éthique rigoureux pour l’usage de la raison, en particulier dans les domaines de la recherche scientifique.
Le Mufti de la République a évoqué plusieurs leçons historiques illustrant les conséquences des fatwas non encadrées, telles que les avis interdisant l’ijtihâd à l’époque mamelouke, les fatwas prohibant l’usage de l’imprimerie dans l’Empire ottoman, ainsi que celles interdisant la conservation des antiquités à l’époque contemporaine. Il a souligné que la fatwa rigoureusement encadrée favorise la tolérance et la modération, et protège contre l’excommunication abusive (takfîr) et l’extrémisme, s’appuyant sur la parole du Prophète ﷺ : « Celui qui dit à son frère : “Ô mécréant”, l’un des deux en porte la responsabilité. »
Il a expliqué que la fatwa efficace repose sur la prévention des dérives (sadd adh-dharâ’i‘), l’activation de l’ijtihâd institutionnel, et le respect de la coutume (‘urf) en tant que critère reconnu dans la régulation des jugements juridiques, rappelant la règle juridique : « Ce qui est reconnu par l’usage est assimilé à ce qui est stipulé par une condition. »
Le Mufti de la République a conclu en affirmant que la fatwa, lorsqu’elle est mise en œuvre de manière éclairée, conciliant la raison et la Révélation, tenant compte des finalités de la sharî‘a, de l’éthique et de la modération, devient un instrument efficace pour protéger la société contre l’extrémisme et la radicalisation, renforcer la stabilité intellectuelle et culturelle, et garantir la continuité de la diffusion du savoir et de la connaissance, au service de l’intérêt de la communauté et de l’enracinement des valeurs de modération, de justice et de paix.
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