Le prisonnier qui s'isole avec sa f...

Dar al-Iftaa d'Égypte

Le prisonnier qui s'isole avec sa femme

Question

Quel est l'avis religieux permettant à un prisonnier de s'isoler avec son épouse pour satisfaire leurs besoins sexuels ? Y a-t-il une durée déterminée par la Charia pour priver, à titre de punition, l'homme d'avoir des rapports sexuels avec sa femme ? Y a-t-il une autre à la fin de laquelle l'épouse a le droit de demander le divorce si son époux s'éloigne d'elle ?

Réponse

    Dar Al-Iftaa d'Egypte avait déjà émis une fatwa concernant ce sujet comprenant ce qui suit :      L'Islam veille à ce que les besoins matériels ou spirituels des individus soient satisfaits pour sauvegarder la sécurité et la stabilité de la communauté. Cet intérêt illustre le juste-milieu et l'équilibre par lesquels se distingue la noble Charia. Également, l'Islam insiste sur le caractère individuel de la pénalité en tant qu'un de ses principes fondamentaux. On ne doit pas, donc, châtier une personne pour une faute commise par une autre quel que soit leur lien de parenté. Dans ce contexte, Allah dit :     

 « Aucune âme chargée de son propre fardeau ne portera celui d’une autre âme1. »    

« Quiconque fait le bien, le fait dans son propre intérêt, et quiconque fait le mal, le fait à son propre détriment, car ton Seigneur ne commet point d’injustice envers les hommes2. »

 L'Islam a désigné, d'une façon stricte, les devoirs et les droits des conjoints l'un sur l'autre dont les rapports sexuels font partie. La majorité des jurisconsultes estiment que le mari doit, en absence d'excuse valable, avoir des rapports sexuels avec sa femme, au moins une fois par mois ou à chaque purification menstruelle. Allah, le Très-Haut, a dit :    

« Mais une fois qu’elles sont en état de pureté, reprenez vos rapports avec elles, comme Dieu vous l’a prescrit. Dieu aime ceux qui se repentent et ceux qui se purifient3. »    

L'imam ach-Chaféi indique que c'est un droit octroyé à l'homme comme les autres droits et qu'il n'est pas obligé de le faire.     

L'imam Ahmed Ibn Hambal estime qu'avoir des rapports charnels avec l'épouse devient obligatoire après quatre mois d'attente par analogie avec l'état de celui qui jure de se priver de sa femme, période que le Coran a déterminée par le verset suivant :     

« O ceux qui jurent de ne plus approcher leurs femmes, un délai d’attente de quatre mois est accordé. Mais s’ils reviennent sur leur serment avant l’expiration de ce délai, Dieu sera à leur égard Clément et Miséricordieux. (227) Si, au contraire, le serment est maintenu, alors Dieu entend tout et sait tout4. »       

Mais, si le mari est en voyage et que rien ne l'empêche de regagner son foyer conjugal, l'imam Ahmed estime un délai d'attente de six mois. On a posé, à l'imam, la question suivante :     

" Quelle est la durée pendant laquelle il serait permis à l'homme de s'absenter du foyer conjugal ? Il a répondu en disant six mois. La femme doit lui rappeler par les moyens de communication disponibles. Si le mari refuse de revenir et que la femme se trouve incapable de le joindre, l'autorité compétente peut les séparer par un jugement officiel. "      

L'imam se réfère ici à ce qui a été narré par l'émir des croyants Omar Ibn al-Khattab quand il avait demandé à sa fille Hafsa, Mère des Croyants :    

" Jusqu'à quand la femme dont le mari est parti en guerre peut-elle supporter son éloignement ? " Elle a répondu : " Cinq ou six mois. ". "      

Raison pour laquelle, Omar a fixé une période de six mois pour les combattants : un mois d'aller, quatre mois de combat et un mois de retour.     

De toute façon, le mari doit avoir des rapports sexuels avec sa femme pour maintenir sa chasteté. En effet, l'imam al-Ghazali a dit que le mari doit avoir des rapports charnels avec sa femme un jour sur quatre, cela est plus juste par analogie avec le polygame ayant quatre femmes dont chacune a droit à un jour sur quatre. Il peut augmenter cette fréquence ou diminuer selon les besoins de la femme5.      

Pour l'importance accordée aux rapports intimes entre le couple, le Prophète ﷺ les a considérés comme une sorte d'aumône :     

« Avoir un rapport avec son épouse constitue une aumône récompensée. » On lui a posé la question suivante : " Il semble étonnant qu'un individu soit récompensé pour avoir satisfait son instinct sexuel ! Le Prophète a dit : « S'il satisfait son désir illicitement, ne sera-t-il pas pécheur ?! Ainsi sera-t-il récompensé, s'il le fait licitement6. »      

On en déduit donc, qu'il est permis selon la Charia qu'on donne l'occasion au prisonnier de s'isoler avec son épouse, afin d'assouvir leurs désirs respectifs et jouir pleinement de leurs droits conjugaux ; car la peine, en Islam, ne touche que la personne fautive.      

Pour ce qui est de priver temporairement le mari en prison d'avoir des rapports charnels avec sa femme à titre de correction, les jurisconsultes estiment qu’une telle punition ne figure pas parmi les peines correctionnelles : frapper, donner une gifle sur la nuque, enfermer, exiler, décoiffer le turban, noircir la face, raser la tête, lui faire monter un âne  la face vers la croupe en public, etc… Toutefois, on ne doit ni lui raser la barbe ni l’amputer ou le blesser. Le fait que les jurisconsultes ont précisé différents aspects de peines correctionnelles démontre qu'ils sont unanimes sur l'invalidité d'interdire au mari de s'isoler avec sa femme.      

En conclusion, la Charia n'empêche pas le mari en prison de s'isoler avec sa femme. Quant à la période de séparation entre le couple permettant, pour cause de préjudice, à l'épouse de demander le divorce, elle est estimée à un an ou plus. Telle est, en fait, la loi en vigueur auprès des tribunaux égyptiens.      

Priver, donc, l'homme de voir sa femme ne fait pas partie des peines correctionnelles. Cette peine, dont le soin d'application était, uniquement, laissé au Prophète ﷺ, a été infligée seulement aux trois personnes qui ont volontairement raté le djihad.     

Enfin, il appartient à l'autorité compétente de décider ce qui réalise l'intérêt de la communauté islamique.    

- 1- Coran : Fātir. V. 18.  

2- Coran : Fussilat. V. 46.

3- Coran : al-Baqarah. V. 222. 

4- Coran : al-Baqarah. V. 226 : 227. 

5- Fiqh as-Sunna. Tome 2. P. 121. 

6- Rapporté par Abou Zar et cité par Muslim.

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