Détacher d’un patient cliniquement ...

Dar al-Iftaa d'Égypte

Détacher d’un patient cliniquement mort les appareils de maintien en vie

Question

Quel est l’avis religieux relatif au fait de détacher les appareils de maintien en vie du corps d’un patient qui est dans la salle des soins intensifs et cliniquement mort ?

Réponse

En principe, l’usage de ces appareils entre dans le cadre du traitement. Et comme il est bien établi dans la jurisprudence islamique, le traitement n’est pas forcément obligatoire. La plupart des savants jugent non-obligatoire le recours au traitement ; c’est-à-dire que son abandon n’entraine pas un péché. Dans leurs recueils authentiques, al-Boukhari et Musleim rapportent qu’une femme est venue dire au Prophète : « O Messager d’Allah ! Je souffre d’une crise d’épilepsie, et je me découvre. Invoque donc Allah en ma faveur ! ». Le Prophète dit alors : « Si tu supportes patiemment ton mal, tu auras le Paradis en récompense. Si tu veux, j’invoquerai Allah pour qu’Il te guérisse. », « Je prendrai mon mal en patience, dit-elle en ajoutant : « Je me découvre. Invoque Allah de faire en sorte que je ne me découvre plus (pendant mes accès d’épilepsie). ». A ce moment, le Prophète a invoqué Allah en sa faveur. ».

Nous pouvons dégager de ce Hadith l’autorisation de renoncer au traitement ; car le Prophète a donné à la femme le choix entre le fait d’endurer son mal pour avoir le Paradis en récompense et l’invocation d’Allah de dissiper son mal.

La majorité des jurisconsultes estiment que le traitement est en général un acte autorisé qu’on peut accomplir ou abandonner. Dans Charh al-Bidayat (4/381 – éd. Dar Ihyaa at-Torath al-‘Arabi – Bayreuth – Talal Youssef.”, Al-Merghyani le hanéfite dit : « Rien n’empêche qu’on fasse usage de la piqure pour se soigner ; car le traitement est unanimement autorisé aussi bien à la femme qu’à l’homme comme l’indiquent plusieurs hadiths.

Dans al-Fawakih ad-Dawani (2/339 éd. Dar al-Fikr), an-Nafrawi le malékite dit : « Il n’y a pas de mal à ce qu’on se soigne ; conformément au dire du Prophète : « Contre toute maladie, Allah a prédestiné le remède. ». (Rapporté par al-Boukhari dans son recueil et Ahmad dans son Mosnad d’après Ibn Mas’oud). Donc, la présence du remède est un indice de la permission de se soigner. Dans al-Majmou’ (5/98 éd. Al-Matba’a al-Moniryya), an-Nawawi dit : « Le traitement est un acte recommandé pour les raisons précitées par l’auteur et les nombreux hadiths qui le prouvent bien. Pourtant, renoncer au traitement en remettant son sort à Allah est une vertu. »

Dans Charh al-Iqna’ d’al-Hadjawi (2/76 éd. Dar al-Fikr), al-Bahouti dit : « L’imam Ahmad juge préférable le renoncement au traitement ; car cette attitude révèle la confiance du fidèle en son Seigneur. En revanche, al-Qadi, Abu al-Wafaa, Ibn al-Djozi et autres ont autorisé le traitement pour la plupart des hadiths cités à ce propos. Pourtant, le traitement n’est pas obligatoire même si le patient croit à l’efficacité du remède ; mais il est plutôt autorisé comme l’affirme la majorité des savants et n’affecte pas la confiance que le fidèle doit avoir en son Seigneur conformément au Hadith rapporté par Abu ad-Darda’ : « Contre toute maladie, Allah a prédestiné le remède. Soignez-vous donc et évitez de faire usage d’un remède illicite ! » (Rapporté par Abu Da’oud dans ses Sunan).

Un nombre de savants chaféites estiment que l’usage d’un remède n’est pas obligatoire si son efficacité est incertaine sinon il sera obligatoire d’en faire usage. Dans son commentaire sur al-Minhaj (2/19 éd. Dar al-Fikr), ach-Chams ar-Ramli rapporte d’après al-Qadi ‘Ayad que les savants sont unanimes quant à la non-obligation du traitement jugée inefficace à la différence de l’obligation de manger de la bête morte pour se sauver ou de boire du vin (en absence de liquide licite) pour pouvoir avaler une bouchée bloquée dans la gorge. »

Dans son hachiat, Abu ad-Dyaa ach-Chabramalsi a commenté « Si son efficacité est incertaine. » en disant : « Si le remède s’avère efficace comme le pansement d’une saignée, il sera obligatoire d’en faire usage. »

Et par conséquent, attacher ou détacher du corps du malade les appareils de maintien en vie revêt en général le même statut du traitement auquel on peut renoncer. Si le médecin spécialiste constate l’inefficacité de l’usage de ces appareils surtout en cas de mort clinique, dans ce cas, il ne commet aucun péché s’il les détache du corps du malade. Si ces appareils sont utilisés pour aider le corps, animé de vie, à se débarrasser des liquides empêchant la respiration, ils ne doivent pas être détachés vu son efficacité potentielle. Cet avis va de pair avec celui des Chaféites.

Pourtant, le médecin n’a pas le droit de prendre seul la décision de détacher les appareils du maintien en vie ; mais plutôt le malade lui-même qui le décide par testament ou bien sa famille. Et par conséquent, la responsabilité du médecin en sera dégagée.

Il ne faut pas confondre le détachement de ces appareils avec l’euthanasie formellement interdite ; car cette dernière exige l’intervention médicale pour mettre fin à la vie du malade que ce soit par le médecin lui-même pris de pitié à son égard ou sur la demande du malade incapable de supporter la douleur atroce ou bien sur la demande des siens. L’interdiction de l’euthanasie s’explique par le fait que le malade est encore en vie et sa vie ne dépend pas des appareils médicaux ; donc, y porter atteinte est considéré comme homicide sans droit. Autrement dit, les appareils de maintien en vie servent de médicament qu’on a le choix de détacher ou de garder attaché au corps puisque la guérison peut se produire grâce au système immunitaire du corps sans avoir besoin d’un médicament et par la suite le malade est autorisé d’y renoncer à la différence de l’euthanasie qui aboutit à la mort certaine du malade.

Et par conséquent, il est religieusement permis de détacher les appareils du maintien en vie du corps du malade atteint d’une maladie incurable si leur usage s’avère inefficace, ce qu’on appelle « la mort clinique ». Mais cette opération ne serait effectuée qu’après les conseils du médecin ou en vertu d’un testament du malade ou bien après l’autorisation de sa famille. Par contre, il n’est pas religieusement permis de les détacher si leur usage avait pour but d’aspirer le liquide empêchant la respiration.
Et Allah Seul le sait par excellence.

 

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