Actes criminels d’explosion au Paki...

Dar al-Iftaa d'Égypte

Actes criminels d’explosion au Pakistan

Question

Louange à Allah et la bénédiction et le salut soient sur le Prophète Mohamad ainsi que sur ses Compagnons et ceux qui suivent son chemin, et ce, jusqu’au Jour du Jugement Dernier.

Nous étions témoins, à travers les médias, des actes d’explosion produits 25/12/2010 au Pakistan dans le centre de distribution d’aides humanitaires fréquenté par des citoyens pauvres et des sans-abri. Il est à noter que l’explosion de ce centre qui dépend du Programme Mondial de nutrition au Pakistan visait des citoyens innocents et dont le bilan fâcheux a atteint 40 morts et 70 blessés au moins. Que dit la religion de ces actes criminels ?

Réponse

Les actes d’explosion récemment produits se divisent en deux : ceux commis dans des pays non-musulmans tels que ceux de Londres et de Madrid et ceux commis dans des pays musulmans tels que ceux perpétrés au Pakistan, en Arabie Saoudite, en Egypte. Sans doute, ces deux catégories sont formellement interdites par la Chari’a.

Les actes d’explosion commis dans les pays musulmans sont formellement interdits pour les raisons suivantes :

Infraction aux Textes religieux :

En effet, les actes d’explosion commis dans les pays musulmans enfreignent les textes religieux de certaines façons, à titre d’exemple, tuer des Musulmans innocents dont la vie a un caractère inviolable. De son côté, la Chari’a a donné au sang du Musulman un caractère sacré et menacé fermement quiconque le fait couler sans droit ou y porte atteinte. A cet égard, Allah, le Très-Haut, dit :

« Quiconque donne la mort intentionnellement à un croyant aura pour rétribution la Géhenne, où il demeurera éternellement, exposé à la colère et à la malédiction du Seigneur, et sera voué à d’immenses tourments[1]. »     
  
« Voilà pourquoi Nous avons édicté cette loi aux fils d’Israël : « Quiconque tue une personne non coupable d’un meurtre ou d’une sédition sur Terre est considéré comme le meurtrier de l’humanité tout entière[2]. »
 
Dans ses Sunan, an-Nissaï rapporte d’après ‘Abdullah Ibn ‘Omar que le Prophète aurait dit :
« Le meurtre d’un Musulman est, aux Yeux d’Allah, plus grave que la disparition du monde d’ici-bas. »  
 
Ibn Maja rapporte d’après Ibn ‘Omar qui dit :
« J’ai vu le Prophète tourner autour de la Ka’ba en disant (en s’adressant à elle) : Quelle bonne Demeure ! Quelle belle odeur ! Quelle grandiose et sacrée cette Maison ! Par Celui qui tient mon âme entre Ses Mains, le sang et les biens d’un seul croyant ainsi que la confiance en lui sont, auprès d’Allah, plus sacrés que toi, Maison sacrée. »
 
En outre, ces actes criminels visent à porter atteinte à la vie de certains étrangers qui se trouvent dans les pays musulmans, ce qui trahit, par la suite, une perfidie et une violation du pacte conclu avec eux. Le non-Musulman qui entre, par une voie légale, dans les pays musulmans acquiert nécessairement le statut du protégé ; donc, les Musulmans sont obligatoirement tenus de protéger son sang, ses biens et son honneur. Remarquons également que le pacte de sécurité conclu avec le non-Musulman est un contrat ou bien un engagement qu’il faut respecter. Donc, porter atteinte à la vie, aux biens ou à l’honneur d’un protégé n’est, en fait, qu’une violation de ce contrat ou de cet engagement, acte formellement interdit par les textes religieux :
« Ô croyants ! Respectez vos engagements ![3] »
 
« Quatre qualités révèlent le parfait hypocrite. Quiconque en possède une, garde en lui, une part d’hypocrisie, et ce, jusqu’à ce qu’il s’en soit débarrassé, à savoir : le fait de trahir quand on lui fait confiance, de mentir quand on lui parle, de décevoir quiconque compte sur lui et de faire preuve de méchanceté lors des litiges[4]. »
 
« Si un Musulman tue quelqu’un après lui avoir assuré la protection, il sera scandalisé, le Jour Dernier, pour sa perfidie[5]. » 
 
« Si un Musulman tue quelqu’un, quoique mécréant, après lui avoir assuré la protection, il sera privé de mon intercession[6]. »
 
« Les Musulmans sont tenus de respecter le pacte conclu même par le plus modeste parmi eux. Alors, quiconque viole ce pacte, attire sur lui la malédiction d’Allah, des Anges et des gens entiers et tous ses actes d’obéissance ne seront pas agréés[7]. »  
 
 Tuer des innocents :
Sans doute, ces actes d’explosion peuvent causer la mort des innocents. A cet égard, le Prophète dit :
« Le vrai croyant ne poignarde pas au dos ; car la foi enchaîne la traîtrise[8]. »
 
Commentant ce Hadith, Ibn al-Athir dit dans an-Nihaya :
    « Le Hadith interdit de porter la main sur un être humain et de l’assommer à l’improviste. »
 
Le Hadith compare la foi qui empêche la perfidie à la chaîne qui accable le mouvement.
Il est à noter que le Hadith a été rapporté sous une forme déclarative impliquant l’interdiction pour cause de perfidie ou de tromperie.
Les premiers Musulmans se paraient de ces nobles caractères, c’est pourquoi, ils ont donné au monde un très bon exemple à suivre. 
Un jour, Khobayb al-Ansari tomba en captivité des Païens qui le vendirent à la Mecque à la famille d’al-Hareth Ibn ‘Amer Ibn Nawfal Ibn ‘Abd Manaf. Or, cette famille cherchait à se venger de lui pour avoir tué al-Hareth lors de la bataille de Badr. Prisonnier chez cette famille, le captif demanda à la fille d’al-Hareth un rasoir pour se raser et elle la lui donna. A ce moment-là, Khobayb prit un des enfants de cette dame et le plaça sur ses genoux tout en tenant à la main le rasoir, cette scène consterna la mère du petit. La voyant dans cet état, Khobayb lui dit : « Crains-tu que je le tue ? Rassure-toi, ce n’est pas mon caractère. ». Se souvenant de cette histoire-là, la fille d’al-Hareth dit : « Je n’ai jamais rencontré un captif aussi noble que Khobayb. Je vous le jure. »
  Tel est le récit d’un captif musulman qui était sur le point d’être tué par les mains de ses ennemis et qui refusa pourtant d’affliger leurs cœurs par le meurtre de leur fils. Il se comportait en tant que véritable Musulman de nobles caractères.
Dérogation aux objectifs principaux de la Chari’a :
En effet, la Chari’a ainsi que toutes les religions ordonnent l’observation de cinq éléments d’importance majeure : la foi, l’âme, la raison, l’honneur, et les biens, c’est ce qu’on appelle, en fait, les cinq objectifs principaux de la Chari’a. Alors,il est bien évident que les actes d’explosion portent atteinte à certains de ces objectifs dont celui de protéger l’âme humaine. Si la victime est le suicidaire qui a exécuté ces actes d’explosion en portant une ceinture d’explosifs ou quelque chose de semblable, il est nécessairement impliqué dans le sens général de ce Hadith :
« Celui qui se tue par un objet, en sera torturé le Jour Dernier[9]. »    
Le Prophète a également dit :
« Quiconque se suicide avec un morceau de fer le tiendra, le Jour Dernier, dans sa main et s’assènera perpétuellement des coups dans le ventre en Enfer. Quiconque se suicide avec un poison gardera ce poison à la main pour l’ingurgiter éternellement en Enfer. Quiconque se précipite du haut d’une montagne et se tue sera jeté éternellement en Enfer. »
Dans son commentaire sur Sahih Muslim, l’imam an-Nawawi a donné comme titre à ce Hadith : « Chapitre de l’interdiction formelle du suicide et de la menace de se torturer en Enfer par l’objet par lequel on s’est suicidé. »
    Mais si la victime est une autre que le suicidaire : il faut distinguer entre deux cas :
_ S’il s’agit d’un Musulman, il faut reconnaître que le meurtre intentionnel d’un Musulman est un péché majeur classé en importance après le Polythéisme et que le repentir du tueur, dans ce cas, fait l’objet de divergence entre les Compagnons et les pieux prédécesseurs.
_ S’il s’agit d’un non-Musulman, il faut remarquer qu’il s’agit d’un protégé s’il existe dans nos pays et d’un citoyen innocent s’il se trouve chez lui. En tous cas, il faut protéger la vie de ces non-Musulmans et la mettre à l’abri de toute agression.
En outre, ces actes d’explosion portent atteinte à un autre objectif de la Chari’a, à savoir la conservation des biens. Il est bien évident que les actes d’explosion provoquent la perte des biens et des propriétés publiques et privées ainsi que la démolition des bâtiments, ce qui est formellement interdit par la Chari’a. Il est à noter également que l’interdiction de ces actes odieux sera plus grave encore si les biens abîmés n’appartiennent pas au criminel (comme c’est le cas ici). Donc, l’interdiction a pour cause la dérogation aux objectifs de la Chari’a et l’atteinte aux droits d’autrui.
Vices et préjudices :
 
En effet, la Chari’a est essentiellement basée sur la réalisation de l’intérêt et l’élimination des préjudices. A cet égard, il faut souligner que les préjudices de ces actes terroristes dont souffrent les Musulmans dans tous les coins du monde sont tellement manifestes. Ces actes criminels peuvent servir de justification aux ennemis pour s’ingérer dans les affaires intérieures et extérieures des pays musulmans, s’imposer à leur volonté et spolier leurs richesses et ressources, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, de protéger les intérêts économiques, de libérer les peuples (persécutés), etc. Alors, quiconque aide ces ennemis par la perpétration de tels actes irresponsables expose indubitablement les Musulmans et les Etats musulmans aux dangers, ternit leur image devant le monde et pousse les ennemis à s’imposer à leur volonté. Et c’est là le crime le plus odieux.
 
On peut citer parmi les préjudices majeurs de ces actes abjects le fait de fortifier, dans l’imagination des non-Musulmans, les accusations infondées et les rumeurs mensongères circulées par les ennemis de l’Islam selon lesquelles la religion musulmane est une religion barbare et sanguinaire qui vise à humilier les peuples et répandre la corruption sur terre. Donc, agir de la sorte ne fait que détourner les gens de leur Seigneur et de Sa religion.
 
De plus, ces actes terroristes ont des répercussions très néfastes sur les Musulmans qui vivent dans certains pays étrangers et les exposent à la persécution et à la violence de la part des fanatiques (étant en grand nombre). Ainsi, les Musulmans seront lésés en leurs personnes, leurs fortunes et leur honneur. Pire encore, il peut arriver que certains d’entre eux soient contraints de cacher, par peur, son identité religieuse ou de ne pas pratiquer certains rites et devoirs religieux. Tout cela peut avoir lieu à cause des quelques actes ignobles et irresponsables commis par quelques idiots pensant, en agissant de la sorte, qu’ils réalisent l’intérêt de l’Islam, alors qu’ils sont, en vérité, de vrais partisans de Satan.
 
Les Ulémas ont indiqué qu’en cas d’opposition entre intérêts et préjudices, il faut donner la priorité à l’élimination des préjudices. En effet, cette règle établie par nos Ulémas porte sur les intérêts effectifs, qu’en est-il alors des intérêts irréelles ou illusoires ?!
 
Quant à la prétention de ces idiots selon laquelle ces actes d’explosion sont introduits dans le Djihad ou les razzias contre l’ennemi, elle est infondée et ignorante. En Islam, le Djihad ne doit être déclenché que par l’accord du chef de la communauté et sous un étendard unique, sinon, l’anarchie et l’effusion terrible du sang au nom du Djihad domineront tout. Remarquons, à cet effet, que le Djihad est établi pour réaliser deux motifs :
(1)    Défendre les Musulmans :
   « Combattez dans la Voie de Dieu ceux qui vous combattent, sans jamais outrepasser les limites permises, car Dieu n’aime pas ceux qui les transgressent[10]. »
(2)    Défendre la liberté de croyance : croire en Islam ou rester fidèle aux autres croyances :
En effet, c’est un motif pour lequel nous sommes ordonnés de combattre pour accorder aux gens la pleine liberté de choisir leur religion :
« Combattez-les sans répit jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de subversion et que le culte soit rendu uniquement à Dieu. S’ils cessent le combat, ne poursuivez les hostilités que contre les injustes récalcitrants[11]. »
Il est clair donc que le Djihad, à la lumière de ces deux motifs, ne doit être mené que contre un ennemi agresseur. En outre, il faut indiquer que le fait de commettre le meurtre, de provoquer la perte des propriétés et des biens et de répandre la consternation au sein de la société musulmane (comme c’est le cas ici) s’applique à ce qu’appellent les Fouqaha Hiraba (banditisme).  En effet, le Hiraba est un crime dont la sanction est plus sévère que celle appliquée au meurtrier, au voleur et au fornicateur ; puisqu’il s’agit d’un crime bien organisé contre la société toute entière. A ce sujet, Allah, le Très-Haut, dit :
« La seule récompense de ceux qui font la guerre à Dieu et à Son Prophète, et qui provoquent le désordre sur la Terre, est qu’ils soient mis à mort, crucifiés ou amputés d’une main et d’un pied par ordre croisé, ou qu’ils soient expulsés du pays. Ce sera une dégradation pour eux, dans ce monde, en plus du terrible châtiment qui les attend dans la vie future[12]. »   
 
     Quant aux actes d’explosion perpétrés dans certains pays occidentaux, ils sont formellement interdits ; même si on est en guerre avec eux. De plus, ces actes terroristes commis dans ces pays acquièrent le même statut que ceux commis dans les pays musulmans pour les mêmes raisons mentionnées plus haut : dérogation aux Textes religieux et aux objectifs de la Chari’a, provocation des préjudices, etc. Même dans le champ de bataille, il est interdit de tuer les femmes, les enfants, les vieillards et les servants non combattants. A cet égard, Allah, le Très-Haut, dit :
« Combattez dans la Voie de Dieu ceux qui vous combattent, sans jamais outrepasser les limites permises, car Dieu n’aime pas ceux qui les transgressent[13]. »
 
Dans son exégèse, l’imam at-Taher Ibn ‘Achour rapporte d’après Ibn ‘Abass, ‘Omar Ibn ‘Abdelaziz et Moujahid que ce verset est Mohkama (claire et évidente) et n’a subi aucune abrogation. En en expliquant la raison, ‘Achour dit : « Car Allah vise par « Ceux qui ne vous combattent. », ceux disposés à vous combattre. Donc, selon ce sens : ne combattez pas les vieillards, les femmes et les enfants. »  
 
At-Termizi rapporte d’après Sulayman Ibn Burayda d’après son père qui dit :
« A chaque fois que le Prophète nommait quelqu’un à la tête d’une armée, il lui recommandait, lui et ses soldats, de craindre Allah en disant : « Au nom d’Allah et dans Son sentier, partez pour le Djihad ! Combattez l’infidèle sans injustice ni perfidie ni mutilation et sans tuer d’enfants. »
 
Dans son Mosnad, Ahmad rapporte d’après al-Morqé’ Ibn Saïfi d’après son grand-père Rabah Ibn ar-Rabi’ (frère de Hanzala le scribe) qui dit :
« J’étais avec le Prophète dans une razzia commandée par Khalid Ibn al-Walid. Pendant le combat, Rabah et les compagnons du Prophète ont passé auprès d’une femme tuée qui était au front de son armée. Pris d’étonnement pour cette scène terrible, les compagnons fixaient un regard de pitié sur le cadavre, et ce, jusqu’à l’arrivée du Prophète. A son arrivée, les compagnons se sont éloignés un peu pour que le Prophète y jette un coup d’œil.  Affligé, le Prophète a contemplé le cadavre puis dit : « Il ne fallait pas tuer cette femme ! ». Ensuite, il s’est adressé à l’un de ses compagnons en lui ordonnant : « Cherche Khalid et dis-lui : « Je vous interdis de tuer les enfants et les non-combattants ! ».
 
Dans son commentaire sur Sahih Musleim, l’imam an-Nawawi dit : «  Les Ulémas sont unanimes quant à l’interdiction de tuer les femmes et les enfants non-combattants. »
 
Si nous admettons que le combat n’est établi que pour repousser une agression, nous devons en conclure que tous ceux qui ne portent pas les armes sont rattachés à ceux clairement évoqués par les textes religieux : l’aveugle, le malade incurable, le fou, le paysan, etc., ou selon la terminologie contemporaine (les Civils). Par conséquent, il est religieusement interdit, de les léser et de provoquer la perte de leurs biens ; à plus forte raison il est formellement de les tuer ; car tuer les civils est un crime majeur.    
 
 
[1] Coran, an-Nissa, 93.
[2] Coran, al-Ma’ida, 32.
[3] Coran, al-Ma’ida, 1.
    [4] Hadith cité par al-Boukhari dans son Sahih d’après ‘Abdullah Ibn ‘Omar.
    [5] Hadith rapporté par Ibn Maja d’après ‘Amr Ibn al-Hameq al-Khoza’i. 
    [6] Hadith rapporté par al-Baihaqi et at-Tayalésy dans son Mosnad
    [7] Hadith rapporté par al-Boukhari d’après ‘Ali Ibn Abi Taleb.
    [8] Rapporté par Abu Da’oud et al-Hakim dans al-Mostdrak.
 [9] Rapporté par Ibn ‘Awana dans son Mostakhraj d’après Thabet Ibn ad-Dahak.   
     [10] Coran, al-Baqara, 190.
     [11] Coran, al-Baqara, 193.
 [12] Coran, al-Ma’ida, 33. 
 [13] Coran, al-Baqara, 190.

 

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