Mendicité
Question
Quel est l’avis religieux relatif à la mendicité et au fait de donner de l’argent aux mendiants répandus sur les lieux publics ?
Réponse
En principe, demander aumône aux gens sans nécessité légale et urgente est religieusement réprouvé ; car il s’agit d’un acte humiliant et méprisant pour l’homme honoré par la charia. Moslem Ibn ‘Aof Ibn Malek al-Achga’i dit : « Nous sommes allés voir le Prophète chez lui et nous étions au nombre de sept, huit ou neuf personnes. Le Prophète nous a interrogé : « Ne voulez-vous pas prêter serment d’allégeance au Messager d’Allah ? » - en nouveaux convertis, nous répondons : « O Messager d’Allah ! Nous te prêtons allégeance. ». Le Prophète répéta : « Ne voulez-vous pas prêter serment d’allégeance au Messager d’Allah ? », et nous de répondre : « O Messager d’Allah ! Nous te prêtons allégeance. ». Enfin, le Prophète dit pour la troisième fois : « Ne voulez-vous pas prêter serment d’allégeance au Messager d’Allah ? ». Le rapporteur dit : « Nous avons tendu les mains en disant : « Nous te prêtons allégeance Messager d’Allah ; mais au sujet de quoi devons-nous te prêter serment d’allégeance ? ». Le Prophète répondit : « Vous me prêtez serment d’adorer Allah sans rien Lui associer, d’accomplir les cinq prières prescrites et de faire preuve d’obéissance. ». Puis, le Prophète à voix basse dit : « …et de ne rien demander aux gens. ». Le rapporteur dit alors : « Leçon si apprise que j’ai vu certains d’entre eux ramasser eux-mêmes leur fouet tombé par terre sans le demander à personne. »
L’imam Ahmad et Ibn Hiban rapportent d’après Abu Horayra que le Prophète dit : « Tout homme cherche à gagner son pain par mendicité finira par accéder à la pauvreté. Mieux vaux d’aller bûcher puis d’en porter le fagot sur le dos et de se nourrir de son prix, que de demander l’aumône aux gens qui en donnent ou en privent. ».
A propos de la mendicité, les mendiants diffèrent les uns des autres selon la diversité de leurs cas et de leurs conditions de vie. Le fait de demander la charité aux gens est catégoriquement interdit à l’homme ayant de quoi subvenir à ses besoins grâce à des biens propres, métiers ou profession. La preuve en est l’interdiction mentionnée dans plusieurs Hadiths dont celui rapporté par al-Boukhari et Moslim d’après Ibn ‘Omar selon lequel le Prophète dit : « A force de mendier, le mendiant perd sa dignité et devient indifférent à l’humiliation et au Jour Dernier il sera ressuscité le visage dépouillé de toute chaire. »
Dans Ikmal al-Mo’alem (3/574. Ed. Dar al-Wafaa), Al-Kadi ‘Ayad dit : « On dit, en interprétant ce Hadith, que le mendiant se verra, le Jour de la Résurrection, humilié n’ayant pas d’estime auprès du Seigneur. On dit également que ce Hadith doit être compris dans son propre sens, c’est-à-dire que, le mendiant, pour qu’il soit puni et marqué d’honte, sera ressuscité le visage dépouillé de la chaire. Ce Hadith est identique aux Hadiths relatifs aux peines infligées aux membres du corps par lesquels le péché a été commis. En effet, cette peine est appliquée à celui qui demande charité aux gens sans en avoir besoin. »
Dans le Hadith rapporté par Moslem, Abu Horayra rapporte que le Prophète dit : « Celui qui demande charité aux gens sans en avoir besoin est comparable à celui qui mange de la braise : libre à lui donc d’en consommer moins ou plus. »
Commentant ce Hadith, al-Kadi ‘Ayad dit dans Ikmal al-Mo’alem (3/575) : « Cela veut dire qu’il sera brûlé par le feu ; parce qu’il gagne illégalement sa vie au nom de la pauvreté. Ou bien ce qu’il gagne illicitement se transformera en braise brûlant son visage, peine égale à celle infligée à ceux qui s’abstiennent de la Zakat. »
Abu Da’oud rapporte d’après Ibn Sahl al-Hanzalyya que le Prophète dit : « Celui qui demande la charité aux gens alors qu’il possède de quoi se suffire est semblable à celui qui mange abondement de la braise. ». A ce moment-là, les Compagnons ont interrogé le Prophète : « Qu’est-ce qui suffit à l’homme ? », « C’est d’avoir de quoi déjeuner et dîner ou bien de quoi se nourrir à satiété pour un jour tout entier. »
Dans al-Kabir, at-Tabarani rapporte d’après Mass’oud Ibn ‘Amr que le Prophète dit : « A force de mendier sans en avoir besoin, la face du mendiant se fane et au Jour Dernier le mendiant se ressuscitera sans visage. »
Dans ach-Cho’ab, al-Bayhaqi rapporte d’après Ibn ‘Abbass que le Prophète dit : « Celui qui demande charité aux gens sans qu’il soit pauvre ni incapable de pourvoir aux besoins de sa famille sera ressuscité le Jour Dernier le visage dépouillé de chair. »
Dans son sahih, Ibn Khozayma rapporte d’après Habachi Ibn Djanada que le Prophète dit : « Quiconque se nourrit de la mendicité sans nécessité ne se nourrit que de la braise. »
Dans ach-Cho’ab, al-Bayhaqi rapporte une autre version : « Celui qui se nourrit de la charité sans nécessité est comparable à celui qui mange de la braise. »
En effet, cette image sous-entend l’interdiction de la mendicité selon les jurisconsultes chaféites. De sa part, cheikh al-Islam Zakaryya al-Ansari dans son Asna al-Mataleb (1/407, éd. Dar al-Kitab al-Islamy) dit : Il est interdit à celui ayant le nécessaire pout vivre et se fait passer pour un pauvre d’accepter l’aumône ; par analogie au cas de l’un des gens d’as-Soffa qui estdécédé laissant deux dinars. Informé, le Prophète dit : « Il a laissé deux métaux chauffés et appliqués sur son corps. ».
Plus encore, dans son ouvrage az-Zawager (1/304. Ed. Dar al-Fikr), l’imam Ibn Hajar al-Haytamey a classé la mendicité parmi les péchés majeurs.
Par contre, si par indigence ou par une dure épreuve, ou bien par incapacité de gagner son pain, une personne se trouve contrainte de demander la charité, elle sera autorisée de le faire sans aucun inconvénient religieux. La preuve en est le Hadith rapporté par Abu Da’oud et Ibn Maja d’après Anas Ibn Malek que le Prophète dit : « Demander l’aumône n’est permise qu’en trois cas : une extrême pauvreté, une lourde dette, un prix de sang cuisant. ». On entend par le prix de sang cuisant le prix de sang imposé par les parents de la victime au meurtrier ou à sa famille financièrement incapable, et par conséquent, l’hostilité et la rancune ne prendront pas fin. (Voir ‘Awn al-Ma’boud d’al-‘Azim Abaday, 5/38. Ed. Dar al-Kotob al-‘Ilmyya).
Dans al-Majmou’ Charh al-Mouhazzab (6/236. Ed. al-Maktba’a al-Moniryya), l’imam an-Nawawi dit : « Demander la charité n’est interdit ni même réprouvé quant on est pauvre incapable de gagner son pain. »
La demande de la charité peut même devenir obligatoire dans certains cas comme par exemple le cas du pauvre incapable de gagner son pain et dont la vie dépend de ce qu’il reçoit par charité. Ce qui explique ce que rapporte Abu Na’im dans al-Hilyah d’après Sofian ath-Thawry : « Celui qui meurt de faim sans demander de quoi se nourrir est destiné à l’Enfer. »
Quant au jugement religieux relatif au fait de donner l’aumône aux mendiants, il ne doit pas être pris dans sa généralité. Il dépend, en fait, de la forte probabilité de la sincérité du mendiant. C’est pourquoi, le bienfaisant a le droit de s’assurer de la vérité de sa mauvaise condition ; surtout lorsqu’il s’agit des biens de la Zakat destinés à ses ayants-droit. Cette vérification s’avère importante dans certains endroits où la mendicité est devenue une profession à laquelle s’entrainent les enfants. Sans doute, ce phénomène menace la sécurité et la stabilité de la société et son expansion reflète l’arriération de la nation et témoigne du manque de solidarité et d’entraide entre les gens. Il est du devoir des autorités concernées de connaître les raisons profondes de l’expansion de ce phénomène pour les combattre par assurer le nécessaire aux pauvres et empêcher quiconque se permet de mendier sans nécessité.
Et Allah le Très-Haut le sait par excellence.