Calomnies dirigées contre l’Azhar

Dar al-Iftaa d'Égypte

Calomnies dirigées contre l’Azhar

Question

Beaucoup de jeunes hommes adoptent un courant religieux qui se prétend être le seul à suivre l’exemple des pieux ancêtres et le seul à être sur le Droit Chemin. Poussés par le fanatisme, ils accusent quiconque, n’étant pas de leur avis, de déloyauté, d’impiété et d’apostasie. Même les Ulémas n’échappent pas à leurs critiques acérées. Ils s'attaquent à al-Azhar, à ses Ulémas et accusent même les Acharites d'innovation réprimandée.      Que dites-vous, donc, de ces jeunes-là et de leurs propos concernant l’obligation de laisser pousser la barbe et de porter des habits raccourcis ainsi que le fait de qualifier d’hérétiques l’accomplissement du Qonoute à l’aube ?

Réponse

Il est de devoir des jeunes musulmans, surtout les étudiants de déployer des efforts pour que le mot des Musulmans soit uni et de ne pas semer, entre eux, l’esprit de la division et de l'hostilité, conformément à cet ordre divin : « Et cramponnez-vous tous ensemble au lien (câble) d'Allah et ne soyez pas divisés1 . », « Et obéissez à Allah et à Son messager ; et ne vous disputez pas, sinon vous fléchirez et perdez votre force2 . ». Allah nous recommande : « d'avoir de bonnes paroles avec les gens3 . ». Dans le même esprit, le Prophète nous a recommandé de faire tout ce qui pourrait conduire à l'union musulmane, à tel point qu’il ait compté le sourire sincère adressé au Musulman comme faisant partie de bons actes.     En outre, les jeunes gens doivent se mettre à l’abri des courants religieux répandus entre les soi-disant savants qui tendent, sans réserve, à accuser les gens de perversion, d'hérésie, d'apostasie et d'égarement. Également, ces jeunes gens doivent faire preuve de vénération à l’égard des grands Ulémas et des vertueux de la nation. En effet, quiconque, au nom des pieux ancêtres, se permet de diviser les Musulmans et de semer entre eux la discorde et la dissension, sera compté parmi les hypocrites dont Allah nous interdit de suivre l’exemple : « Et ne mêlez pas le faux à la vérité. Ne cachez pas sciemment la vérité4 . ».  Il est bien connu que la pensée religieuse d'Al-Azhar est conforme à celle des Acharites, à savoir celle des gens de la Sunna et de la Jama’a. Les Acharites constituent la majorité des Ulémas qui ont réfuté les allégations tissées par les athées et les ennemis de l’Islam. Ce sont également ceux qui, au fil de l'histoire islamique, se sont attachés avec zèle au Saint Coran et à la Sunna bénie. Alors, quiconque les accuse d'infidélité ou de perversion, risquera, lui-même, de perdre sa foi. À ce propos, dans son Tabyine Kadheb al-Moftari, fima nosseba ila al-Imam Abi al-Hassan al-Achari, al-Hafez Ibn as-Saker dit : « Sachez bien _ Qu'Allah nous guide tous vers Sa satisfaction, et nous compte parmi ceux qui Le craignent comme il faut _ que l’honneur des Ulémas est inaccessible à toute atteinte. Quiconque ose les dénigrer sera honni et quiconque ose les diffamer sera frappé par la rudesse du cœur. C’est, en effet, une loi divine. »     Tout au long de son parcours historique, al-Azhar Ach-Charif est le phare des sciences et de la religion. Cet édifice de savoir est devenu une référence et autorité religieuses bien connues au monde musulman après l’âge d’or de l’Islam. En effet, la Providence a voulu que cet édifice serve de rempart protégeant la foi islamique contre les détracteurs et les incrédules. Donc, celui qui met en doute la noble mission religieuse de l’Azhar, s'exposera, certes, à un grand péril et risquera d’être compté parmi les Kharijites et les semeurs de troubles au sein de la communauté. Au sujet de cette catégorie de gens, Allah, le Très-Haut, dit : « Certes, si les hypocrites, ceux qui ont la maladie au cœur, et les alarmistes [semeurs de troubles] à Médine ne cessent pas, Nous t'inciterons contre eux, et alors, ils n'y resteront que peu de temps en ton voisinage5 . ». En ce qui concerne le rasage de la barbe, il est bien établi dans la Chari’a que le fait de laisser pousser la barbe est une Sunna. Le Prophète avait l'habitude de prendre soin de sa barbe : il en coupe un peu d'en haut et des extrémités pour la rendre parfaitement convenable à sa physionomie. Il la lavait, laissait couler l'eau à travers et la peignait, habitude également adoptée par les Compagnons qui suivaient son exemple.  Dans ce contexte, plusieurs Hadiths incitent à laisser pousser la barbe et à prendre soin de sa propreté tout comme ceux relatifs au fait de se frotter les dents par le Siwak et à tailler les ongles et la moustache. Quelques jurisconsultes qualifient d'obligation l'ordre cité dans ces Hadiths, ce qui les a emmenés à interdire le rasage de la barbe. D'autres, le qualifient de préférable ; puisqu’ils le considèrent comme une Sunna ; et par conséquent, celui qui s’y applique sera récompensé alors que celui qui ne s’y conforme pas ne sera pas puni. Quant à ceux qui optent pour l'interdiction du rasage de la barbe, ils se basent sur le Hadith qui nous recommande de laisser pousser la barbe pour être une marque de distinction entre nous, les Musulmans, et les Mages et les Polythéistes : « Dix actes font partie de la saine nature : se tailler la moustache, laisser pousser la barbe, se frotter les dents par le Siwak, se rincer les narines, se couper les ongles, se laver les articulations des doigts, s'enlever la pilosité des aisselles, se raser la pilosité du pubis, utiliser l'eau après avoir fait ses besoins. Le narrateur ajouta : « J'en ai oublié le dixième, à moins qu'il ne s'agisse du rinçage de la bouche6 . ».  Quant à ceux adoptant l’autre avis à savoir, les Chaféites, ils trouvent que les ordres relatifs aux habitudes, au savoir-faire et au savoir-vivre, sont émis à titre de recommandation et non pas à titre d’obligation, tout comme l’ordre de se teindre les cheveux avec le Henné et de prier en portant des souliers, comme l’a dit Ibn Hajar as-Askalani dans son ouvrage Fateh el-Bari. Alors, on peut en conclure que les avis des jurisconsultes oscillent entre permission et interdiction. C’est pourquoi, il est préférable de ne pas d’en faire un sujet de controverse et de ne pas récuser celui qui suit l’avis qui y voit la permission.     Quant au port de longs habits, il est permis à condition qu’on n’en fasse preuve de gaspillage ou d’ostentation.     Abdullah Ibn ‘Omar a rapporté que le Prophète avait dit : « Mangez, buvez, faites des aumônes, portez les vêtements que vous désirez sans gaspillage, ni ostentation7 . »     De ce Hadith, on peut tirer argument pour justifier les Hadiths relatifs à l'interdiction des habits qui dépassent les chevilles : « Le bas des chevilles couvert par vanité sera destiné à l’Enfer8 . »,  « Trois types d’hommes ne mériteront pas, au Jour du Jugement, qu’Allah, le Très-Haut, les regarde, ni leur parle, ni les purifie et subiront un douloureux châtiment. Le Prophète l’a répété trois fois. Abou-Zarr a dit alors : « Quel sort fâcheux ! Quelle perte ! Qui sont-ils donc Ô Messager d’Allah ?! » Le Prophète a répondu : « Celui qui laisse traîner ses vêtements par ostentation, celui qui ne cesse de faire le rappel de sa bienfaisance, et celui qui cherche à promouvoir sa marchandise par des faux serments9 . »     Ces Hadiths visent, en fait, celui qui commet cet acte par vanité ou par arrogance, comme l’indique clairement le Hadith cité dans les deux Sahihs et rapporté par Abdullah Ibn-‘Omar, le Prophète a dit :  « Au Jour Dernier, Allah, le Très-Haut, ne regardera pas celui qui laisse traîner ses vêtements par ostentation. »     A ce propos, l’imam an-Nawawi a précisé qu’il faut restreindre cette sentence à celui qui laisse traîner ces vêtements par vanité seulement. De même, l’imam ach-Chaféi a souligné qu’il faut faire la différence entre le fait de laisser traîner les vêtements par orgueil, et le fait de les laisser traîner sans orgueil. Sur ce, l’imam al-Boukhari a consacré tout un chapitre intitulé : « Celui qui laisse traîner ses habits sans orgueil. » où il a cité deux Hadiths :      Abou-Bakr s’adressa au Prophète : « Ô Messager d’Allah ! Ma robe se défait parfois et descend malgré moi vers le bas10. », « Mais toi, Abu Bakr, tu n’es pas de ceux qui le font par vanité. », Rassura le Prophète.     Abou-Bakr rapporta : « Nous étions auprès du Prophète lorsqu’une éclipse de soleil eut lieu. Il se leva aussitôt laissant traîner son habit (sans prendre le temps de l’ajuster) et se précipita vers la mosquée. Nous avons fait de même. Il pria avec nous deux Rak’ats jusqu’au moment où le soleil fut apparu de nouveau. Alors, il dit : « Le soleil et la lune sont deux signes célestes. Lorsque vous voyez une éclipse, priez et faites des invocations jusqu’à ce qu’ils apparaissent de nouveau. ». Ces deux Hadiths démontrent explicitement que la traîne des vêtements visée par l’interdiction est celle faite par orgueil et ostentation ; car la qualification religieuse de l'acte dépend du motif pour lequel il a été accompli.     En outre, la Chari’a a donné à la coutume une marge de liberté en matière de vêtements et de parure sous condition que cette coutume ne dépasse pas les limites.     Le Prophète a également interdit de porter un habit ostentatoire non conforme à l’usage convenu parmi les gens  « Celui qui met un vêtement dans le but d’en tirer vanité, Allah, le Très-Haut, le couvrira de honte au Jour de Résurrection11 . ». De même, les Compagnons, eux-mêmes, lors de la conquête de la Perse, priaient en portant des pantalons à la perse.     Tout Musulman, aimant la Sunna, doit, en l'appliquant, être conscient des exigences de son temps pour ne pas pousser les gens à ne pas la démentir. Il doit également réaliser la différence entre la Sunna relative à la prédisposition naturelle de l’homme et celle relative aux formes qui changent selon les mœurs et les coutumes. Il doit de même respecter l’ordre des priorités de sorte qu’il ne donne pas la priorité de ce qui préférable à ce qui est obligatoire et qu’il ne s’intéresse pas à aux apparences de piété aux dépens de la piété elle-même. Également, il doit se comporter avec les gens de la bonne manière et s'adresser à eux par le langage et la logique qu’ils comprennent, et ce, pour ne pas leur donner un prétexte de porter atteinte à la Sunna ou de la démentir. À ce propos, l’Imam Ali a dit : « Parlez aux gens de ce qu’ils savent et délaissez ce qu’ils nient. Désirez-vous qu’on traite de menteurs Allah et Son Messager12 ?! »     Aussi, Abdullah Ibn Massoud dit : « Evitez de parler des questions équivoques et inaccessibles à la compréhension des gens pour ne pas semer dans le cœur de certains le germe de la dissension13 . ». Quant au Qonoute pendant la prière d’al-Fajr, il s’agit d’une Sunna constante. C’est, en effet, l’avis de la majorité des Pieux Ancêtres et des fameux Ulémas des pays conquis par l’Islam. Dans ce contexte, Anas Ibn-Malik rapporte que le Prophète faisait le Qonoute durant un mois entier dans lequel il a proféré des imprécations contre les ennemis de combat, ensuite il a cessé de faire le Qonoute sauf durant la prière d’al-Fajr jusqu’à son décès14 .  Il est bien connu que les Chaféites et les Malékites se sont appuyés sur ce Hadith pour former leur avis. Pour eux, il est, absolument, préférable de faire le Qonoute durant la prière d’al- Fajr. Ils ont interprété les Hadiths relatifs à l'abolition du Qonoute par le fait que cela concerne uniquement le Qonoute qui renferme des imprécations contre un certain peuple. Un autre groupe d’Ulémas dont les Hanéfites et les Hanbalites, limite le Qonoute au cas de calamité, sinon, le Qonoute sera nul et sans objet. En cas d’épreuves et de crises, le Qonoute de la prière d’al-Fajr est, à l’unanimité autorisé, mais les avis divergent uniquement sur le Qonoute dans les autres prières prescrites : certains Ulémas, comme les Malékites, sont pour la limitation du Qonoute à la prière d’al-Fajr, d’autres, dont les Hanbalites, ne trouvent aucun inconvénient à ce qu’on y recoure durant les prières solennelles. Ajoutons également à cela l'avis prépondérant des Chaféites selon lequel on peut faire le Qonoute durant toutes les prières obligatoires. La calamité selon les Chaféites peut contenir les épidémies, la pauvreté, la pluie destructive, l’agression d’un ennemi ou la captivité d’un savant.     En somme, les Ulémas divergent sur la permission du Qonoute durant la prière d’al-Fajr sans subir une calamité, alors qu'ils s'accordent sur cette pratique dans la prière d’al-Fajr en cas de crises jusqu’à ce qu’ils la jugent préférable. Quant au Qonoute durant les prières obligatoires, là-dessus les Ulémas ne sont pas de même avis.     Par conséquent, l'objection faite à la légitimité du Qonoute de la prière d’al-Fajr sous prétexte qu’il s’agisse d’une innovation réprimandée en matière de religion n’a aucun sens surtout dans les mauvaises conditions dans lesquelles vit la communauté musulmane : maux, catastrophes, épidémies, agressions de toutes parts. Situation lamentable qui exige qu’on multiplie les prières ainsi que les supplications, puisse Allah, le Très-Haut, nous aide pour repousser l’agression de l’ennemi et récupérer nos territoires occupés et réjouisse les yeux de Son Prophète par la victoire de sa nation et la récupération des lieux sacrés ; Allah est Tout Proche de Ses serviteurs et répond toujours aux appels.     Cela s’applique en effet au cas où les malheurs persistent sans limite du temps. Pour ceux qui encadrent les malheurs dans une espace du temps d'un mois ou de quarante jours au maximum, le fidèle accomplissant le Qonoute suivra, de cette façon, l'avis de l'un des imams qu'Allah nous a recommandé de suivre leur avis : « Nous n'avons envoyé, avant toi, que des hommes auxquels Nous avons fait des révélations. Demandez donc aux gens du rappel si vous ne savez pas15 . ». Donc, celui qui adopte l’avis d’un autre imam et prête foi à ce qu'il dit de ce sujet, n'a pas le droit de récuser à celui qui fait le Qonoute, étant donné que la question faisant l’objet de controverse n’est pas susceptible d’aucune récusation et que l’ijtihad ne peut pas être annulé par un autre.     

Coran, al-‘Mran, 103. 

Coran, al-Anfal, 46. 

Coran, al-Baqara, 83.

Coran, al-Baqara, 42. 

Coran, al-Ahzab, 60. 

Cité par Muslim d’après Aicha. 

Cité par Ahmad, an-Nissaï, Ibn Maja et rendu authentique par al-Hakim.

Rapporté par al-Boukhari.  9- Rapporté par Muslim. 

Rapporté par Ibn ‘Omar. 

Rapporté par Abou-Daoud, Ibn-Maja d’après le Hadith d’Abdullah Ibn Omar et qualifié de Hadith Bon par al- Hafez al-Monḍhari.

12- Cité par al-Boukhari et autres.

13- Cité par Muslim. 

14- Hadith jugé authentique par un groupe de savants de sunna comme l’indique l’imam an-Nawawi et d’autres Ulémas. 

15- Coran, an-Nahl, 43.

 

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