Corriger son enfant

Dar al-Iftaa d'Égypte

Corriger son enfant

Question

J'aimerais connaître l'avis de l'école malikite à propos de la correction de l’enfant : dans quels cas doit-on le corriger ? A partir de quel âge ? Qu'entend-on dire par « la correction », quel est le statut religieux de la correction en jurisprudence islamique (recommandé, obligatoire, etc.). Merci beaucoup pour votre réponse.

Réponse

L’Islam est la religion de la miséricorde. Allah, le Très-Haut, n’a-t-Il pas envoyé son Prophète comme une miséricorde dédiée à l’humanité en lui disant :
« Nous ne t’avons envoyé que comme miséricorde pour l’Univers. » (S.al-Anbyaa. V.107)
La charia a recommandé la compassion et la miséricorde à l’égard des faibles. A cet effet, le Prophète dit :
« Je vous interdis toute atteinte aux droits des deux faibles : l’orphelin et la femme. » (Rapporté par an-Nissa’i et Ibn Maja d’après une bonne chaîne de transmission)
Dans son Riyad as-Salihine, an-Nawawi dit : « Les enfants, selon leurs âges, méritent d’être traités avec pleine miséricorde en raison de leur faiblesse et de leur fort besoin de celui qui prend soin de leur intérêt. C’est pourquoi, le Prophète a considéré la brutalité avec les enfants comme un péché majeur en disant : « N’est pas des nôtres celui qui ne fait pas preuve de miséricorde à l’égard des petits et qui ne reconnaît pas les mérites des gens âgés. » (Rapporté par l’imam Ahmad, Abu Da’oud et at-Termizi qui l’a jugé authentique d’après le Hadith d’Ibn Omar)
En outre, la charia a exhorté les fidèles à faire preuve de miséricorde à l’égard des enfants. Le Prophète a également appelé les Musulmans à se parer, dans tous les cas, de l’indulgence : « L’indulgence est un signe de noblesse de l’acte alors que la brutalité est un déshonneur. » (Rapporté par Musleim d’après le Hadith d’Aicha)
Les enfants et les élèves ont le plus le droit d’être traités avec beaucoup de clémence en recevant leur éducation. L’Islam est une religion qui encourage amplement la science ; c’est pourquoi, il nous appelle toujours à respecter les règles pédagogiques adéquates que les spécialistes recommandent. Il est évident que la punition corporelle n’est pas - comme le constatent nombreux pédagogues et psychologues - le moyen efficace en matière de correction de l’enfant. Recourir à la punition corporelle en instruisant, comme l’indiquent les spécialistes, ne fait qu’engendrer chez l’enfant une conduite agressive exprimée souvent par le regard haineux et rancuneux qu’il adresse à celui qui le punit. Le processus éducatif doit être basé sur le dialogue et la compréhension. Et pour ce faire, les responsables doivent, à leur tour, adopter les méthodes pédagogiques les plus efficaces pour mener ce processus éducatif à bonne fin. En effet, l’éducation vise, en premier lieu, à transmettre l’expérience, les connaissances et les matières scolaires du professeur à l’élève. Et pour les transmettre fidèlement, on doit respecter les règles pédagogiques affranchies du préjudice, de la haine et de la rancune et qui préconisent l’atmosphère d’entente entre professeur et élève. La relation entre ces deux ne doit pas être basée sur le sentiment de la peur ; mais plutôt sur la bonté, le respect et l’amour.
Ainsi, il n’est pas permis de recourir à la correction corporelle en présence des alternatives pédagogiques de correction efficaces. Personne ne rapporte que le Prophète, premier éducateur, a puni corporellement un enfant. Il a donné par sa conduite le bon exemple à suivre par les instituteurs en éduquant les élèves. Sa glorieuse Biographie en matière d’éducation et de correction doit être, pour eux, leur point de mire. A cet effet, Allah, le Très-Haut, dit : « Vous avez, dans (la conduite) du Prophète de Dieu, un si bel exemple pour celui qui espère en Dieu et au Jugement dernier, et qui évoque souvent le Nom du Seigneur. » (S. al-Ahzab. V.21) Aicha dit : « Le Prophète n’a porté la main sur personne, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un domestique ; il ne l’a fait, en effet, que dans le champ de bataille. De même, il n’a pas eu recours à la vengeance à moins que les ordres divines ne soient transgressés. » (Rapporté par Musleim).
L’enfant, avant la maturité, n’est pas religieusement responsable pour que soient appliquées sur lui les peines légales الحدود ou la réprimande تعزير. Il suffit pour corriger l’enfant de lui donner une bonne éducation et non pas le punir. La punition, en effet, s’impose seulement si on commet l’interdit ou délaisse un devoir religieux. Il est à noter que la punition est restreinte aux personnes religieusement responsables. Alors, la mesure qu’on doit adopter, pour corriger un enfant, c’est de l’habituer à accomplir les obligations et à fuir les interdictions dans le but que tout cela lui soit familier à l’âge mûr. En effet, se conformer aux obligations religieuses n’est pas, pour lui, une charge à assumer. Par conséquent, corriger l’enfant pour l’habituer à accomplir les devoirs et éviter les péchés n’est, en effet, qu’une sorte d’éducation et de rectification. En principe, la Chari’a interdit toutes sortes de préjudice. A ce sujet, Allah dit : « Ceux qui offensent sans droit les croyants et les croyantes se chargent d’une infamie et commettent un grave péché. » (S. al-Ahzab. V. 58) Le Prophète dit également : « Le dos du Musulman est bien protégé sauf en cas d’une peine légale exigeant la flagellation. » (Rapporté par at-Tabarni dans al-Mo’gam al-Kabir d’après le Hadith de ‘Smah Ibn Malek. Ce Hadith est classé sous le titre (Zahr al-Mo’men Héman el-La fi had awhak.) (ظهر المؤمن حمى إلا في حد أو حق) dans l’ouvrage de Sahih al-Boukhari) Dans son Fath al-Bari (12/85. Imprimerie Dar al-Ma’refa), al-Hafez Ibn Hajar dit : « Le terme arabe héman حمىً mentionné dans le Hadith signifie « protégé contre toute atteinte ». Quant à la phrase « el-La fi had aw hak » "إلا في حد أو حق ", elle laisse entendre que le Musulman ne doit être puni qu’à titre de peine légale ou de réprimandes légales. » De son côté, al-Hafez as-Sakhawy dit dans al-Makaçed al-Hasana (1/448. Dar al-Kitab al-‘Arabi) : « Le Hadith indique que le dos du Musulman ne doit subir que la peine prescrite par la Chari’a. » A vrai dire, les jurisconsultes musulmans ont mis ce sens en relief. Certains d’entre eux ont indiqué qu’il n’est pas permis de frapper l’enfant avec le fouet ou le bâton ou quelque chose pareille. Il est autorisé, selon eux, de le battre légèrement avec la main à titre de reproche et de mécontentement et non pas à titre de punition. Les jurisconsultes ont également précisé que celui qui punit doit éviter, en frappant, les endroits mortels du corps, les parties intimes et les points relatifs à la dignité de l’Homme tels que le visage, la tête, la gorge, la partie génitale et la nuque conformément à la parole du Prophète : « Il faut éviter, en frappant, le visage. » (Rapporté par al-Boukhari et Musleim d’après Abou Houreirah).
En outre, la punition corporelle ne doit être ni sévère ni sanglante ni douloureux. Certains autres jurisconsultes ont estimé qu’il n’est pas permis de frapper l’enfant plus de trois coups suivant l’ordre du Prophète à l’instituteur Merdas : « Gare à toi de frapper plus de trois coups ; sinon Allah se vengera de toi. » Dans at-Tag Wal ek-Klil (6/319. Dar al-Fekr), le Malékite al-‘Bd Ri dit : « Ach-Chhab dit : « Si le précepteur d’enfants frappe plus de trois coups, il sera infligé de même nombre de coups. » Si le Hadith précité s’avère vrai, il ne sert pas de preuve de permission de frapper ; il sert plutôt d’avertissement de frapper d’une manière douloureuse. Le Hadith indique également que la correction de l’enfant n’est qu’une démonstration de mécontentement ; sinon elle sera un acte interdit. Le terme (frapper) figuré dans certains Hadiths a un sens particulier illustré bien par le Hadith suivant : « Ordonnez à vos enfants d’accomplir la prière et frappez-les s’ils la négligent à l’âge de dix ans. » Le terme (frapper) mentionné dans ce Hadith est, en effet, une sorte de discipline et de leçon morale données à titre de réprimande et de mécontentement. Il ne représente pas, en fait, une approbation de la sanction corporelle. A supposer que le terme (frapper) soit employé au sens propre, l’acte de frapper ne doit se faire qu’avec un objet léger tel que la brosse à dent qui exprime plutôt le reproche que la punition corporelle. Si la punition corporelle s’avère efficace dans certains temps ou certains lieux en tant que moyen d’éducation avec toutes ces conditions précitées, elle ne signifie pas forcément qu’elle le sera dans tout temps et tout lieu et pour toutes personnes. Et comme on le dit en poésie arabe : L’âme basse se corrige moyennant des coups du bâton alors qu’un simple geste suffit pour rectifier l’âme noble. En effet, le terme (frapper) est souvent mal compris et dérivé de son sens éducatif pour devenir souvent un moyen de punition corporelle sévère, voire vindicative. Un tel comportement est catégoriquement interdit. Certains pédagogues estiment que la sanction corporelle indolore pourrait être un moyen efficace pour corriger l’enfant à condition de prendre en considération son âge, sa réaction et son état psychologique et qu’il faut éviter, à tout prix, d’appliquer la punition corporelle à l’enfant rebelle à la manière sévère. Or, la punition corporelle légère est loin d’être contrôlable et d’avoir un critère à partir duquel on peut distinguer la personne fautive et celle ayant raison. En outre, elle se peut que certains précepteurs s’en profitent pour frapper fort ou se défouler sur l’enfant, ce qui pourrait causer des blessures ou même la mort de l’enfant sans parler de la diffusion du comportement agressif entre étudiants et parents d’une part et les précepteurs de l’autre part. C’est pourquoi, la punition corporelle, selon nous, est formellement défendue pour couper court aux prétextes. Ceci s’applique aux élèves qui n’ont pas atteint la puberté et à ceux qui sont qualifiés d’enfants selon la définition terminologique du Fiqh, à savoir, les élèves de la maternelle, de l’école primaire ou préparatoire et un peu les élèves du cycle secondaire. En ce qui concerne les étudiants du cycle secondaire, il faut se comporter avec eux en tant personnes majeures et responsables. A cet égard, il faut noter que cette catégorie d’étudiants ne doit être frappée qu’à titre de peine légale ou de réprimande comme on l’a précité dans les propos d’al-Hafez Ibn Hajar et autres. Il est à souligner que la réprimande s’applique à des cas précis et définis dans le Fiqh et se soumet à l’autorité de celui qui détient le commandement. Il appartient juridiquement à cette autorité d’interdire la punition corporelle dans tous les établissements scolaires et d’infliger une sanction sévère à quiconque la pratique. Le législateur islamique a autorisé à celui qui détient le commandement de restreindre le cercle des choses permises eu égard à l’intérêt public. Cela s’applique aux choses purement permises, qu’en est-il donc des choses permises mais équivoques qui engendrent des préjudices évidents. Donc, il est interdit d’y avoir recours et son auteur sera religieusement pécheur.
Et Allah Seul le sait par excellence.
 

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