Subvenir aux besoins des enfants
Question
Les frais d’éducation d’un élève incombent-ils au père bénéficiaire d'une pension de retraite ou bien au fils aîné, dispensé du service militaire en raison d’être le seul à assurer la charge de la famille ? Le père est-il obligé de prendre en charge sa fille majeure qui reste encore sans emploi ?
Réponse
Les jurisconsultes musulmans sont unanimes sur le fait qu'il est du devoir du père de subvenir aux besoins de son fils en vertu du dire d’Allah :
« Au père de l'enfant de les nourrir et les vêtir de manière convenable1. »
Il s’agit en effet du père que le verset coranique désigne par l'expression "Wa 'ala al-Maouloudi laho وعلى المولود له. De là vient l'obligation d'entretien qu’Allah lui a assignée envers son épouse et mère de ses enfants. Ainsi, l'entretien des enfants est, a fortiori, à la charge du père. A cet égard, il serait intéressant de tirer argument des propos que le Prophète ﷺ a dit à Hind, épouse d'Abî Sofiane, lorsqu’elle l’a questionné au sujet des biens de son mari :
« Prends-en convenablement ce qui suffira à ton fils et à toi2. »
Ainsi, si les pères n'avaient pas l’obligation d'entretenir leurs fils, le Prophète ﷺ n'aurait pas autorisé Hind à prendre de l'argent de son mari malgré l'inviolabilité des biens du Musulman.
Il est à souligner que cette obligation d'entretien est soumise à la condition de l'aisance du père ou, au moins, de sa capacité à gagner suffisamment sa vie pour subvenir à ses besoins ainsi qu'à ceux de sa famille. Dans le cas où le père s'avère incapable de s'acquitter de cette obligation et que son propre entretien est assuré par l'un de ses ascendants ou descendants, sa responsabilité en sera alors dégagée et il sera considéré comme inexistant ; car il serait inadmissible de lui réclamer de s'acquitter de son obligation d'entretien, alors qu'il est lui-même, à la charge d'autrui.
D'ailleurs, certains jurisconsultes estiment que l'obligation d'entretien est exclusivement à la charge du père et ne saurait être assumée par une autre personne, dans la mesure où la filiation de cet enfant lui a été attribuée et qu'il représente, dès lors, une partie de lui. Par conséquent, il est du devoir du père de prendre en charge son enfant et sa responsabilité n'en sera dégagée qu'en cas d'incapacité.
De plus, si le père est nécessiteux et n'a pas de quoi vivre, l'obligation d'entretien sera dès lors à la charge de celui qui pourra s'en acquitter en l’absence du père, à savoir le grand-père, le frère, l'oncle et les fils. Cette pension sera dorénavant une dette dont le père, une fois aisé, s'en acquittera.
Il est à noter que l'entretien des enfants nécessiteux et dépourvus de ressources est obligatoire. Par contre, le père n'a pas l'obligation d'entretenir ses enfants capables de gagner leur pain. Or, dans nos sociétés contemporaines, l'étudiant qui poursuit ses études _ dans ses différents niveaux qui lui permettront d'obtenir son diplôme et d'accéder à la vie professionnelle _ est trop préoccupé par ses études pour pouvoir travailler, gagner sa vie et subvenir à ses propres besoins.
En outre, l'avis appliqué par Dar al-Iftaa d'Egypte et par les tribunaux stipule que l'obligation d'entretien incombe aux proches, qui ne sont ni ascendants, ni descendants et dont les liens de parenté interdisent le mariage, à savoir les frères, les sœurs, leurs enfants, les oncles, les tantes paternels et maternels parmi tous les liens de sang prohibant le mariage conformément à la Parole divine :
« (…) Au père de l’enfant de les nourrir et vêtir de manière convenable. Nul ne doit supporter plus que ses moyens. La mère n’a pas à subir de dommage à cause de son enfant, ni le père, à cause de son enfant. Même obligation pour l’héritier3. »
Selon une lecture coranique irrégulière d'Ibn Massoud :
« Même obligation pour l'héritier parent et prohibé en mariage. »
Tel est l'avis adopté par l'école hanéfite qui exige l'aisance comme condition de cette obligation et non pas la capacité de gagner sa vie ; car l'obligation d'entretien des proches relève de l'obligation d'entretenir de bons rapports avec ses proches. Or, ceci n'est obligatoire que pour les gens aisés et par voie de justice.
Dans Badâ'i’ as-Sanâi`, il est dit :
« La troisième des conditions unanimement adoptées indique que le recours et le litige doivent avoir lieu devant le juge pour l'une des deux catégories de la pension d'entretien, à savoir celle qui n'est pas destinée aux enfants et qui ne pourrait avoir lieu en l'absence d'un jugement judiciaire. Or, il n'y a de jugement qu'en cas de recours, et en l'existence d'un litige. »
En l'espèce, la prise en charge du fils qui poursuit encore ses études ainsi que celle de la fille pubère qui ne trouve pas d'emploi sont à la charge du père bénéficiaire d'une pension de retraite assez suffisante pour couvrir leurs frais respectifs. En revanche, si le père dispose de ressources qui ne couvrent qu'une partie des frais, le reste sera assumé par son fils aîné s'il a les moyens. Dans les deux cas, ces dépenses sont considérées comme une dette dont le père devra s'acquitter une fois sa condition financière améliorée.
- 1- Coran, al-Baqara, 233. 2- Hadith cité par al-Boukhârî et autres d'après 'Aicha. 3- Coran, al-Baqara, 233. L’héritier recueille, dans ce domaine, les charges de celui dont il hérite.