L’innovation

Dar al-Iftaa d'Égypte

L’innovation

Question

Je voudrais savoir quelles sont les limites de l'innovation ? Comment interpréter ce Hadith : « Toute intervention humaine en matière de religion est innovation, toute innovation est un égarement, tout égarement est destiné à l’Enfer. ». Ce hadith me rend souvent sceptique quant à certaines pratiques, comme l'évocation d'Allah en cœur, etc. Comment ne pas tomber dans les innovations, sans pour autant devenir un rigoriste ?

Réponse

Cher frère, on entend par l'innovation interdite (Bid'a moharrama) celle qui va à l'encontre des principes fondamentaux de la Chari'a ou bien celle désapprouvée par la Chari'a. Quant à l'innovation qui ne présente pas une dérogation aux principes de la Chari'a, elle ne peut être considérée comme innovation interdite. En définissant al-Bidaa, les Ulémas ont deux avis : Al-'Ez Ibn 'Abdel Salam a qualifié de Bid'a tout acte du culte que le Prophète n'a pas fait. Dans son ouvrage intitulé Qawa'ed Al-Ahkam Fi Massaleh Al-Anam, ‘Ez ed-Dine a divisé la Bid'a, selon la qualification religieuse, en catégories diverses : « Al Bid'a est tout ce qui n'existait pas à l'époque prophétique ; elle se divise en Bid’a obligatoire, interdite, recommandée, réprouvée ou permise. Et pour ce faire, on n'a que recourir aux règles de la Chari'a en tant que pierre de touche pour déterminer la qualification religieuse de chaque Bid'a. Mettant l'accent sur ce qu'il a rapporté d'après l'érudit Ibn Hajar dans Fath Al-Bari, An-Nawawy dit : « Faire tout ce qui n'existait pas à l'époque du Prophète est normalement une innovation qui peut être jugée bonne ou mauvaise. ». Contrairement à la classification entreprise par al-Ez Ibn Abdel Salam, certains savants dont le juriste hanbalite Ibn Rajab, ont donné, du point de vue de la Chari'a, au mot Bid'a un sens restreint par rapport à son sens général en langue arabe à savoir qu'ils ont qualifié de Bid'a interdite toute innovation. Dans son ouvrage '' Jami' Al-'Oloum Walhikam ", Ibn Rajab met ce sens en relief en disant : " Al Bid'a, c'est toute innovation non conforme aux principes de la Chari'a. Mais quant à l'innovation conforme à la Chari'a, elle ne doit pas porter le nom de Bida'a même si elle est linguistiquement appelée ainsi. " En effet, les deux avis convergent sur la conception réelle de la Bidaa et divergent au sujet des procédés adoptés pour y aboutir. Ils s'accordent tous sur le fait que la Bid'a reprouvée dont l'auteur est pécheur est celle qui n'est pas en conformité avec la Chari'a et qui est visée par l'expression du Prophète (P.B.S.L) " Toute innovation est un égarement. " Les jurisconsultes et les Ulémas les plus suivis dans la communauté islamique sont unanimes sur cette conclusion claire. Dans son livre Manaqeb Ach-Chaféi, Al-Bayhaqi a rapporté que l'imam Ach-Chaféi avait dit : " Il y a deux catégories d'innovation : (1) Innovation qui contredit le Coran, la Sunna, les propos des Compagnons ou le Consensus, c'est ce qu'on appelle " Bid'a d'égarement ". (2) Innovation irréprochable qui réalise l'intérêt sans toutefois s'opposer à l'une des sources précitées. " Dans son ouvrage Al-Ihya', Hojjat al-Islam Abou Hamed Al-Ghazaly dit : " L'innovation n'est pas toujours de caractère interdit ; mais celle qui l'est, en fait, est l'innovation qui contredit une loi établie ou nie un des principes de la Chari'a. " Dans son ouvrage Al-Nehaya, Ibn Al-Athir dit : " La Bidaa est au nombre de deux : celle qui guide vers la bonne direction et celle qui égare. Si elle déroge aux commandements d'Allah et de Son Messager, elle est, dans ce cas, reprochable et condamnable. Mais si elle figure parmi les actes recommandés, elle méritera alors d'être louée. Quant aux actes innovés en matière de générosité et de bienveillance qui ne sont pas signalés par un texte religieux, ils font, sûrement, partie des actes louables. Alors, la Bid’a ne doit pas, en tout cas, aller à l'encontre de la Chari'a. Le Prophète (P.B.S.L) indique que l'innovation est tantôt récompensée : « Quiconque institue une bonne pratique en Islam récoltera sa récompense et celle de ceux qui l'ont pratiquée. » tantôt sanctionnée : « Et quiconque institue une mauvaise pratique en Islam, subira son châtiment et celui de ceux qui s'y sont livrés. ». Voyant certains gens effectuer en commun la prière de Qiam Ramadan, Omar Ibn Al-Khattab, a dit : " Quelle bonne Bid'a ! " Il l'a qualifiée de bonne pour ses effets bénéfiques et l'appelée Bid'a parce que le Prophète (P.B.S.L) n'en ai pas fait une Sunna à suivre et n'a accompli cette prière que trois fois sans appeler les gens à la faire en commun, et Abou-Bakr n'a fait que suivre son exemple. En effet, le calife Omar a appelé les gens à s'en acquitter en commun et lui a donné le nom de Bid'a alors qu'en vérité elle revêt le caractère de Sunna. La preuve en est la parole du Prophète : " Je vous recommande de suivre mon exemple et celui des califes bien guidés après moi. " Et selon d'autre hadith : " Après moi, prenez pour des exemples à suivre Abou-Bakr et Omar. " Selon ces éclaircissements, on peut facilement comprendre que le Prophète entendait par l'expression " Toute innovation est un égarement " tout ce qui déroge aux fondements de la Chari'a et qui s'écarte bien de la Sunna. Sur ce, vous ne devez pas douter de ce que vous faites comme le fait d'évoquer Allah à l'intérieur de vous-même. Prenez les choses de leur côté le plus simple et n'exagérez pas ; débarrassez-vous de cette barrière imaginaire qui risque de vous éloigner du bien sous prétexte de Bid'a.
Et Allah Seul le sait par excellence

 

 

Partager ceci:

Fatwas connexes