Force probante de l'aveu judiciaire...

Dar al-Iftaa d'Égypte

Force probante de l'aveu judiciaire

Question

Nous avons reçu la demande immatriculée sous le No. 882, de l'année 2005, portant sur ce qui suit :      Vu que j'ai fait appel auprès de la cour d'appel contre l'Administration de la Réforme Agraire qui s'est emparé de mes propres biens et mes terrains agricoles - Or, c'est mon destin – et cet appel a été immatriculé sous le numéro 377/45 C C S Damanhour,       Vu que lors du dépôt des documents auprès de la cour d'appel, j'ai déposé deux aveux notifiés par l'Administration de la Réforme Agraire, Service de Saisie, justifiant mon droit à la propriété de 49 faddans (unité égyptienne qui vaut approximativement 4 200,83 mètres carrés), 10 quirats (unité égyptienne qui vaut 1/24 f.) et 20 sahms (unité égyptienne qui vaut approximativement 7,3 mètres carrés), al-Akhmas, as-Sadat, gouvernorat de Ménoufeya,       Vu que le statut juridique de cet aveu constitue un contexte légal et décisif pour confirmer la véracité de l'objet de l'aveu ainsi qu'une reconnaissance de ce que l'Administration de la Réforme Agraire doit au propriétaire des terrains agricoles,      Vu que l'aveu est une déclaration ayant pour objet la reconnaissance et non pas l'institution d'un droit,       Vu que j'ai demandé à la juridiction de me permettre de requérir une fatwa auprès de Dar al-Iftaa d'Egypte sur la force probante de l'aveu judiciaire dans la Chari'a et la légitimité de réclamer mon droit aux biens susmentionnés en vertu des deux aveux déposés auprès de la cour - il est à noter que l'appel était déterminé le 5/12/2004 et a été différé à 5/3/2005 pour demander la fatwa auprès de Dar al-Iftaa d'Egypte -,       J'ai l'honneur de solliciter de votre haute bienveillance de bien vouloir délivrer une fatwa au sujet de ces deux aveux servant de preuves dans cet appel.

Réponse

    Selon les jurisconsultes musulmans, l'aveu est une déclaration par laquelle une personne reconnaît être redevable de certain droit à une autre. Cette institution est établie par le Coran, la Sunna et le consensus de la communauté. Allah dit :  "Ô croyants ! Lorsque vous contractez une dette à terme, consignez-la par écrit et qu’un rédacteur requis par vous en enregistre les clauses avec fidélité. Un scribe n’a pas le droit de se dérober à cette obligation, mais il doit s’en acquitter comme Dieu le lui a enseigné. Qu’il note donc ce que lui dicte le débiteur qui doit avoir présent à l’esprit la crainte du Seigneur et ne doit rien dissimuler de la dette. Mais si le débiteur est frappé d’incapacité morale ou physique, ou s’il est incapable de dicter lui-même, c’est à son représentant légal de stipuler honnêtement pour lui. À cet effet, choisissez deux témoins parmi vous de sexe masculin ou, à défaut, un homme et deux femmes parmi les personnes présentant les garanties requises d’honorabilité, en sorte que si l’une oublie un détail, l’autre sera là pour le lui rappeler. Les témoins requis ne doivent pas refuser leur témoignage. N’omettez pas de mettre par écrit tout acte de prêt, quel qu’en soit le montant, et d’en préciser l’échéance. Cette façon de procéder est plus équitable auprès de Dieu, car non seulement elle confère plus d’autorité au témoignage, mais aussi elle écarte de lui toute espèce de doute ; à moins qu’il s’agisse d’une simple opération commerciale à vue, que vous réglez sur-le-champ, et auquel cas vous pouvez vous dispenser de la consigner par écrit. À part ce cas précis, faites toujours appel à des témoins pour constater vos transactions, mais toute contrainte ou violence qui serait exercée sur le scribe ou le témoin constituerait un acte immoral de votre part. Craignez donc Dieu ! Et Il vous instruira, car Sa science n’a point de limite."     Dans ce verset, Allah ordonne au débiteur de dicter sa dette. Si son aveu était à rejeter, sa dictée n'aurait aucune valeur. Le Prophète, appuyé sur l'aveu de Ma'ez et al-Ghamédeya, a ordonné de les lapider. Si la peine légale est applicable par l'aveu du délinquant, à plus forte raison, l'aveu sera plus acceptable en cas de dette. L'aveu est également institué par la logique ; l'homme doué de raison ne peut pas s'attribuer par un aveu de quoi nuire à sa personne ou à ses biens. C'est pourquoi, son aveu est fort supposé vrai eu égard de la capacité physique et morale et l'absence des soupçons.     L'aveu ne produit son effet qu'après la réalisation de l'objet de son aveu ce qu'on avait reconnu au passé. Il constitue une preuve en soi qui l'emporte sur le témoignage. C'est pour cette raison que le juge commence par demander l'aveu au délinquant avant de demander le témoignage. Or, l'aveu n'engage que la personne qui avoue, vu le caractère personnel de la personnalité.     D'après Abou-Daoud, un homme vint trouver le Prophète et reconnut avoir forniqué avec une femme qu'il désigna. Le Prophète convoqua cette femme et l'interrogea sur ces faits mais cette dernière les nia. Alors, le Prophète fit lapider l'homme et laissa la femme. Pourtant, le juge doit, dans certains cas, soutenir l'aveu par le témoignage surtout lorsque l'application du jugement s'étend à un autre.     La majorité des jurisconsultes musulmans précisent que les fondements de l'aveu sont au nombre de quatre : la personne qui reconnait les faits, la personne concernée par l'aveu, l'objet de l'aveu et la formule dont l'aveu est exprimé. L'objet de l'aveu se divise en deux catégories : doits de Dieu et droits de l'homme. Quant aux premiers, ils se divisent en deux : Droits exclusifs à Dieu et droits de Dieu mélangés avec ceux d'autrui.     Le statut du renoncement à l'aveu dépend de la nature de l'objet de cet aveu. S'agit-il d'un droit de Dieu ou d'un droit de l'homme ? De même, le renoncement à l'aveu peut être : 1- Explicite tel que le fait de dire : " j'ai renoncé à mon aveu ou j'ai menti en avouant ". 2- Implicite tel que la fuite lors de l'application de la peine légale.      En ce qui concerne les droits de Dieu auxquels le doute entraine l'annulation de l'application de la peine légale telle que la fornication, la majorité des jurisconsultes musulmans, tels que les hanéfites, les malékites dans leur avis prépondérant, les chaféites et les hanbalites, précisent que le renoncement à l'aveu entraine l'annulation de l'application de la peine légale, car il est possible que le délinquant soit sincère ou non. Par conséquent, si le délinquant est sincère dans le renoncement, il s'ensuit que son aveu est mensonger et vice versa. Une telle attitude jette le doute à l'esprit, ce qui empêche l'application de la peine légale     Il a été rapporté que le Prophète incita Ma'ez à renoncer à son aveu après l'avoir formulé. Si le renoncement à l'aveu était inacceptable, l'incitation au renoncement n'aurait aucune valeur ; que le renoncement a eu lieu avant ou après la délivrance du jugement, avant ou après l'exécution du jugement.     Quant à l'aveu portant sur les droits de l'homme ou ceux de Dieu qui ne sauraient annulés par le doute, tels que le talion, la peine légale relative à l'accusation calomnieuse de fornication, la Zakat, les expiations, le renoncement ne saurait, en aucun cas, accepté car il s'agit du renoncement à un droit reconnu à un autre. Une fois le droit de l'homme est établi par l'aveu d'une personne, le renoncement à cet aveu ne pourrait annuler ce droit puisque les droits de l'homme sont basés sur la contestation. Donc, il n'est pas possible d'annuler un droit sans le consentement de son propriétaire tant que ce droit lui est prouvé par l'aveu.     Dans son ouvrage intitulé al-Frouq, al-Qarafi établit la distinction entre l'aveu qu'on peut rétracter et celui qu'on ne peut rétracter : l'aveu est en principe un engagement contraignant pour toute personne, bonne ou mauvaise car il représente une contrariété pour la nature humaine. Le critère distinctif de l'aveu qu'on peut rétracter réside dans l'existence d'une excuse valable pour le premier et son absence pour le deuxième. Si un héritier avoue à ses cohéritiers que l'héritage de leur père sera partagé selon la Chari'a, puis des personnes attestent que son père les avait appelés en témoins pour prouver qu'il a fait don de la maison en faveur de cet héritier depuis son enfance, le renoncement à cet aveu sera acceptable vu l'attestation des témoins et son ignorance de ces faits. Dans ce cas, l'aveu qu'il avait fait ne contredit pas l'attestation des témoins, c'est pourquoi, le renoncement à cet aveu est acceptable. Un autre exemple, si l'on dit à untel : " je te dois cent Dirhams à condition de me prêter serment " ; puis voyant son interlocuteur exécuter ce qu'on lui a demander, il se rétracte sous prétexte qu'il croyait que l'autre n'irait pas jurer, dans ce cas, sa rétractation est acceptable ; car, selon les coutumes, un tel aveu n'engage pas son auteur à moins qu'il ne croie pas à la réalisation de la condition exigée. Alors, il ne s'agit pas d'un aveu au sens propre du terme.

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