Féconder les juments

Dar al-Iftaa d'Égypte

Féconder les juments

Question

Je suis éleveur de chevaux d'origine arabe. Pour féconder les juments, je dois payer une somme d'argent soit au propriétaire de chevaux mâles de race arabe pure élevés dans des fermes privées, soit au Comité Agricole dépendant du Ministère de l'Agriculture qui est responsable de l'élevage de chevaux d'origine arabe en Egypte. Sachant que moi, personnellement, j'assume toutes les dépenses nécessaires pour bien élever cette race de chevaux ; à savoir les frais des soins particuliers, de la nutrition et du traitement. Il est fort possible que, dans un futur proche, j'aurais moi-même des chevaux fécondateurs. Il est à noter que le choix des chevaux arabes de race pure est, normalement, soumis à des règles internationales bien déterminées en vue de sauvegarder leur race. Ceci m'oblige à entrer en contact direct soit avec ce Comité Agricole, soit avec les propriétaires des fermes privées dont chacun me dicte la somme qu'il veut. La question est là : quel est l'avis religieux concernant la somme d'argent que je verse ou reçois contre ce service (la fécondation) ?

Réponse

    En fait, il n'y point de divergence entre les jurisconsultes sur le fait de prêter son cheval pour féconder les juments. Si on donne, de bon gré et sans accord préalable, au propriétaire du cheval mâle une somme d'argent, ce dernier peut l'accepter conformément au Hadith rapporté et jugé bon par Anas :
    Un homme de la tribu Kilab est venu interroger le Prophète à propos du gain résultant du saut du cheval mâle sur les juments. Il lui a défendu de le faire. A ce moment, l'homme lui a dit : O Messager d'Allah ! Nous avons l'habitude de prêter le cheval mâle à autrui pour féconder les femelles. Celui-ci nous donne, de bon gré, une somme d'argent. Alors-là, le Prophète lui a autorisé d'accepter cette somme ainsi versée. 

    Dans la Sunna, la vente et le louage de ‘Assab (saut du cheval sur les juments) sont interdits.

    Les Ulémas ne sont pas tous d'accord sur la désignation du terme (assabe). Si certains le définissent comme étant le prix d'accouplement accompli par le cheval, d'autres l'estiment comme étant le prix de son liquide spermatique. En effet, la majorité des jurisconsultes interprètent la défense, dans le hadith, par l'interdiction. C'est pourquoi, ils ont jugé interdit la vente ou le louage d'Al-assab ; à cause de l'impossibilité de son estimation, de sa livraison, et de la détermination de sa quantité.

    Pour les Hanbalites, ils ont autorisé au propriétaire des juments, qui se trouve obligé de payer ce service, de verser une compensation au propriétaire du cheval fécondateur ; car le payement en vue d'obtenir une utilité dont on a besoin est permis. Dans ce cas, le péché ne retombera que sur celui qui reçoit cette somme comme l'estime Ata'a.

    De leur côté, les Malikites, les Chaféites (dans l'avis le plus authentique), Abi Khatab, Abi Al-Waf'a Ben Okeil de l'école hanbalite, Hassan al-Bassri et Ibn Sirine estiment que le louage du cheval pour féconder les juments pour un temps déterminé ou pour un nombre déterminé d'accouplement est permis ; car il s'agit d'un payement en vue d'obtenir une utilité dont on a besoin par analogie avec le louage d'une nourrice. D'après eux, l'interdiction est restreinte au cas où la période du louage est indéterminée, comme, par exemple, jusqu'à la fécondation. 

    Dans son Mogny, Ibn Qodama, le hanbalite dit :
    « On a rapporté que Maleik l'avait permis. Quant à Ibn Okeil, il a dit : « Il me semble qu'il est permis ; car il s'agit d'un contrat basé sur les profits tirés du cheval y compris l'accouplement. Celui-ci est une utilité recherchée du même titre que l'utilité tirée du contrat de louage d'une nourrice. L'accouplement du cheval n'est pas visé en soi ; mais c'est le sperme fécondateur qui en résulte tout comme le lait extrait des seins d'une nourrice louée1. »

    A titre de conclusion de l'avis de la majorité, Ibn Qodama a ajouté :
    « Sur ce, il est interdit de verser une somme d'argent en contrepartie de la fécondation. Si le propriétaire des juments se trouve obligé de la payer au maître du cheval reproducteur, ce dernier, comme nous l'avons déjà souligné, commettra ainsi un péché en l'acceptant et le premier n'en sera pas religieusement blâmé ; car le payement en vue d'obtenir une utilité dont on a besoin est permis. Cela s'applique au gain résultant de la pratique de la signée et des œuvres du drainage ainsi que de la vente du volume renfermant le Coran dont l'achat est permis par les Compagnons. »

     Dans Bidayat al-Mojtahid, Ibn Rochd, le Malékite, dit :
    « Quant au louage des mâles de chameaux, de vaches, de cheptel, Malek l'autorise au propriétaire, à condition de déterminer le nombre de fois d'accouplement. Par contre, Abou Hanifa et ach-Chafe'i ne l'autorisent pas en s'appuyant sur l'interdiction du louage du sperme du mâle dans le hadith précité, alors que ceux qui l'autorisent estiment qu'il s'agit d'un contrat d'utilité. »

    Dans Fath al-Bary, al-Hafez Ibn Hajar, le Chaféite, dit :
    « Dans un certain avis des Chaféites et des Hanbalites, le louage est permis pour une durée déterminée. Al-Hassan, Ibn Sirine et Malek (dans une version fortifiée par al-Abhary et d'autres) partagent le même avis. D'après eux, l'interdiction porte uniquement sur la durée indéterminée. Mais, il n'y aura pas d'inconvénient si le louage était pour une période définie comme c'est le cas pour le louage du palmier mâle pour féconder le palmier femelle. »

    En l'espèce, rien n'empêche de donner ou de prendre en location les chevaux mâles pour féconder les juments conformément à l'avis des Ulémas l'autorisant aux deux propriétaires respectifs par pitié aux gens en vue de faciliter leur vie et satisfaire leurs besoins dans la mesure où la charia est, essentiellement, sur la levée des gênes, à condition que le louage soit pour une durée déterminée ou pour un nombre de fois déterminé.




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1- Ibn Qodama, al-Moghni, vol. 6, p. 302.

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