Le Professeur Docteur Nazir Muhammad ‘Ayyad, Mufti de la République et président du secrétariat général des institutions de fatwa dans le monde, a affirmé que le discours de la fatwa dans notre monde contemporain fait face à des défis croissants et accélérés. Ces défis ne peuvent être relevés qu’avec une compréhension précise de la réalité, une interaction lucide avec ses évolutions, et une rigueur scientifique solidement ancrée dans la méthodologie correcte.

Il a souligné que la fatwa n’est plus une simple réponse à un événement ou une question, mais qu’elle est devenue un acteur central dans la régulation des dynamiques sociales, la construction de la stabilité et l’édification de la paix civile. Cela impose aux muftis et aux institutions de la fatwa de développer leurs outils et leur discours afin de les adapter aux transformations de l’époque et à sa complexité.

Cette déclaration a été faite par Son Éminence ce lundi, lors de son discours au séminaire "Laboratoire de la fatwa", organisé par l'Autorité de la Fatwa à Singapour, en présence d’un certain nombre de muftis et de savants venus de divers pays du monde. Cet événement s’inscrit dans une démarche scientifique novatrice visant à l’échange d’expériences entre les différentes instances et institutions de la fatwa, et à favoriser les rencontres savantes ainsi que l’amélioration de la pratique de la fatwa en conformité avec les spécificités et la réalité des sociétés.

Son Éminence le Mufti a également précisé que les institutions religieuses sont aujourd’hui plus que jamais appelées à renforcer les mécanismes de coopération scientifique, ainsi que l’intégration juridique et fatwaïque, afin de faire face aux discours de haine et de violence, et de circonscrire les courants de radicalisme et de repli, qui menacent les structures des sociétés et leur stabilité interne. Il a souligné que l’unité des finalités religieuses suprêmes doit constituer le cadre de référence commun à toute forme d’ijtihad (effort de réflexion juridique) ou de fatwa émanant des instances spécialisées.

Dans ce contexte, il a salué l’expérience singapourienne exemplaire en matière de préservation de l’équilibre social et de protection de la diversité religieuse et culturelle, laquelle reflète une conscience civilisationnelle et une vision prospective des réalités du monde et de ses défis à venir.

Le Mufti de la République a ajouté que le Secrétariat général des institutions de Fatwa dans le monde a adopté, au cours des dernières années, une vision globale visant à développer le discours de la fatwa, à travers des programmes de formation et de qualification, des centres d'observation et d’analyse, ainsi que des instituts de recherche spécialisés. Et cela part d'une conviction profonde : la production de la fatwa ne se limite pas à l'aspect théorique, mais requiert également une étude approfondie du réel et une analyse précise des évolutions contemporaines.

Il a affirmé que l’expérience du « Laboratoire de la fatwa » constitue une avancée qualitative sur cette voie, en ce qu’elle permet de construire un discours religieux empreint de lucidité et d’ouverture, qui traite les problématiques actuelles à l’écart de toute rigidité ou dérive, et qui confronte les idéologies extrémistes par des moyens scientifiques solides, fondés à la fois sur les sources de la charia, les valeurs de la raison et les exigences de notre époque.

Son Éminence a également souligné que les institutions religieuses ne sont plus aujourd’hui de simples plateformes d’enseignement ou de fatwa, mais sont devenues des institutions stratégiques contribuant à l’orientation des consciences, à la formation de l’opinion publique et à la consolidation de la sécurité spirituelle et sociale. Il a insisté sur le fait que Dar al-Iftâ’ a tenu à évoluer d’une simple instance consultative vers une institution de recherche et de savoir, disposant d’une présence scientifique et d’une influence internationale étendues. Cela se manifeste à travers une coopération constructive avec les pays islamiques, au premier rang desquels figure Singapour, qui s’est imposée comme un modèle pionnier en matière de coordination et d’action conjointe pour ancrer la culture de la modération et du vivre-ensemble.

Dans son allocution, le Mufti de la République a également abordé les principaux défis majeurs auxquels est confronté le discours de la fatwa contemporaine, indiquant que l’un des plus dangereux d’entre eux est la prise de parole dans ce domaine par des non-spécialistes, sans aucune qualification rigoureuse en sciences religieuses, ce qui conduit à déformer l’image de l’islam et à semer le désordre dans la société.

Il a aussi alerté sur le chaos des fatwas dans les espaces virtuels, qui sont diffusées sans légitimité scientifique, et parfois utilisées comme instruments de corruption sous couvert religieux. Il a mis en garde contre les fatwas émises par les groupes violents et extrémistes, qui ont légitimé le takfîr (excommunication), la violence et le sang versé au nom de prétendus principes religieux.

Son Éminence a également évoqué les dangers du laxisme et de l’extrémisme dans la fatwa, considérant que ces deux dérives compromettent la mission même de l’iftâ’ (émission de fatwas). Il a dénoncé le manque de qualification scientifique et spirituelle chez certains de ceux qui s’improvisent muftis, ainsi que l’absence de référence institutionnelle unifiée dans certains contextes sociétaux, ce qui a ouvert la voie à une anarchie de fatwa et a provoqué une perte de confiance des gens dans un discours religieux équilibré.

Cela appelle, selon lui, à redoubler d’efforts pour restaurer la place des institutions officielles, et renforcer les programmes de formation, de supervision et d’accompagnement.

À la fin de son allocution, Son Éminence le Mufti a exprimé sa profonde gratitude pour les efforts déployés par les institutions religieuses de Singapour, ainsi que pour l’accueil chaleureux et l’organisation soignée de l’événement. Il a affirmé que de telles initiatives reflètent une conscience aiguë de l’importance vitale du rôle religieux dans l’édification de la paix mondiale, la consolidation des valeurs de fraternité humaine et de coopération civilisationnelle.

Il a souligné que le « Laboratoire de la fatwa », à travers ses activités, ses programmes et ses délibérations scientifiques, constitue une plateforme académique de haut niveau, qui contribue à la formation de cadres religieux aptes à comprendre leur époque, à délivrer des fatwas selon une méthodologie équilibrée et éclairée, conciliant l’authenticité de la référence religieuse et la nouveauté du contexte, et portant en son essence un message de paix et de dignité humaine.

La participation de Son Éminence le Mufti de la République à ce séminaire illustre le rôle pionnier de Dar al-Iftâ’ dans le renforcement de la présence scientifique, la coordination entre les différentes instances impliquées dans les affaires religieuses, ainsi qu’une contribution active à l’édification de passerelles intellectuelles entre les sociétés musulmanes à travers le monde. Cela participe à l’approfondissement des valeurs de modération et de tolérance, et à la transmission de l’expérience égyptienne pionnière en matière de fatwa et de lutte contre l’extrémisme.

Une démarche qui s’inscrit dans la vision du Secrétariat général des institutions de fatwa dans le monde, visant à consolider un discours religieux éclairé au service du présent et de l’avenir de la Ummah, et à contribuer à l’édification d’un monde plus sûr, plus compréhensif et plus pacifique.