La prière accomplie en commun avec sa femme
Question
Est-il religieusement permis, selon la doctrine hanéfite, d’accomplir la prière en commun avec l’épouse ? Mon père et ma mère accomplissaient individuellement la prière ; sachant qu’ils ont appris l’Islam en Russie quelques années avant la Révolution. A ce temps-là, l’enseignement religieux dans ce pays était de bonne qualité. Adolescent, je commence à accomplir la prière en commun avec mon père et ma mère. Mon père estime que la prière en commun exige, pour qu’elle soit valide, deux hommes ou même un homme et un garçon. Veuillez me donner à ce propos une réponse basée des preuves et des références religieuses. Merci.
Réponse
Selon la doctrine hanéfite, la prière prescrite accomplie en commun est valide si elle est accomplie au moins par deux personnes (imam et un fidèle) ; excepté celle du vendredi qui exige un nombre supérieur. Les hanéfites ne posent pas comme condition de validité la masculinité des fidèles. Et par conséquent, la prière prescrite accomplie en commun par l’homme et son épouse est valide.
Dans Bada’i as-Sana’i (1/156, éd. Dar al-Kotob al-‘Ilmyya), l’imam al-Kasani dit : « Le nombre exigé pour accomplir une prière en commun est deux personnes : imam et un fidèle conformément à ce hadith : « Deux personnes ou plus forment un groupe (Djama’a). ». Alors, selon ce hadith, le terme Djama’ s’applique à la réunion de deux personnes ou plus : homme, femme ou même garçon en âge de discernement. ».
Ainsi, on juge inexact l’avis cité dans la question qui précise que la prière en commun, pour qu’elle soit valide, doit être accomplie au moins par deux hommes. Selon la doctrine hanéfite, il faut distinguer entre la validité de la prière accomplie en commun par le couple marié et la position de la femme par rapport à celle de son mari en prière. Si la femme côtoie son mari en prière, la validité de la prière serait remise en question.
Dans al-Bada’i (1/140), al-Kasani dit : « Il est religieusement autorisé à la femme de partager la salat de l’homme si ce dernier avait l’intention de la faire en commun. Pour sa part, al-Hassan rapporte d’après Abu Hanifa que la prière accomplie par la femme derrière un imam est valide même si l’imam n’a pas formulé l’intention de prier en commun. Si elle se place à côté de lui, sa prière, à elle, sera invalide. En revanche, la prière de l’imam sera invalide s’il formule l’intention d’être l’imam de cette femme qui le côtoie. C’est, en effet, l’avis de l’imam Abu Hanifa. »
Dans Bada’i as-Sana’i (1/146), al-Kasani fait mention de l’argument sur lequel s’appuient les hanéfites pour invalider la prière de l’imam qui a formulé l’intention d’être l’imam d’une femme qui le côtoie :
« Anas Ibn Malek dit : « Lors d’une prière en commun, le Prophète m’a placé, moi et un orphelin, derrière lui et placé ma mère Om Sélim derrière nous. ». Ce hadith nous sert de preuve que la femme peut suivre les mouvements de l’imam derrière les rangs des hommes. Le hadith indique également que la prière de l’homme serait affectée par la présence d’une femme à son côté. En désignant un rang particulier à Om Sélim, acte en principe déconseillé, le Prophète entendait par-là sauvegarder la validité de la prière des hommes.
Les hanéfites divergent sur le niveau de côtoiement de la femme invalidant la prière. Certains estiment que la prière serait invalide si le pied de la femme touche le corps de l’homme alors que d’autres jugent invalide la prière si le talon et la jambe de la femme touchent le corps de l’homme. Dans l’avis le plus prépondérant, az-Zayla’i estime que la prière est unanimement valide tant que le côtoiement se fait sans que les pieds, les talons et les jambes de la femme ne touchent pas le corps de l’imam.
Dans Rad al-Mihtar (1/572, éd. Dar al-Kotob al-‘Ilmyya), Ibn ‘Abdin dit : « Certains savants sont d’avis que la prière serait invalide si la femme se place à côté de l’homme même si elle marque un peu de recul par les pieds. D’autres jugent valide la prière si les doigts de pied sont au niveau du talon de l’imam. ».
Il n’est pas considéré comme côtoiement invalidant la prière si la femme s’écarte de l’imam d’un espace égal à l’épaisseur d’appui-dos de selle de chameau ou à deux tiers de coudée. (Voir le commentaire de l’imam al-’Ayni sur Sunan Abu Daoud 3/243 éd. Maktabet ar-Rochd – Riyad.)
Également, il n’est pas considéré comme côtoiement invalidant la prière s’il existe un espace vide permettant à un tiers de s’y placer. En mentionnant les différentes formes de côtoiement invalidant la prière, l’érudit Kamal ed-Dine Ibn al-Homam (1/364) éd. Dar al-Fikr : « La prière est invalide en absence de barrière de séparation. S’il en existe une, la prière est valide. Le minimum d’épaisseur de barrière de séparation doit être égal à l’épaisseur d’appui-dos de selle de chameau (deux tiers d’une coudée à peu près). En effet, l’espace vide a le même statut de la barrière de séparation. »
En ce qui concerne la prière accomplie en commun par l’homme et son épouse chez eux, il faut distinguer entre ces deux cas :
« Si, en prière, les pieds de la femme se trouvent au niveau des pieds de son mari, leur prière serait invalide. Si les pieds de la femme se trouvent juste derrière ceux du mari, leur prière serait valide même si la tête de la femme de longue taille devance l’homme en prosternation. Ce qui importe ici c’est la position des pieds par analogie à la position des pattes des gibiers dans l’Enceinte Sacrée. Si les pattes se trouvent à l’extérieur de l’Enceinte sacrée et la tête à l’intérieur, dans ce cas, leur chasse est permise et vice-versa. ».
Dans ad-Dr al-Mokhtar (1/396), Ibn ‘Abdine dit : « Si l’homme accomplit la prière en commun avec son épouse, il obtiendrait la récompense de la prière effectuée en groupe ; pourtant, la prière en commun faite à la mosquée est plus récompensée. ».
De ce qui précède, selon l’école hanéfite, la prière (exceptée celle du vendredi) accomplie en commun par le couple marié est valide même sans un tiers masculin. Pourtant, la prière accomplie en commun à la mosquée est bénite et plus récompensée. En tout cas, l’épouse, en prière, ne doit pas toucher le corps de son mari par ses pieds, ses talons ou ses jambes. Elle doit se placer derrière lui ou au moins laisser entre elle et lui un espace vide égal à l’épaisseur d’un appui-dos de selle de chameau ou bien un espace vide permettant à un tiers de s’y placer.
Et Allah Seul le sait par excellence.