Abandonner le séjour à Ména

Dar al-Iftaa d'Égypte

Abandonner le séjour à Ména

Question

cute;jour à Ména pour les faibles, les malades et les femmes ? Que dit la religion du fait de mandater des personnes pour jeter les Cailloux à leur place ?

Réponse

La sauvegarde de l’âme est, comme il est bien établi, l’un des objectifs principaux de la Chari’a. Comme il est établi dans les règles du Fiqh qu’en cas d’opposition entre intérêts et préjudices : « Eviter un préjudice est prioritaire à la réalisation d’un intérêt. ». Egalement, en cas d’opposition des intérêts, on s’efforce de les réconcilier sinon on donne la priorité aux intérêts d’importance majeure. 

En effet, l’âme musulmane espère toujours d’accomplir le Hajj. Or, Allah, le Très-Haut, l’a prescrit seulement à celui qui en a les moyens et en a dispensé celui qui se trouve empêché, pour une certaine cause contraignante, de l’accomplir. Donc, la sauvegarde de la vie des pèlerins est un devoir religieux auquel tous les Musulmans doivent s’appliquer vu le caractère sacré que la vie humaine revêt. D’après Ibn ‘Abass dit :
« En s’adressant à la Ka’ba, le Messager d’Allah dit : « O belle Demeure ! Comme tu es Sublime et sacrée ! Mais le sang du croyant est plus sacré que toi auprès d’Allah(1) . »

A ces jours-ci, il s’avère nécessaire de faciliter aux gens les fatwas et les prescriptions du pèlerinage. Alors, il est de la sagesse de prendre en considération les circonstances des gens lors de l’accomplissement du Hajj pour éviter à eux de s’exposer à des épidémies et des maladies dangereuses surtout dans les endroits où se multiplient les rassemblements et pour qu’ils reviennent saints et saufs chez eux.

En effet, le séjour à Ména au cours des jours d’at-Tachriq fait l’objet de divergence entre les Ulémas :
_ La plupart des Chaféites, des Hanbalites et des Malékites indiquent qu’il s’agit d’une obligation.
_ Les Hanéfites, pour eux, estiment qu’il s’agit d’une Sunna. C’est également l’avis de quelques savants chaféites, hanbalites et malékites ; même si cet avis n’est pas adopté par l’Ecole de chacun.
Dans Majma’ el-Annhor, Le Faqih hanéfite Damad dit :
« Il est détestable de ne pas passer les jours d’at-Tachriq à Ména. Pourtant chez nous, le pèlerin qui ne s’y séjourne pas, ne doit rien(2) . »

Dans al-Hidaya, l’érudit hanéfite al-Mirghani dit :
« Il est détestable de ne pas passer la nuit, les jours d’at-Tachriq, à Ména ; car le Prophète y a séjourné et ‘Omar punissait celui qui ne la faisait pas. Pourtant chez nous et contrairement à l’imam Ach-Chafé’i, le pèlerin qui délaisse volontairement le séjour à Ména ne doit rien ; car ce séjour a pour but de faciliter au pèlerin le Jet des Cailloux et ne constitue pas un des rites du Hajj. L’abandonner donc n’oblige pas d’offrir un sacrifice à titre de réparation(3) . »

Il est à noter également que l’imam ach-Chafé’i, dans un avis, a qualifié de Sunna le séjour à Ména. Commentant cet avis, Abu Ishaq ach-Cherzy dans al-Madhab dit :
« Ach-Chafé’i a ainsi jugé ; car il s’agit d’un simple fait de passer la nuit tout comme de la veille du jour de ‘Arafat(4) . »

Dans al-Insaf, l’érudit hanbalite al-Mardawy transmet un avis appartenant à l’imam Ahmad qualifiant de Sunna le séjour à Ména au cours des jours d’at-Tachriq(5) .

En effet, ceux qui ont jugé Sunna le séjour à Ména se sont référés à ce que les deux cheikhs ont rapporté d’après Ibn ‘Omar qu’Al-’Abbas avait demandé au Prophète de lui permettre de passer à la Mecque les jours qu’il devait passer à Ména pour pouvoir donner à boire aux pèlerins. Par conséquent, si le séjour à Ména est obligatoire, le Prophète n’aurait pas permis à Al-’Abbas de le laisser pour donner à boire aux pèlerins(6) .

Les Ulémas qualifiant de Sunna le fait de séjourner à Ména estiment que le séjour en soi n’est pas visé ; mais simplement il a été institué pour avoir pitié des pèlerins qui, le lendemain, doivent être proches du lieu du Jet des Cailloux. Donc, l’accomplissement d’un acte qui n’est pas visé en soi ne saurait être en aucun cas obligatoire.

Si nous ajoutons à cela la peine à éprouver, l’étroitesse du lieu de culte et la crainte d’être atteint de maladie, nous, pour toutes ces considérations, optons pour l’avis qualifiant de Sunna le séjour à Ména.

Il est à souligner que parmi les Ulémas qui qualifient de Sunna le séjour à Ména figurent ceux qui qualifient également de Sunna le fait d’offrir un sacrifice à titre de réparation en cas d’abandon total de séjour à Ména. Mais pour le pèlerin qui l’abandonne pour un seul jour, il est préférable de faire aumône d’un mud(7) de nourriture. C’est ce qu’on dégage, en fait, du deuxième avis de l’imam Ach-Chafé’i qualifiant ce séjour de Sunna.

Dans al-Majmou’ (8/223), l’imam An-Nawawi dit :
« Juger obligatoire le séjour à Ména entraîne nécessairement l’obligation d’offrir un sacrifice à titre de réparation. De même, qualifier de Sunna le séjour à Ména exige, en cas d’abandon, de juger préférable le fait d’offrir un sacrifice à titre de réparation. »

Les Hanéfites indiquent que le pèlerin qui abandonne le séjour à Ména ne doit rien.

Dans une version, l’imam Ahmad dit :
« Il ne doit rien ; mais il a mal agi(8) . »
Même selon la majorité des savants qui considèrent le séjour à Ména comme une obligation en dispensent le pèlerin ayant une excuse valable. Selon eux, celui-ci, en abandonnant le séjour à Ména, ne commet ni péché ni acte désapprouvé et par conséquent il ne doit rien. Soulignons à cet égard que la crainte d’être atteint de maladie figure parmi les excuses valables.

Dans son Mansak, l’imam An-Nawawi dit :
« Le pèlerin qui abandonne le séjour à Mozdaléfa ou à Ména pour une excuse valable ne doit rien. A cet effet, il faut noter qu’il y a plusieurs genres d’excuses valables ; mentionnons-en par exemple l’excuse résultant d’un élément extérieur tel que la crainte pour sa personne ou de perdre son argent. En effet, il est permis à celui ayant cette excuse valable d’abandonner le séjour à Ména de partir en masse de Mozdaléfa après le coucher du soleil sans pour autant être obligé d’offrir un sacrifice à titre de réparation(9) . »

Dans Moghni al-Mohtaj, cheikh chaféite Al-khatib Ach-Chérbini dit :
« Font partie de ceux qui ont une excuse valable de ne pas séjourner à Ména : celui qui craint de perdre son argent, celui qui craint pour sa personne et celui qui craint de rater une affaire importante telle que le fait de chercher un esclave fuyant ou de soigner un malade. Et ce, par analogie aux bergers et à ceux qui donnent à boire aux pèlerins qui sont autorisés de partir en masse à partir de Mozdaléfa après le coucher du soleil(10) . »

Dans al-Moghni (5/257), l’imam Ibn Qudama dit :
« Le pèlerin ayant une excuse valable telle qu’une maladie ou crainte de perdre son argent a, quant à l’autorisation d’abandonner le séjour à Ména, le même statut que les bergers et ceux qui donnent à boire. En fait, le Prophète a permis à ceux-ci de le faire pour faire allusion aux autres cas. »

Dans son al-Mowataa, l’imam Malik rapporte d’après ‘Asem Ibn ‘Odaï que :
« Le Messager d’Allah a donné la permission aux chameliers de séjourner hors de Ména et de jeter les Cailloux le jour d’an-Nahr (jour de fête) puis les trois jours d’at-Tachriq et le jour du déferlement des pèlerins pour accomplir la Circumambulation d’adieu (Tawaf al-Widaa). »

D’ailleurs, les deux cheikhs al-Boukhari et Musleim ont rapporté d’après Ibn ‘Omar que :
« Al-’Abbas Ibn ‘Abdel Mottaleb a demandé au Prophète de lui permettre de passer à la Mecque les nuits qu’il devait passer à Ména pour donner à boire aux pèlerins et le Prophète le lui a permis. »
En lisant ces Hadiths, il ne faut pas comprendre que la permission soit limitée à ces personnes-là ou à ces cas particuliers ; mais plutôt il faut en déduire ce à quoi vise le législateur. Limiter la permission aux personnes mentionnées dans les Hadiths est, certes, une sorte d’inflexibilité.

Dans Fath al-Bari(11) , al-Hafez Ibn Hajar dit :
« La permission, figurée dans le Hadith, est-elle restreinte au fait de donner à boire et à Al-’Abbas ou s’étend-elle pour contenir d’autres personnes ayant des excuses pareilles ? Certains disent que la permission est limitée à Al-‘Abbas, mais cet avis reflète une sorte d’inflexibilité. D’autres indiquent qu’elle concerne également sa famille ou sa tribu Banou Hachim ou tous ceux qui donnent à boire aux pèlerins. Par contre, certains ont élargi le cercle de cette permission figurée dans le Hadith pour contenir d’autres personnes exerçant ce métier et d’autres services comme par exemple donner à manger aux pèlerins. De sa part, Ach-Chafé’i, d’après le Hadith, y a ajouté celui qui craint de perdre son argent ou de rater l’accomplissement d’une chose très importante ou de laisser un malade sans soins. »

Dans at-Tamhid, Al-Hafez Abu ‘Amr Ibn ‘Abd er-Razzaq dit :
« ‘Ataa rapporte d’après Ibn ‘Abbas qui dit : « Si le pèlerin craint de perdre son bien laissé à la Mecque s’il passe la nuit à Ména, il peut, sans aucun inconvénient, revenir passer la nuit à la Mecque ; car la crainte est une cause valable qui dispense de séjourner à Ména. »

Il est bien connu qu'obliger le pèlerin de passer la nuit à Ména en plus d'autres rites à accomplir ne fait que l'affaiblir et le fatiguer. Ajoutons également qu'à notre temps les épidémies et les maladies dangereuses peuvent être tout facilement transmises d'une personne à l'autre surtout lors des rassemblements en masse des pèlerins. Sans doute, ceux qui en souffrent les plus sont les femmes, les enfants, les vieillards, et les faibles. C'est pourquoi, il est convenable qu'ils aient le même statut que ceux dispensés, pour une raison valable, de ne pas séjourner à Ména surtout que ce séjour ne fait pas partie, comme l'indiquent les Ecoles les plus suivies, des rites principaux du pèlerinage.

Quant au fait de mandater une personne pour accomplir le Jet des Cailloux à la place des faibles, des malades et des femmes, il est religieusement permis, vu qu'il est permis, dès le début, de mandater quelqu'un pour le Hajj lui-même.

En effet, il s’agit d’une facilité accordée à ceux ayant des excuses valables telles qu'une maladie ou autre. Raison pour laquelle, les Fouqaha ont attaché à ceux dispensés de séjourner à Ména et évoqués expressément dans les Hadiths d'autres personnes d'une situation pareille telles que celui qui craint pour sa vie ou qui craint la perte de son argent ou bien qui prend soin d'un malade, etc.

Dans al-Majmou' (8/219, 220), l'imam An-Nawawi dit :
« Ach-Chafé’i et les Ashabs disent : le pèlerin qui ne peut pas accomplir le Jet des Cailloux à cause d'une maladie ou d'une autre raison valable est autorisé de mandater une personne pour le faire à sa place. »

Pour tout ce qu'on vient de mentionner, il est donc permis aux faibles, aux malades, aux emprisonnés, et aux femmes de ne pas passer la nuit à Ména. De même, il leur est permis de mandater une personne pour accomplir le Jet des Cailloux à leur place. Dans les deux cas, ils ne commettent pas de péché et par conséquent ils ne doivent pas offrir un sacrifice à titre de réparation.

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(1) Cité par al-Baihaqi dans Cho’eb al-Iyman (3/444). 
(2) Dar Ihyaa at-Tourath (1/282).
(3)Dar al-Fikr (2/501, 502).
(4)Dar al-Monyryya (8/222). 
(5)Dar Ihyaa at-Tourath al-‘Arabi (4/60).
(6)Fath al-Qadir. Recension, Al-Kamal Ibn Hammam. Dar al-Fikr (2/501, 502).
(7)C’est l’équivalent de la quantité des deux poignées de taille moyenne ou de deux livres selon l’estimation irakienne. 
(8) Al-Moghni d’Ibn Qudama, (3/232).
(9)Hachiat al-‘Allama al-Haytamey. Dar al-Hadith, Beyrouth (399/402).
(10)Dar al-Kotoub al-‘Ilmiyya. (2/266). 
(11) Dar al-Ma’refa (3/579).
 

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