Prouver l’allaitement par le témoignage
Question
L’allaitement peut-il être prouvé par le témoignage même rendu par de faux témoins, surtout si l’on prend en considération la longue durée du mariage et le nombre d’enfants, fruits de ce mariage ?
Réponse
Bien que l’allaitement soit prouvé par deux témoins, le juge perspicace ne doit pas admettre le témoignage rendu par deux personnes ou par une seule, s’il sent, par intuition, qu’il s’agit d’un faux témoignage, ou bien d’un témoignage rendu par une personne ayant intérêt à rendre nul le mariage. Il en va de même pour le témoignage douteux ; à savoir lorsque le témoin n’a aucun lien quelconque avec la nourrice ou le nourrisson, ou ce lien existe ; et pourtant, il est interdit de voir allaiter le bébé. De même, le témoignage sera refusé si le témoin se contredit à propos de la manière, de la quantité absorbée, du lieu, du temps et du nombre de tétés. En effet, le juge peut, par sa clairvoyance, dévoiler la fausseté du témoignage rendu par l’un ou les deux témoins en cas de contradiction de leurs dires, et tout particulièrement si leur témoignage est juste rendu après le mariage du couple accusé d’avoir allaité en même temps de la même femme ; ou bien lorsque le doute plane en intentant tard le procès avec la possibilité de l’anticiper.
Nous avançons ici quelques citations qui montrent que l’acceptation du témoignage en matière d’allaitement n’est pas inconditionnée. Dans Rawdet at-Talibine, an-Nawawi dit : « Si deux témoins indiquent qu’ils ont décidemment regardé les seins de la nourrice sans en viser le témoignage, leur témoignage sera rejeté en tant que témoignage des pervers…. ». Il a également dit : « La quatrième question : certains savants dont l’imam al-Djwayni ont estimé que c’est acceptable tout témoignage même inconditionné à propos de l’allaitement interdisant le mariage tout comme la parenté. Par contre, d’autres bien nombreux ont précisé que le témoignage inconditionné est inacceptable ; et par conséquent, il doit être détaillé et sujet à des conditions ; c’est, en effet, ce qu’indique le sens apparent du Texte. Al-Baghawi qualifie d’exact cet avis vu la divergence d’avis à propos des conditions d’allaitement. Raison pour laquelle, on a exigé les détails en témoignage pour permettre au juge d’y déployer son effort d’interprétation…. »
Ensuite, an-Nawawi continue en disant : « La cinquième : ce n’est pas assez de témoigner ou d’attester l’attitude d’allaitement et l’absorbation du lait par le nourrisson sans faire cas du temps et du nombre de tétés, à savoir qu’on témoigne qu’elle l’a allaité ou bien qu’il a absorbé d’elle, durant deux ans, cinq tétés bien espacées. Quant à la condition de mentionner l’arrivée du lait à l’estomac, il y a, à ce propos, deux avis dont le plus prépondérant est celui exigeant cette mention, comme le confirment al-Metwali et autres, et ce, par analogie avec l’exigence de mentionner l’intromission de la verge dans le témoignage de la fornication ; alors que le deuxième avis ne l’exige pas ; car le passage du lait à l’estomac est invisible. Dans al-Bacit, on dit : sans doute, le juge a le droit de l’interroger sur les détails ; et en cas de décès du témoin avant l’interrogation du juge, ce dernier devra-t-il suspendre le procès ou non ? A cet égard, il y a deux avis divergents. »
Partant de ce qui précède, le témoin peut constater et témoigner de l’arrivée du lait à l’estomac soit par la vue de l’acte d’allaiter ou d’avaler par gorgée le lait, soit par les indices comme la vue du nourrisson prendre le sein et le sucer ou du mouvement de la bouche avalant le lait par gorgée tout en s’assurant qu’il s’agit d’une femme accouchée. Tout cela met en valeur son témoignage. En revanche, il ne lui est pas permis de témoigner de l’allaitement par le fait de voir une femme prendre l’attitude d’une nourrice en mettant le nourrisson sous ses vêtements en se penchant vers lui ; car il se peut qu’elle lui donne du lait d’une autre à travers un objet qui ressemble au sein. Egalement, il ne lui est permis de témoigner du fait d’entendre sucer et absorber le lait ; car il se peut qu’il suce son doigt à elle ou le sien.
Si le témoin a vu le nourrisson prendre le sein et se mettre à le sucer et à en avaler le lait, sans s’assurer qu’il s’agit ou non d’une femme accouchée, son témoignage sera-t-il accepté à en juger par l’apparence ou non ; car en principe, on présume l’inexistence du lait dans le sein. A ce propos, il y a deux avis dont le plus prépondérant est le deuxième.
Il ne suffit pas en matière de témoignage d’allaitement de réciter uniquement les indices par le simple fait de voir l’enfant prendre le sein, sucer et avaler sans constater ni l’arrivée du lait à l’estomac ni l’allaitement interdisant le mariage vu l’impossibilité de voir tout ce qu’on vient de citer à moins qu’elle ne le fait voir avaler le lait, dans ce cas, le témoignage est acceptable et revêt le statut de l’attestation.