At-Tabligh et son fondateur

Dar al-Iftaa d'Égypte

At-Tabligh et son fondateur

Question

Quel est votre avis à propos de la confrérie d’at-Tabligh جماعة التبليغ fondée par cheikh Mohamed Elias ? J’aimerais bien vous mettre au courant que ce cheikh a envoyé une lettre aux membres de sa Jama’a où il avait écrit :
    « Personne ne peut accomplir un travail en dehors de la Volonté divine, même les Prophètes. Il se peut, avec la Volonté divine, que les faibles comme vous puissent accomplir un travail que les Prophètes mêmes n’ont pu accomplir. Exécutez donc les ordres sans égard à votre faiblesse ! »

    Dans une autre lettre, il a dit :
    « A vous, génération de fin du temps, nous donnons une Bonne Annonce et une Promesse que la récompense qu’obtiendrait l’un de vous serait égale à celle accordée à 50 Compagnons. » 
    
    A-t-il commis, par là, une erreur au sujet de l’Infaillibilité des Prophètes en laissant penser qu’Allah avait envoyé des Messagers inaptes à transmettre Son Message ? Allah, le Très-Haut, n’a-t-Il pas dit :
    « Mais Dieu sait mieux que quiconque à qui confier Ses messages1 . »
    « Il choisit des messagers parmi les anges et parmi les hommes. Dieu est Audient et Clairvoyant2 . »

    Par contre, dire que les Messagers étaient inaptes à transmettre le Message divin ; mais ils étaient empêchés d’accomplir cette tache parce qu’Allah ne l’avait pas voulu, de telle parole dénote un manque attribué à la Volonté divine ! Cheikh Elias veut que sa Jama’a fasse ce que les Prophètes n’ont pas pu faire ! Ceci reflète également un dédain à l’égard des Prophètes et de la Volonté divine qui les a envoyés aux humains ! 
 
    Même dans sa deuxième lettre, cheikh Elias veut que sa Djama’a accomplisse ce que les Messagers n’ont pas pu accomplir, ce qui porte atteinte à leur dignité et va à l’encontre de ce que pensent les croyants.
Quel est alors votre avis ?

Réponse

    Il incombe à ceux qui cherchent le savoir de se mettre à l’abri des courants soi-disant religieux qui, sans droit, accusent les gens d’apostat, d’hérésie, de perversion et d’égarement et dont les idées font éruption parmi ceux qui se disent savants. C’est à ces chercheurs de prendre en considération les règles à respecter lors d’une divergence d’avis. En principe, la divergence avec leurs frères-contestataires ne doit pas les conduire à les accuser d’apostasie ; car agir de la sorte trahit, en effet, une qualité inhérente aux hypocrites comme l’indique le Prophète :
    « Quatre qualités révèlent le parfait hypocrite. Quiconque en possède une, garde en lui un brin d'hypocrisie, et ce, jusqu'à ce qu'il s'en soit débarrassé, à savoir le fait de trahir quand on lui fait confiance, de mentir quand il parle, de décevoir quiconque compte sur lui et de faire preuve de méchanceté lors des litiges3 . » 

    En effet, il y a une grande différence entre la divergence tolérée éclatée à propos des moyens qu’on doit adopter pour mieux prêcher dans le Sentier d’Allah et la divergence qui pourrait conduire le Musulman à guetter les erreurs de son adversaire pour le taxer en fin de compte de perversion, d’égarement et parfois d’apostasie (comportement assez répandu aujourd’hui chez certains courants religieux). Il est à noter que la première divergence est acceptable en raison de la diversité de la nature humaine. Quant à la deuxième, elle est défendue conformément à la Parole divine :
    « Ne vous disputez pas, sinon vous fléchirez et perdrez votre force4 ! »

    En outre, le Prophète a menacé celui qui accuse son frère d’apostasie :
    « Celui qui traite son frère musulman de pervers ou d’apostat verra retomber sur lui cette accusation si ce frère en est dépourvu5. »

    « Si un Musulman taxe son frère d’apostasie, l’un d’eux en sera entaché et l’autre blanchi6. » 

    En principe, les actes du fidèle ainsi que ses dires doivent être interprétés de manière à ce qu’on ne porte pas atteinte à sa religion. Il est interdit donc de le taxer de mécréance ou de polythéisme ; car son Islam suffit comme bon indice qui doit nous porter à interpréter tous ses actes de la façon qui ne s’oppose pas à la religion musulmane. C’est, en effet, une règle de base que tous les musulmans doivent respecter et appliquer. A cet effet, l’imam Malek, imam de Médine, dit :
    « Si les actes ou les dires d’un Musulman laissent deviner 99 aspects d’impiété un seul aspect de piété, il faut donc les interpréter tous de la façon conforme à la piété. »

    Le Musulman croit que Jésus ressuscite les morts avec la Permission d’Allah et qu’il est incapable de le faire lui-même en dehors de la Puissance divine. Contrairement, le Chrétien croit qu’il ressuscite les morts avec sa propre volonté. Jésus, selon lui, est Dieu ou le fils de Dieu ou l’un des piliers de la Trinité.

    A entendre donc un Musulman dire que Jésus ressuscite les morts comme le prétendent le Chrétien, son dire ne doit pas faire penser qu’il s’est converti au Christianisme. Il faut interpréter son dire d’une façon convenable s’adaptant avec la foi musulmane. De même, le Musulman croit, contrairement au polythéiste, que l’adoration est exclusivement destinée à Allah. Donc, si l’acte d’un Musulman va, apparemment, à l’encontre de cette croyance, il doit être compris d’une manière adéquate s’adaptant également avec la foi des Musulmans. Il est à noter que le doute ou la simple probabilité ne suffisent pas comme preuve pour taxer d’incroyance celui dont l’Islam est prouvé dès le début.

    Si cette règle s’applique, en fait, à la foule, qu’en est-il alors des fidèles d’élite qui, comme l’indiquent les témoignages, jouissent d’une fiabilité en matière de religion et qui ont déployé de pénibles efforts au service de la prédication islamique et exhorté, sans relâche, les Musulmans à se cramponner de nouveau à leur religion et à la Sunna de leur Prophète ?!

    Tout cela s’applique, en fait, au sujet du cheikh Elias. Son dire «Personne ne peut accomplir un travail en dehors de la Volonté divine, même les Prophètes» correspond parfaitement à la foi musulmane qui précise que rien, dans les royautés des cieux et de la terre, n’agit que selon la Volonté divine. Allah dit :

    « Cependant, vous ne saurez le vouloir qu’autant que Dieu le veuille. Dieu est Omniscient et Sage7 . »

    Quant à son dire «Il se peut, avec la Volonté divine, que les faibles comme vous puissent accomplir un travail que les Prophètes, eux-mêmes, n’ont pas pu accomplir. Exécutez donc les ordres sans égard à votre faiblesse !», il s’intègre dans le domaine de la capacité potentielle soumise à l’Omnipotence divine et non pas dans la réalité concrète. A supposer que cette réalité concrète ait lieu, cela ne veut pas dire forcément que son auteur est plus capable que les Prophètes ; car le privilège ne dénote pas forcément la préférence. Par exemple, le Jihad des Compagnons avec le Prophète Mohamad est un privilège dont tous les Prophètes précédents sont privés. Pourtant, ces Prophètes sont supérieurs aux Compagnons.

    Le Cheikh n’a pas dit que celui à qui la Volonté divine a permis de réaliser une tâche a l’avantage sur les Prophètes qui n’avaient pas cette permission.

    Comment alors interpréter la parole du cheikh d’une façon incorrecte qui ne s’accorde pas, en tout ou en partie, avec les significations des termes ! Comment alors imaginer que le contenu de sa lettre représente un dédain à l’égard des Messagers et sous-estime la Volonté divine sous prétexte qu’Elle avait envoyé des Messagers incapables de transmettre le Message divin, etc.… ?!!! Ces prétentions infondées _ rejetées par toute raison saine et opposées aux Textes bien établis _ sont refusées pour les raisons suivantes :

    1- Le cheikh n’a pas prétendu que l’acte non accompli par les Prophètes, faute de permission divine, est le même dont ils sont chargés pour en déduire que les Messagers ne sont pas compétents.

    2 - A supposer que l’acte non accompli, faute de permission divine, par les Messagers soit le même confié à eux, ceci ne doit pas faire penser que la Volonté divine est faillible et que les Messagers ne sont pas dignes de porter le Message divin. Il y a, certes, une différence entre la Volonté fatale الإرادة الكونية et l’injonction divine الإرادة الشرعية. En effet, Allah ordonne parfois d’accomplir un acte sans vouloir _ pour une sagesse cachée à notre connaissance _ qu’il ait lieu. Il avait ordonné, par exemple, à Adam de ne pas manger de l’Arbre Maudit et pourtant il en a mangé. De même, Il a enjoint à Ibrahim d’égorger son fils mais Il n’a pas voulu qu’il le fasse. Dire que la volonté fatale et l’injonction divine sont la même chose est l’avis des Mutazilites, avis qui va, indubitablement, à l’encontre du Coran, de la Sunna et du consensus de nos pieux prédécesseurs.

    3 - Allah n’est pas obligé de faire quoi que ce soit ; Il fait ce qu’Il veut et juge sans être contesté. Il n’appartient à quiconque de juger les actes divins au sujet de Ses serviteurs. L’acte non accompli par les Prophètes ne doit pas être jugé impossible aux autres de l’accomplir si Allah le veut. En plus, sa réalisation ne représente pas une impossibilité inconcevable du point de vue de la raison et de la Chari’a.

    4 - Prétendre que les Messagers ne sont pas dignes de porter la Parole Divine sous prétexte qu’ils n’ont pas accompli un acte confié à eux trahit, en fait, une impolitesse à leur égard. Les savants versés dans la science religieuse ont indiqué que les Messagers, en abandonnant un acte, ne commettent pas un péché. L’acte non accompli, justifient-ils, peut aller au-delà de leur capacité ou bien avoir un caractère non obligatoire.

    Quant au dire du cheikh Elias « A vous, générations futures, nous donnons une Bonne Annonce et une Promesse que la récompense qu’obtiendrait l’un d’eux serait égale à celle accordée à 50 Compagnons», il est conforme au Hadith authentique rapporté par Abi Omaya ach-Ch’bani qui dit :
    « Je suis venu dire à Abu Tha’laba al-Khochani : « Que dis-tu de ce verset ? », « De quel verset parles-tu ? », interrogea-t-il. « Ô Croyants ! Vous êtes responsables de vous-mêmes ! Celui qui s’égare ne vous nuira point si vous avez pris la bonne voie8 . », « Par mon Seigneur ! Tu t’es adressé alors à celui qui connaît parfaitement la réponse ! Un jour, j’ai interrogé le Prophète à propos de ce verset et il m’a répondu : « Vous devez ordonner le convenable et éviter le blâmable jusqu’au jour où l’avarice fait la loi, les passions seront suivies, les délices de la vie terrestre prendront le dessus et l’opiniâtreté sera poussée à l’extrême. A ce temps-là, chacun d’entre vous devra s’attacher à sa foi indépendamment de la communauté. Les générations à venir verront un temps où préserver patiemment sa foi sera aussi cuisant qu’une braise tenue fermement par la main. La récompense accordée au fidèle, au cours de ces jours, sera égale à celle accordée à 50 hommes effectuant le même travail que vous faites. », « 50 hommes parmi nous ou parmi eux ? », Demandèrent les Compagnons. « 50 hommes parmi vous9 . », affirma le Prophète.

    Comment juger donc que les propos du Cheikh représentent un dédain à l’égard des Messagers et qu’ils vont à l’encontre de la foi des Musulmans alors qu’ils correspondent parfaitement à ceux du Prophète ?!

    Voyons jusqu’à quel point la divergence maladive peut emmener le fidèle à dénier inconsciemment la parole du Prophète !

    Sans doute, l’augmentation de la récompense ne laisse pas forcément entendre la préférence absolue. La Compagnie du Prophète est en soi une vertu inégalée. Il est à noter également que la préférence en matière de récompenses accordées est appliquée seulement, comme l’estiment les Ulémas, à l’égalité dans l’accomplissement des actes.

    La Compagnie du Prophète est un privilège qui n’a pas de semblable ; et comme nous l’avons déjà noté, le privilège ne dénote pas la préférence. Il incombe alors aux Musulmans de craindre Allah en se comportant avec leurs frères. La divergence d’avis ne doit pas les pousser à accuser leurs frères d’apostasie, de perversion et de rébellion.

    Il n’est pas permis donc au fidèle d’être à l’affût des faux pas de ses frères et de guetter leurs mégardes, ce qui emmène à se battre hors du champ de bataille, à diviser les rangs, à éparpiller les efforts et à négliger la reconstruction de notre communauté et la consolidation de notre union.

    Abdoullah Ibn Omar rapporta que le Prophète monta la tribune et s’écria : « O ceux qui se disent musulmans par la langue et non pas par le cœur ! Ne faites pas du tort aux Musulmans ! »





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1- Coran, al-An’aam, 124.
2- Coran, al-Hajj, 75.
3- Rapporté par al-Boukhari et Musleim d’après Abdellah Ibn Omar.
4- Coran, al-Anfal, 46.
5- Rapporté par al-Boukhari d’après Abou Zar.
6- Rapporté par Muslim d’après Abdellah Ibn Omar.
7- Coran, al-Insane, 30.
8- Coran, al-Ma’ida, 105.
9- Rapporté par Abu Da’oud et at-Termizi et jugé bon par Ibn Maja et authentique par Ibn Habban.

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