Les versets coraniques relatifs à l...

Dar al-Iftaa d'Égypte

Les versets coraniques relatifs à la Djizya (capitation) et au Djihad

Question

Comment expliquer à mon ami américain non-musulman ces versets coraniques : « Combattez ceux qui ne croient ni en Dieu ni au Jour dernier ; ceux qui ne s’interdisent pas ce que Dieu et Son Prophète ont déclaré interdit ; ceux qui, parmi les gens d’Écriture, ne pratiquent pas la vraie religion. Combattez-les jusqu’à ce qu’ils versent directement la capitation en toute humilité[1] ! ». Dans ce verset, les Gens du Livre sont assurément les Chrétiens et les Juifs. Il en va de même pour ce verset : « Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sédition et que tout culte soit rendu uniquement à Dieu. Mais, s’ils désarment, qu’ils sachent que Dieu voit parfaitement ce qu’ils font[2]. »



[1] Coran, at-Tawba, 29.

[2] Coran, al-Anfal, 39.

Réponse

  Dans le premier verset, le terme arabe Sagheroun صاغرون (interprété littéralement par humilité) ne désigne pas le mépris ou le mésestime, c’est ce qu’indiquent clairement les savants les plus versés dans la science religieuse. D’après ces savants, le Prophète et les quatre califes bien-guidés, après lui, n’ont pas agi de cette façon malpropre avec les Gens du Livre. D’ailleurs, dans la sunna, on ne trouve aucune référence faisant allusion à ce sens péjoratif. En effet, imposer aux Gens du Livre de s’acquitter en toute humilité de la capitation représente un tort religieusement interdit comme l’estime l’érudit Ibn ‘Abdine dans son hachiat (4/202). En principe, la Djizya est payée par les Gens du Livre contre la protection de leurs personnes, de leurs familles et de leurs biens. Il s’agit, comme le qualifient les jurisconsultes, d’un contrat de protection perpétuelle (‘Aqd el-Zimma) qui garantit aux non-Musulmans la protection de leur religion et la paix du même titre que les Musulmans. De leur côté, les Gens du Livre, vivant dans une région islamique, sont tenus de payer la Djizya et de respecter la loi islamique en toute affaire sauf celles relatives à leur religion. Il est à noter également que ce contrat de protection n’est pas inventé par l’Islam ; mais il était communément en vigueur à cette époque-là. Alors, l’Islam n’a fait que l’approuver et l’immuniser en faisant d’Allah, de Son Messager et de l’ensemble de la communauté les garants de cet engagement. De plus, l’Islam a donné à ce contrat son caractère perpétuel inapte à aucune résiliation pour éviter, à l’avenir, aux non-Musulmans toute éventualité d’injustice de la part d’un dirigeant musulman.

Il convient de noter également que la Djizya n’était pas nécessairement stipulée dans le contrat de protection comme le démontre bien sa définition. La preuve en est que les Compagnons et leurs successeurs en ont dispensé les non-Musulmans qui ont accepté la participation à la défense de la terre de l’Islam vu que la Djizya est établie contre la dispense de combattre l’ennemi avec les Musulmans. (Vérité bien indiquée par l’imam Ibn Hajar dans son commentaire d’al-Boukhari (6/38) d’après l’avis de la majorité des savants). Partant de ce principe même, Soraqa Ibn ‘Amr a dispensé en 22 de l’hégire les habitants d’Arménie du payement de cette tribut. De même, Habib Ibn Maslama al-Fehri en a dispensé les habitants d’Antioche et les combattants envoyés par Abu ‘Obyada se sont comportés de la même façon avec les habitants d’une ville frontière entre la Turquie et la Syrie connue aujourd’hui sous le nom de Mardaïtes (al-Djarajima). Egalement, les conquérants musulmans sous le commandement de ‘Abdullah Ibn Abi as-Sarh ont établi un pacte de paix avec les Nubiens en échange des cadeaux réciproques chaque année. A l’époque de Mo’awya, fondateur du califat omeyade, les Musulmans ont fait la paix avec les Chypriotes contre une taxe imposée au passage des territoires ainsi que contre leur neutralité dans la guerre entre les Musulmans et les Romains. Dans les pays islamiques, les citoyens non-musulmans s’acquittent du service militaire depuis plus d’un siècle et sacrifient leur vie pour la sauvegarde de la patrie. Du point de vue de la véritable jurisprudence islamique, ces citoyens, en principe, ne doivent payer aucune Djizya et ne sont pas considérés comme des Zimi. En tout cas, la Djizya n’était ni un moyen pour châtier la personne qui refuse d’embrasser l’Islam ni une alternative d’éviter le meurtre aux non-Musulmans. A cet égard, dans son ouvrage « L’appel à l’Islam » l’orientaliste anglais Sir Thomas Arnold dit : « La Djizya imposée aux Chrétiens n’était pas, comme certains chercheurs essayent de nous y faire croire, un moyen de punition pour avoir refusé de se convertir à l’Islam. En vérité, les Chrétiens s’acquittaient de ce tribut comme le reste des non-musulmans dont la religion constitue un empêchement de de prendre part à la défense du pays avec l’armée musulmane. Et par conséquent, il s’agit d’un impôt payé contre la protection que leur assuraient les Musulmans. ». Dans le même sens, les habitants d’al-Hira, en payant la Djizya convenue, ont posé comme condition que l’armée musulmane et son émir s’engage de les protéger contre l’injustice qui pourrait être commis par un Musulman ou autre. De même, dans le traité de paix conclu avec quelques habitants des banlieues d’al-Hira, Khaled Ibn al-Walid pose cette condition : « Si nous arrivons à vous protéger, nous recevrons votre Djizya sinon vous n’aurez rien à payer. ». Dans le même esprit, pendant le califat de ‘Omar, les Musulmans ont refusé de recevoir la Djizya lorsqu’ils n’arrivaient pas à assurer aux Zimi la protection nécessaire. Cet évènement a eu lieu au moment où Hercule mobilisait une armée gigantesque pour repousser l’avance des Musulmans. Face à ce danger, l’armée musulmane devait rassembler toute sa force de frappe dans le combat. Informé, Abu ‘Obyada, commandant en chef, a fait écrire aux gouverneurs des contrées conquises pour leur ordonner de restituer à leurs habitants la Djizya. Dans cet écrit, il s’est adressé à ces habitants en disant : « Nous vous restituons la Djizya reçue après avoir constaté que l’ennemi mobilisait contre nous une armée gigantesque, ce qui fait que nous risquons, en faisant face à cette armée, de manquer à notre engagement et de ne plus pouvoir vous protéger. Nous sommes fidèles à notre engagement envers vous : recevoir de vous la Djizya en échange de protection, si protection fait défaut, la Djizya vous sera rendue. ». Ainsi, une grande fortune fut rendue par l’Etat musulman aux habitants chrétiens qui, en guise de gratitude, ont attiré la bénédiction divine sur les gouverneurs musulmans en leur disant : « Que Dieu facilite votre retour à nous et vous accorde la victoire contre les Romains. Si ces Romains étaient à votre place, ils ne nous rendraient rien et confisqueraient ce que nous avons. ».

Le Prophète dit : « Me fait du mal quiconque fait du mal à un Zimmi. ». Dans ce Hadith, on entend par le mal tout mal psychologique ou physique.

En effet, la charia ordonne aux Musulmans d’adopter la meilleure conduite envers les Gens du Livre paisibles et fidèles à notre engagement. A cet égard, Allah, le Très-Haut, dit : « Dieu ne vous défend pas d’être bons et équitables envers ceux qui ne vous attaquent pas à cause de votre religion et qui ne vous expulsent pas de vos foyers. Dieu aime ceux qui sont équitables. [9] Mais Il vous interdit toute liaison avec ceux qui vous combattent à cause de votre religion, qui vous chassent de vos foyers, ou qui contribuent à le faire. Une telle alliance constituerait une véritable injustice[1]. », « Ne discutez avec les gens des Écritures que de la manière la plus courtoise, à moins qu’il ne s’agisse de ceux d’entre eux qui sont injustes[2]. »

Dans un autre verset, Allah, le Très-Haut, ordonne aux Musulmans d’être bienfaisants même à l’égard de ceux qui cherchent à détourner les Musulmans de leur religion : « Beaucoup de détenteurs des Écritures, après s’être rendu compte de la justesse de votre cause, brûlent d’envie, par pure jalousie, de vous faire abjurer votre foi et de vous ramener à l’impiété. Pardonnez-leur et soyez indulgents à leur égard jusqu’à ce que la volonté de Dieu soit accomplie, car Dieu est Omnipotent[3]. »

Quant au premier verset figuré dans la question, il est révélé après la bataille de M’ôta au sujet des Romains. Il est à noter qu’après la défaite des Polythéistes devant les Musulmans et l’expansion de l’Islam dans toute la Péninsule arabe, les Romains ont mobilisé contre les Musulmans toutes leurs armées pour l’exterminer définitivement. Alors, l’ordre de combattre, figuré dans le verset en question, est restreint aux traîtres qui manquent à leur engagement. D’après les savants les plus versés dans la science religieuse, le terme coranique « صاغرون », dénote les vaincus soumis à l’Etat musulman et à qui est imposée la Djizya en échange de leur protection et de leur salut. Et par conséquent, on n’entend pas par ce terme son sens péjoratif désignant l’humiliation des vaincus en leur imposant la Djizya. En effet, ce sens dépréciatif s’oppose au Coran et de à la sunna qui ordonnent de se comporter de la bonne manière avec les Gens du Livre et les non-Musulmans protégés. De même, le deuxième verset, figuré dans la question, est révélé au sujet des Païens qui ont agressé les Musulmans pendant la bataille de ‘Ohod. Et par conséquent, ce verset est révélé pour exhorter les Musulmans à repousser cette agression menée par ces tyrans pour anéantir les Musulmans de fond en comble. En principe, les relations entre les Musulmans et les non-Musulmans doivent être basées sur la coexistence et le bon voisinage comme l’indiquent bien ces deux versets : « Il faut tenir des propos bienveillants aux gens[4]. », « « Ne discutez avec les gens des Écritures que de la manière la plus courtoise, à moins qu’il ne s’agisse de ceux d’entre eux qui sont injustes[5]. »   

Et Allah Seul le sait par excellence.              



[1] Coran, al-Momtahina, 8/9.

[2] Coran, al-‘Ankabout, 46.

[3] Coran, al-Baqara, 109.

[4] Coran, al-Baqara, 83.

[5] Coran, al-‘Ankabout, 46.

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