Les convenances du retour du pèlerinage
Question
Quelle conduite convient-il d’adopter au retour du pèlerinage pour préserver ses fruits spirituels ?
Réponse
Le pèlerinage à la Maison sacrée d’Allah est une grâce divine décisive dans la vie du musulman. En effet, lorsque l’homme accomplit son pèlerinage sans se livrer à des propos obscènes ni à la perversité, il revient de ses péchés dans son pays comme au jour où sa mère l’a enfanté. D’après Abou Hourayrah (qu’Allah l’agrée), il a dit : « J’ai entendu le Prophète ﷺ dire : “Celui qui accomplit le pèlerinage pour Allah sans avoir de rapports intimes ni commettre de perversité, reviendra (débarrassé) de ses péchés comme au jour où sa mère l’a mis au monde.” »
(Hadith rapporté par Al-Boukhârî et Mouslim)
Et dans une autre version : « Il sort de ses péchés comme au jour où sa mère l’a mis au monde. » (Rapporté par Isḥâq ibn Râhawayh dans son Musnad)
Les gens regardent avec respect, vénération et estime celui à qui Allah a accordé la grâce d’accomplir ce devoir sacré, en raison de la proximité de son retour de la Maison sacrée d’Allah, et de la place éminente que le pèlerinage occupe dans leurs cœurs.
C’est pourquoi le pèlerin doit être à la hauteur de ce rang, et ses mœurs doivent s’améliorer, son comportement se rectifier.
Il a été rapporté que parmi les signes d’un pèlerinage accepté (ḥajj mabroûr), figure le fait que la personne soit meilleure après son pèlerinage qu’elle ne l’était avant. Cela a été mentionné par l’Imâm al-Mâwardî dans al-Ḥâwî al-Kabîr (vol. 4, p. 199, éd. Dâr al-Kutub al-‘Ilmiyya).
Le pèlerin doit également s’attacher à Allah, Exalté soit-Il, et rechercher la demeure de l’au-delà en persévérant dans les bonnes œuvres.
On demanda à al-Ḥasan al-Baṣrî : « Qu’est-ce qu’un pèlerinage accepté (ḥajj mabroûr) ? » Il répondit : « C’est que tu reviennes détaché de ce bas-monde, désireux de l’au-delà. » Rapporté par al-Shajarî dans Tartīb al-Amālī.
Le pèlerin doit ainsi montrer à Allah le meilleur de lui-même, afin que se manifestent sur lui les lumières du pèlerinage, qu’Allah lui a accordées, aussi bien dans son rapport avec son Créateur – glorifié soit-Il – que dans sa relation avec les gens.
Cela fait partie des choses qu’Allah aime, car le Prophète ﷺ a dit : « Certes, Allah aime voir les effets de Ses bienfaits sur Son serviteur. » Hadith rapporté par al-Tirmidhî, Aḥmad, et al-Bukhârî dans al-Tārīkh al-Kabīr.
Les convenances du retour du pèlerinage
Il existe un certain nombre de convenances qu’il convient à celui qui a accompli le pèlerinage à la Maison sacrée de respecter. Ces convenances sont tirées de la guidée du Prophète ﷺ. En les observant, la récompense du pèlerin s’en trouve accrue, et la bénédiction du pèlerinage se manifeste après son retour. Parmi ces convenances :
– Se hâter de retourner auprès de sa famille et dans son pays :
D’après la Mère des croyants, ʿĀʾishah (qu’Allah l’agrée), le Messager d’Allah ﷺ a dit :
« Lorsque l’un d’entre vous a accompli son pèlerinage, qu’il se hâte de retourner vers sa famille, car cela est meilleur pour sa récompense. » (Rapporté par al-Dâraqutnî, al-Bayhaqî et al-Ḥâkim)
– Réciter l’invocation du voyage (duʿāʾ as-safar) au moment de monter (en véhicule) :
« Allâhu Akbar, Allâhu Akbar, Allâhu Akbar. »
﴾Gloire à Celui qui a mis cela à notre service, alors que nous n’étions pas capables de le dominer, et c’est vers notre Seigneur que nous retournerons﴿ [Sourate Az-Zukhruf, v.13-14]
Ô Allah ! Nous Te demandons dans ce voyage la piété et la crainte (de Toi), et des actes qui Te satisfont. Ô Allah ! Facilite-nous ce voyage et raccourcis-nous-en la distance. Ô Allah ! Tu es le Compagnon dans le voyage et le Remplaçant (Protecteur) auprès de la famille. Ô Allah ! Je me réfugie auprès de Toi contre la difficulté du voyage, la tristesse de ce que l’on voit, et le mauvais retour dans les biens et la famille. »*
Et lorsqu’il revenait de voyage, il ajoutait :
« Āʾibūn, tāʾibūn, ʿābidūn, li-Rabbinā ḥāmidūn (Nous revenons repentants, adorateurs, louant notre Seigneur). » (Rapporté par Muslim)
– Invoquer Allah par la prière légiférée à ce sujet dans la Sunna :
Selon ʿAbd Allāh ibn ʿUmar (qu’Allah l’agrée, lui et son père), le Messager d’Allah ﷺ, lorsqu’il revenait d’une expédition, d’un pèlerinage ou d’une ʿumra, prononçait le takbīr (Allāhu Akbar) trois fois sur chaque hauteur du terrain, puis disait :
« Lā ilāha illa Allāh, waḥdahu lā sharīka lah, lahu al-mulku wa lahu al-ḥamdu, wa huwa ʿalā kulli shay’in qadīr,
Āʾibūn, tāʾibūn, ʿābidūn, sājidūn, li-Rabbinā ḥāmidūn,
ṣadaqa Allāhu waʿdah, wa naṣara ʿabdah, wa hazama al-aḥzāba waḥdah. »
« Il n’y a de divinité qu’Allah, Seul sans associé. À Lui la royauté et à Lui la louange, et Il est capable de toute chose.
Nous revenons repentants, adorateurs, prosternés, louant notre Seigneur.
Allah a tenu Sa promesse, a secouru Son serviteur, et a vaincu les coalisés Seul. » (Hadith authentique, rapporté par Al-Boukhârî et Muslim)
Cela vise à magnifier Allah, persévérer dans Son invocation, et exalter Sa Parole. Le Prophète ﷺ réservait cela aux hauteurs (éminences du terrain), car c’est à partir de là qu’il apercevait les contrées visibles, et il lui plaisait de commencer par glorifier Allah dès qu’il revoyait la terre que Dieu lui avait conquise.
En effet, il est recommandé de proclamer les invocations légiférées en hauteur, comme dans l’appel à la prière (adhān) ou la talbiya (لبيك اللهم لبيك), car cela permet de rendre le dhikr manifeste. À l’inverse, le faire dans un lieu bas a un caractère plus discret. C’est ce qu’a expliqué l’Imâm al-Bājī dans al-Muntaqā (3/77, éd. Maṭbaʿat as-Saʿāda).
– Informer sa famille de l’heure de son retour :
L’Imâm an-Nawawî a dit dans al-Īḍāḥ fī Manāsik al-Ḥajj wa al-ʿUmra (p. 514, éd. Dār al-Bashāʾir al-Islāmiyya) :
« Il est recommandé, lorsqu’on approche de son pays, d’envoyer quelqu’un en avant pour prévenir sa famille, afin de ne pas arriver chez eux à l’improviste. C’est cela la Sunna. »
[Fin de citation] Et il est évident que le moyen d'informer varie selon les époques (téléphone, message, etc.).
– Prononcer les invocations recommandées lorsqu’on aperçoit sa ville ou son pays :
Lorsque le voyageur aperçoit sa ville, il est bon qu’il dise :
« Ô Allah, je Te demande le bien de cette cité, le bien de ses habitants, et le bien qu’elle renferme. »
Et il est recommandé qu’il dise également :
« Ô Allah, accorde-nous d’y trouver stabilité et subsistance agréable. Ô Allah, accorde-nous les bienfaits de ses fruits,
Protège-nous de ses maux, Fais que nous soyons aimés de ses habitants, et fais que les pieux parmi ses habitants nous aiment. »
Comme le rapporte l’Imâm an-Nawawî dans al-Īḍāḥ (p. 514).
– Réunir les gens autour d’un repas (appelé « Naqīʿa »)
Il est recommandé au pèlerin, comme à tout voyageur de retour, d’organiser un repas à son arrivée. Cette pratique est appelée naqīʿa (النَّقِيعَة), et consiste à inviter les gens à manger à l'occasion de son retour de voyage, que ce soit du ḥajj ou d’un autre déplacement.
Cette coutume est approuvée par la Sharīʿa et trouve son origine dans la Sunna prophétique.
En effet, d’après Jābir ibn ʿAbd Allāh (qu’Allah l’agrée, lui et son père) :
« Lorsque le Messager d’Allah ﷺ arriva à Médine, il fit sacrifier un chameau ou une vache. »
(Rapporté par al-Boukhârî, qui a titré ce chapitre : « Le repas au retour de voyage »).
Ce hadith établit donc la recommandation de l’hospitalité et de l’invitation à manger au retour du voyage, ce qui était une pratique bien connue des pieux prédécesseurs (salaf).
Comme le rapporte l’Imâm Ibn Baṭṭāl dans Sharḥ Ṣaḥīḥ al-Boukhārī (5/243, éd. Maktabat al-Rushd).
L’Imâm Badr al-Dīn al-ʿAynī précise dans ʿUmdat al-Qārī (15/16, éd. Dār Iḥyāʾ al-Turāth) :
« Ce repas s'appelle al-naqīʿa (avec un nūn fatha et un qāf kasra), mot dérivé de al-naqaʿ qui signifie ‘poussière soulevée’, car le voyageur revient généralement couvert de poussière. »
Et le savant al-Mullā ʿAlī al-Qārī mentionne dans Mirqāt al-Mafātīḥ (6/2516, éd. Dār al-Fikr), à propos du même hadith :
« Il est une Sunna pour celui qui revient de voyage d’offrir un repas selon ses moyens. » Cité par al-Ṭībī. Et Ibn al-Malak ajoute : « L’hospitalité est une Sunna après le retour. »
– Offrir des cadeaux et des souvenirs
Il est aussi recommandé de ramener des présents à ses proches, en particulier des objets liés à la Terre Sainte et aux pratiques religieuses :
– vêtements (ex. : habits traditionnels).
– siwāk (bâtonnet d’hygiène dentaire).
– chapelet (masbaḥa).
– parfum.
– tapis de prière, etc.
Ces gestes ont pour effet de ravir le cœur des proches, et d’éveiller en eux le désir de visiter à leur tour la Maison Sacrée d’Allah.
En résumé, il convient au pèlerin de retour du ḥajj de se parer de tous les bons comportements qui s’accordent avec l’accomplissement de ce noble rite, afin de préserver les bénédictions qui l’ont enveloppé tout au long des rites, des lieux sacrés et du souvenir d’Allah.
En conséquence, et pour répondre à la question posée :
Les convenances à observer pour le pèlerin de retour du ḥajj sont nombreuses. Parmi les plus importantes figurent :
- Se hâter de rejoindre sa famille,
- Formuler les invocations prescrites,
- Organiser le repas de retour (naqīʿa),
- Informer ses proches de la date de son arrivée,
- S’éloigner des péchés et des transgressions,
- Persévérer dans l’aspiration à l’au-delà, afin de préserver la pureté spirituelle avec laquelle il est revenu du pèlerinage, et que son état après le ḥajj soit meilleur qu’avant.
Et Allah Sait mieux.