Invocation après l’enterrement
Question
Quel est l'avis religieux relatif aux invocations en faveur du défunt après l’enterrement ; surtout que ce sujet provoque, chez nous, un conflit d’avis ?
Réponse
Conformément à la Sunna, ceux qui suivent le convoi funèbre doivent rester un moment après l'enterrement devant la tombe pour invoquer Allah en faveur du défunt. En effet, d'après le Hadith cité par Abû Dâwoud et dont la chaîne de transmission est jugée authentique par al-Hâkim, 'Uthmâne Ibn 'Affâne a rapporté que le Prophète ﷺ restait un moment devant la tombe du défunt après son inhumation et disait :
« Implorez Allah en faveur de votre frère pour qu'il soit affermi, à ce moment, dans sa réponse aux interrogations des Anges. »
Mouslim rapporte que 'Amr Ibn al-'Âss a dit :
« A ma mort, enterrez-moi, puis restez auprès de ma tombe un moment équivalent au temps d'égorger un chameau et de distribuer sa viande (aux pauvres) pour que vous me réconfortiez dans la solitude et dans ma réponse aux questions des Anges (Anges de la mort). »
Or, ceci ne pourrait avoir lieu qu'après l'enterrement.
D'ailleurs, il n'y a aucun inconvénient à ce que ces invocations soient précédées par une brève exhortation rappelant la mort et l'Au-delà. En effet, de telles paroles émouvantes sont de nature à adoucir les cœurs, à inciter les fidèles à implorer Allah en toute humilité et sincérité. D'après 'Ali :
« Nous suivions un convoi funèbre à Baquî' al-Gharqad. Cependant, le Prophète ﷺ est arrivé auprès de nous et s'est assis. Il tenait un bâton entre les mains et, la tête vers la terre, s'est mis à gratter le sol avec son bâton. Ensuite, il nous a dit : « Le sort de chacun d'entre vous est prédestiné : Paradis ou Enfer, damné ou bienheureux. » Un homme a dit alors : « Ô Messager d'Allah ! Se laisse-t-on conduire, dès lors, par son destin ? », « Œuvrez, soyez persévérants et faites de votre mieux tout en sachant que chacun d'entre vous est prédisposé à la mission pour laquelle il est créé1. »
D'ailleurs, dans son Sahih, al-Boukhari a consacré à ce sujet un chapitre qu'il avait intitulé « Chapitre de l’exhortation funéraire et du temps qu’on passe près de la tombe »
Dans al-Adhkar, l’imam an-Nawawi dit :
« Il est souhaitable qu’on reste après l’enterrement un moment égal à celui d’égorger un chameau et de distribuer sa viande. Il est également convenable qu’on récite du Coran, invoque Allah en faveur du défunt, exhorte brièvement les fidèles et raconte les récits des pieux. Ach-Chaféï et ses disciples ont dit : « Il est souhaitable qu’on récite du Coran près de sa tombe. Mais c’est mieux si on le récite dans son intégralité. »
Concernant la manière d'invoquer Allah en faveur du décédé et le fait de savoir si cette invocation devrait être accomplie à haute voix ou à voix basse, il y a une divergence là-dessus. Donc, déclencher un conflit à ce sujet n’est pas de nature à satisfaire à Allah et à Son Messager ﷺ et constitue, en outre, une innovation blâmable pour avoir restreint ce qu’Allah et Son Messager avaient absolument permis. Si un acte religieux est établi de manière absolue, de sorte que son exécution puisse donner lieu à de nombreuses interprétations, il convient de le considérer tel quel, sans aucune limitation, sauf en cas de preuve justifiante.
D'ailleurs, le Prophète ﷺ a interdit de faire preuve d’intransigeance en matière de religion et de poser, à profusion, des questions inutiles. Il a indiqué que si la Providence a laissé une question passer sous silence, Elle entend par là élargir son champ d'application et couvrir la communauté musulmane de Miséricorde.
A cet égard, le Prophète ﷺ a dit :
« Allah a établi des obligations, ne les négligez pas ainsi que des interdictions, ne les violez pas ! Il a établi des limites, ne les outrepassez pas ! Il a laissé sous silence certaines questions, par Miséricorde pour vous et non par oubli, ne cherchez pas à les connaître2 ! »
A ce propos, dans son Sharh al-Arba'în an-Nawawiyyah, l’érudit at-Taftazânî dit :
« L’ordre de ne pas « Chercher à connaître un tel genre de questions (passées sous silence) » a pour cause le fait d’éviter les obligations pénibles à subir qui peuvent en résulter. Donc, dans ce genre de questions, la permission doit être le principe de base. »
De plus, le Prophète ﷺ, dans un autre Hadith, a mis en évidence la gravité du fait d’insister inutilement sur la connaissance d’une question passée sous silence, ce qui entraîne, peut-être, la restriction de ce qui est absolument permis. A ce propos, il a dit :
« Le Musulman qui commet le plus de péchés aux yeux d'Allah est celui qui interdit aux autres Musulmans une chose qui est absolument permise, en insistant sur des détails passés sous silence3. »
D'après Abu Hourayrah, le Prophète ﷺ a dit lors du Discours d’Adieu :
- « Ô gens ! Allah vous a prescrit le Hajj, accomplissez-le donc ! ».
- « Chaque année ô Messager d'Allah ? », A-t-on interrogé.
Le Prophète ﷺ garda le silence et l'homme a répété sa question trois fois. Alors, le Prophète ﷺ a dit : « Si je dis oui, il le sera et vous tomberiez dans l’incapacité de l’accomplir. », puis, il a ajouté : « Ne m'interrogez pas sur des questions tant que je ne les ai pas moi-même abordées. En effet, ceux qui vous ont précédés ont péri à cause de leur insistance sur les détails (passés sous silence) et de leur discussion inutile avec leurs Prophètes. Si je vous ordonne de faire quelque chose, accomplissez-le dans la mesure où cela vous est possible et si je vous défends de faire quelque chose, alors évitez-le4. »
Dans son Fayd al-Qadîr Sharh al-Jâme' al-Saghîr, l'érudit al-Menâwî a expliqué que le Prophète ﷺ entend dire par le Hadith ce qui suit :
« Cessez de me questionner au sujet de ce sur quoi j'ai choisi de garder le silence. Vos interrogations sur des questions religieuses qui ne vous concernent pas pourraient entraîner des obligations supplémentaires ou une rigidité indésirable. Veuillez-vous contenter de suivre mes commandements explicites et éviter de vous aventurer dans des questionnements approfondis, comme l'ont fait les Gens du Livre. Ne posez pas non plus de questions exhaustives sur ce qui est clairement énoncé, même si cela peut être utile dans d'autres situations. Une multitude de questions sur un sujet passé sous silence peut conduire à des réponses restrictives et intransigeantes, comme cela est arrivé aux enfants d'Israël qui ont fait preuve d'intransigeance dans leurs questionnements et ont reçu des réponses similaires en retour. Le Prophète, craignant le même sort, cherche à protéger sa Communauté. »
A tout cela vient s’ajouter le fait que l'invocation collective, notamment pendant l’exhortation funéraire, est la plus agréée auprès d’Allah, car elle stimule les cœurs, attise l'ardeur et invite à implorer Allah en toute humilité.
Le Prophète ﷺ a dit :
« La Main d'Allah (Sa Bénédiction) est avec groupe5. »
-- 1- Cité par al-Boukhari et Mouslim. 2- Cité par ad-Daraqotni et autres érudits d'après Abî Tha'laba al-Khushanî et considéré authentique par Ibn Salah et bon par al-Nawawi. 3- Cité par Mouslim d'après le Hadith rapporté par 'Amer Ibn Sa'd d'après son père. 4- Rapporté par al-Boukhari et Mouslim. 5- Rapporté par at-Termizi qui l’a jugé bon ainsi que par an-Nissaï d’après Ibn ‘Bass.