Question
Quel dit la religion du pèlerin qui effectue la Station Rituelle à Arafat avant que le soleil n’atteigne le zénith et qui en part un peu après ? Est-il permis aux pèlerins de descendre en groupes du Mont d’Arafat avant la prière d’al-Maghreb ? Quel est l’avis religieux relatif au pèlerin qui stationne à Arafat seulement une partie de la veille du jour d’al-Nahr ?
Est-il religieusement permis que la descente en groupes du Mont d’Arafat se fasse étape par étape pour faciliter la descente du grand nombre de pèlerins ? Si oui, ne s’agit-t-il alors d’intervention dans les rites du Hajj ?
Réponse
Tout d’abord, les Ulémas sont d’accord que le temps convenable pour stationner à Arafat commence après que le soleil atteigne le zénith et prend fin à l’apparition de l’aube du Jour d’al-Nahr. Ils sont également d’accord que celui qui stationne à Arafat après que le soleil atteigne le zénith jusqu’à la nuit, accomplit ainsi un Hajj parfait. De même, ils sont unanimes que le pèlerin qui effectue la Station Rituelle à Arafat la veille d’al-Nahr accomplit un Hajj valide.
Questions relatives à la Station rituelle à ‘Arafat :
(1)
Quel est l’avis religieux relatif à la Station rituelle à Arafat et à la descente des pèlerins en groupes de ce Mont avant que le soleil n’atteigne pas le zénith ? Est-ce que cela dispense le pèlerin d’y stationner après que le soleil atteigne le zénith ?
La majorité des savants indiquent que la Station Rituelle à Arafat commence à partir du zénith et qu’y stationner avant est un acte invalide. Et par conséquent, le pèlerin qui n’y stationne pas après le zénith n’accomplit pas ainsi son pèlerinage.
Les Hanbalites, de leur côté, précisent que le Hajj du fidèle, qui stationne au Mont de ‘Arafat et en descend après l’aube et avant le zénith, est valide ; mais il doit offrir en conséquence un sacrifice (à titre de réparation). Ils se sont référés, en fait, au Hadith rapporté par ‘Orwa Ibn Modarress qui dit :
« A Mozdaléfa, j’ai dit au Prophète lorsqu’il était en train d’y accomplir la prière : « O Messager d’Allah ! J’ai stationné aux deux monts de Tayyé’ jusqu’à être atteint de fatigue, moi et ma monture. Par mon Seigneur ! Je n’ai point laissé de mont sans y stationner. Mon Hajj serait-il alors valide ? », « Celui qui assiste à notre prière-ci, stationne avec nous (à Mozdaléfa) jusqu’à en descendre en masse et fait déjà l’Arrêt Rituel au Mont de ‘Arafat pendant la nuit ou le jour, accomplit ainsi un Hajj parfait et se délit des interdictions de l’Ihram[1]. »
Dans Montaqa al-Akhbar ((5/116) Ed. al-Monyryya), l’imam Abu Barakat Ibn Taymeya le hanbalite dit après avoir mentionné le Hadith cité là-dessus :
« Ce Hadith est une preuve évidente que le pèlerin peut stationner à n’importe quel moment du jour de ‘Arafat. »
Dans Nayl al-Awtar (5/116), l’érudit ach-Chawkani dit :
« Commentant ce Hadith, la majorité des savants dit : « On entend par le jour l’après-zénith conformément à la pratique effective du Prophète et des Califes bien guidés qui ne stationnaient au Mont d’Arafat qu’après le zénith. D’ailleurs, personne n’a rapporté que l’un d’eux y avait stationné avant le zénith. ». Ainsi, la majorité des savants ont restreint, par cette pratique effective, le caractère général que revêt ce Hadith. »
Dans al-Insaf ((4/23) Ed. Dar Ihyaa at-Torass al-‘Arabi), l’érudit hanbalite al-Mawardi dit :
« C’est, en effet, l’avis adopté par notre école. Les savants hanbalites l’ont approuvé. Certains d’entre eux l’ont mentionné dans al-Forou’. »
Dans Kachaf al’Iqna’ ((2/494), Ed. Dar al-Fikr), l’érudit hanbalite al-Bahouti dit :
« Avant le zénith du jour de ‘Arafat, tout comme après, est valide pour la Station Rituelle. Le fait que le Prophète ne stationnait pas au Mont de ‘Arafat avant le zénith ne signifie pas forcément que ce temps n’est pas également destiné à la Station Rituelle... En effet, le Prophète y a stationné à ce temps ; car il s’agit tout simplement d’un acte de préférence. »
(2)
Est-il valide de stationner au Mont de ‘Arafat après le zénith et d’en descendre en masse avant le coucher du soleil ?
La majorité des savants s’accordent pour la validité du Hajj où le fidèle effectue la Station Rituelle à ‘Arafat après le zénith, ne serait-ce qu’un moment et en descend en masse de ce Mont à n’importe quel moment avant le coucher du soleil. Pourtant, certains d’entre eux, à savoir les Hanéfites et les Hanbalites exigent, dans ce cas, d’offrir obligatoirement un sacrifice. Selon ces derniers, le pèlerin doit stationner au Mont de ‘Arafat une partie du jour et une autre de la nuit. D’autre part, certains autres, à savoir les Chaféites, les Zâhirites et l’imam Ahmad dans une version, n’exigent pas d’offrir un sacrifice. Selon eux, la Station Rituelle durant une partie du jour et une partie de la nuit est un acte de préférence. De son côté, l’imam Malik exige, pour que la Station Rituelle à ‘Arafat soit valide, de stationner obligatoirement une partie de la nuit. En tout cas, la majorité des savants se sont référés au Hadith déjà mentionné de ‘Orwa Ibn Modarress.
Dans al-Moghni (3/432, Ed. al-Kitab al-‘Arabi), l’imam Ibn Qudama dit :
« Si le pèlerin descend en masse du Mont de ‘Arafat avant le coucher du soleil, il accomplit, comme l’indiquent les Fouqaha, un Hajj valide. Pour l’imam Malik : « Le pèlerin qui en descend avant le coucher du soleil n’accomplit pas son Hajj. ». Commentant l’avis de Malik, Ibn ‘Abdel Bar dit : « Aucun de nos Faqihs, comme nous le savons, n’a partagé cet avis de l’imam Malik. »
Dans Hedayat as-Salek Ela al-Mazaheb al-Arba’a Fi al-Manasek (3/1165. Recension Dr. Saleh Al-Khozeim), l’imam Ibn Jama’a dit :
« Abu Taleb dit : « J’ai interrogé l’imam Ahmad au sujet du pèlerin qui stationne au Mont de ‘Arafat avec l’imam à partir de la prière d’al-Zuhr jusqu’à celle d’al-‘Asr et qui oublie de ramener avec lui sa provision. Il me répondit : « Pour moi, il est préférable qu’il prenne la permission de l’imam pour aller chercher sa provision ; et s’il le lui permet, il peut en partir sans y revenir. Du mon point de vue, le pèlerin qui effectue la Station Rituelle à ‘Arafat à importe quel moment du jour ou de la nuit mais avant l’aube, parfait ainsi son pèlerinage. »
Dans ad-Dwaa al-Bayane (4/438. Ed. Dar al-Fikr), l’imam ach-Chénqyti dit :
«Le Hadith déjà mentionné est une preuve évidente que le pèlerin qui stationne à ‘Arafat pendant le jour accomplit un Hajj valide. En outre, il constitue un argument que le pèlerin qui stationne à ‘Arafat pendant le jour ne devra pas offrir un sacrifice (à titre de réparation). En effet, aucun Texte religieux ne contrarie pas le sens littéral du dire du Prophète. Vu le sens clair de ce Hadith, l’école chaféite n’exige pas, pour le pèlerin qui effectue pendant le jour la Station Rituelle, d’offrir un sacrifice. Enfin, Allah le sait par excellence. »
(3)
Les Fouqaha s’accordent pour la validité du Hajj de celui qui effectue la Station Rituelle à Arafat une partie de la nuit avant l’aube du jour d’al-Nahr sans y stationner le jour. Pourtant, certains Malékites exigent, dans ce cas, d’offrir un sacrifice et en exclut celui qui craint, par manque de temps, de rater la Station Rituelle et celui qui craint de s’exposer aux dangers lors du déferlement gigantesque des pèlerins. C’est, en effet, une cause valable.
Dans at-Tamhid, (9/275. Ed. Mo’asaset al-Qortoba) :
«Les Musulmans sont bien d’accord que la Station Rituelle au Mont de ‘Arafat pendant la nuit dispense le pèlerin d’y stationner pendant le jour. Or, le pèlerin qui le fait, bien qu’il ait le temps et sans excuse quelconque, commet, certes, une faute. Et dans ce cas, certains exigent de lui d’offrir un sacrifice (à titre de réparation) et certains autres ne l’exigent pas. »
Dans al-Moghni (3/432), Ibn Qodama al-Hanbali dit :
« Celui qui rate la Station Rituelle à ‘Arafat pendant le jour et qui y stationne la nuit accomplit ainsi un Hajj valide. En fait, aucun savant, comme on le sait, n’en dit pas le contraire. Et ce conformément à la parole claire du Prophète à ce propos : « Le pèlerin qui rattrape la Station Rituelle à ‘Arafat pendant la nuit accomplit ainsi son Hajj … »
Enfin, les pèlerins ont le choix de choisir parmi ces avis variés ce qui leur convient et ce qui protège leur santé et assure leur sécurité. Ils peuvent, par exemple, stationner à ‘Arafat et en descendre en masse après l’aube et avant le zénith comme l’indiquent les Hanbalites ou avant le coucher du soleil sans néanmoins offrir un sacrifice comme le précisent les Chaféites. Ils peuvent également adopter l’avis des Hanafites et des Hanbalites permettant d’effectuer la Descente Rituelle avant le coucher du soleil et d’offrir en conséquence une bête à sacrifier à titre de réparation. Encore, les fidèles peuvent recourir à l’avis permettant sans aucun inconvénient la Station Rituelle pendant une partie de la veille d’al-Nahr. Sans doute, la préservation de l’âme fait partie des objectifs principaux de la Chari’a ; elle a, en fait, la priorité sur l’application d’un avis religieux controversé émis par un Moujtahid même s’il s’agit de l’avis de la majorité des savants. En cas de risque de mort ou de blessure à cause du déferlement gigantesque des pèlerins en même temps, l’application de l’avis le plus souple devient obligatoire. Il est illogique d’appliquer un acte préférable ou controversé aux dépens de la santé et de la vie des gens.
L’Islam, dans ses enseignements et ses prescriptions, est sublime. Il vise la souplesse en matière de pratiques religieuses pour garder aux fidèles leur santé, leur tranquillité et leur sécurité. En Islam, l’intérêt général est prioritaire à l’intérêt privé. Donc, rien n’empêche d’abandonner l’avis d’une école juridique si l’intérêt exige de suivre l’avis d’une autre école. A titre d’exemple, s’appliquer au Jet des Cailloux en même temps peut causer de la peine aux pèlerins. C’est pourquoi, on peut adopter un avis permettant de s’y appliquer à des temps espacés, suivant par là la règle islamique selon laquelle : « Dans toute difficulté, il y a certes une issue. »
De tout ce qui précède, les autorités concernées ont le droit d’organiser le déferlement de ‘Arafat en choisissant, parmi les avis des Fouqaha, ce qui remédie au problème du déferlement gigantesque des pèlerins. Dans les règles du Fiqh, il est bien établi que le chef du commandement a le droit de restreindre les domaines des actes permis en vue de réaliser l’intérêt général. Il peut également choisir, parmi les avis des Ulémas, ce qui réalise à la fois les objectifs principaux de la Chari’a et l’intérêt des gens.
Dans son commentaire sur Mokhtasar al-Kheraqi (3/244) – 245. Ed. Bibliothèque d’al-‘Abikan), l’imam hanbalite az-Zarkachi dit :
« Il appartient seulement à l’imam de gérer les rites du Hajj. Il faut donc suivre ses commandements en la matière. Et par conséquent, les pèlerins ne descendent pas en masse de ‘Arafat sans le voir descendre tout d’abord ; car l’imam connaît mieux quiconque tout ce qui concerne le Hajj et sert de juge en cas de dispute ou divergence entre les pèlerins. »
Par conséquent, il incombe aux gouvernants musulmans, chargés d’organiser les affaires du Hajj, de choisir, parmi les avis des écoles fiqhites ce qui assure la sécurité et la tranquillité des pèlerins. Il est de leur ressort de diviser le déferlement des pèlerins en deux étapes ou plus si l’intérêt l’exige. En effet, ce procédé ne doit pas être conçu, en aucun cas, comme étant changement des actes cultuels du pèlerinage. Il faut plutôt le considérer comme étant une bonne gestion des pratiques religieuses surtout s’il prend en considération l’intérêt et la protection des pèlerins.
[1] Rapporté par l’imam Ahmad et les auteurs de Sunan et authentifié par at-Termizi Ibn Hiban, ad-Daraqotni et al-Hakim qui dit : « C’est un Hadith valide comme l’indiquent les imams de Hadith et constitue une règle islamique. ». Al-Mostadrak, (1/462). Ed. Al-Hind.