Les règles de bienséance relatives ...

Dar al-Iftaa d'Égypte

Les règles de bienséance relatives à la demande d'une fatwa

Question

Quelles sont les règles de bienséance relatives à la demande d’une fatwa ?

Réponse

Louange à Allah, et la bénédiction et le salut soient sur notre Prophète Mohamad, l'ultime Prophète, ainsi que sur sa famille, ses nobles Compagnons et ceux qui suivent son exemple jusqu'au Jour Dernier. La mission du mufti est une noble tâche. Le mufti, dans sa mission d'éclaircir les prescriptions divines, joue, dans la communauté, le même rôle que celui du Prophète. A cet égard, l'imam an-Nawawy dit :

   " Sache bien que l'émission d'une fatwa est une responsabilité grave ! Celui qui s'en charge occupe un rang très élevé et ses mérites sont nombreux ; car le mufti est l'héritier des Prophètes et à qui s'impose le devoir de conseiller à la communauté. Ce qui a amené certains à dire : " Le mufti est le mandataire d'Allah, loué soit-Il. " Cependant, en tant qu'homme, le mufti n'est pas toujours à l'abri de l'erreur. "

 

Lorsque vous demandez une fatwa, vous devez respecter les règles suivantes :

1- Vous ne devez vous adresser qu'aux savants aptes et dignes d'émettre des fatwas ; car votre foi est une énorme responsabilité dont vous êtes chargés de la part du Très-Haut. Vous devez agir vis-à-vis de vos préoccupations religieuses comme vous le faites exactement quand vous consultez un médecin spécialiste. A ce propos, Allah, le Très-Haut, dit :

    

 " Dieu vous prescrit de restituer les dépôts à leurs propriétaires. [1]"

   " Interrogez les gens du Rappel si vous ne savez pas. [2]"

   2- Il ne faut pas se laisser duper par l'apparence vestimentaire ou par la bonne réputation d'une personne au point que vous la consultez au sujet d'une question religieuse. La bonne réputation parmi le commun des hommes ne suffit pas pour se fier à celui qui s'en pare ; car elle peut être acquise par duperie ou ostentation. A cet égard, il faut souligner qu'il y a une grande différence entre la spécialisation en matière de religion et la simple pratique des rites religieux.

 

De même, il y a un grand écart entre la science de fatwa et les racontars des narrateurs et les exhortations des prédicateurs. A l'instar de toutes les sciences mondaines, les sciences religieuses a ses sources, ses méthodes, et ses fondements et exigent qu'on s'y consacre pour les obtenir et s'y spécialiser. Etre pratiquant zélé ne veut pas dire forcément qu'on est savant ou en quête du savoir. Nous citons à cet égard les propos de l'imam Mohamad Ibn Sirine :

" Cette science est sacrée au même titre que la religion, soyez exigeants à propos de qui vous la prenez ! "

 

   On raconte que jadis, un homme est venu voir l'imam Rabi'a Al-Ra'i, maître de l'imam Maleik et mufti de Médine. A son entrée chez lui, il l'a vu se fondre en larmes. " Qu'est-ce qui te fait pleurer ?! Es-tu éprouvé d'un mal ?! ", a interrogé l'homme. " Non, mais il y a un danger qui plane sur l'Islam : il est devenu courant, ces jours-ci, que des gens peu qualifiées se dressent pour émettre des fatwas. Oh certes ! Certains d'entre ces soi disants muftis méritent le plus la peine de prison infligée aux voleurs !  ", a répondu Rabi'a.

 

   Nous répétons avec Ibn as-Salah : " Qu'Allah fasse miséricorde à Rabi'a ! Comment aurait-il dit s'il était devenu témoin de notre époque ?! Il n'est ni force ni puissance que par Allah, le Très-Haut ! Et Allah Seul nous suffit pour soutien "

   3- Ce n'est pas tout ce qu'on lit dans les livres est valable pour émettre une fatwa     adaptée au réel vécu et aux coutumes en perpétuel changement. Les Ulémas ont établi que la fatwa doit s'adapter aux exigences des temps, des lieux, des personnes et des circonstances. C'est pourquoi, il n'est permis qu'au savant, conscient des coutumes de son temps et des visées des expressions des gens, d'émettre des fatwas dans les questions relatives aux serments, aux vœux, aux formules de divorces, aux aveux, etc…

  

De même, ce n'est pas toujours que toute  divergence en matière de religion mérite d'être prise en considération et que tout avis religieux soit apte à l'application.

  

Autrefois, les jurisconsultes avaient pleinement rempli leur devoir ; ils nous ont légué un patrimoine qui trahit une conscience presque parfaite de leur temps et une maîtrise dans l'application des lois divines de façon à réaliser la Volonté d'Allah. Nous devons agir de la sorte.

 

Il y a, certes, une différence entre le fait de connaître, par le biais de la lecture, l'avis religieux pour le donner, par la suite, en réponse à une certaine question et le fait d'être compétent et apte à émettre une fatwa, à transmettre les enseignements religieux en en clarifiant les objectifs divins et à bien adapter la sentence divine au réel vécu dans la mesure où elle réalise les objectifs principaux de la charia et les intérêts des gens.  

   4- Pour toute consultation religieuse, n'hésitez pas à vous adresser à Dar Al Iftaa ; car vous êtes ordonnés de consulter les savants bien qualifiés qui vont répondre à vos préoccupations religieuses. Agissant ainsi, vous seriez dégagés de la responsabilité auprès d'Allah, le Très-Haut. Attachez-vous-y pour protéger votre foi contre l'éruption des fatwas mal intentionnées par lesquelles on cherche à terroriser les fidèles. Il se peut qu'une fatwa émise par un soi disant mufti affecte négativement votre foi et votre vie. Demander le salut en matière de religion doit, en effet, avoir la priorité à toute autre demande.  

   5- Si vous décidez de se rendre à Dar Al-Iftaa, soyez sincères dans votre quête de la vérité tout en sollicitant le soutien divin, et ce, dans l'espoir de mériter la récompense accordée à celui qui part à la recherche du savoir conformément aux propos du Prophète :  

   " Celui qui voyage en quête de savoir aura la récompense de celui qui fait de bonnes œuvres uniquement pour la satisfaction d'Allah jusqu'à ce qu'il revienne[3]. "  

 
   Il dit également :

   " Quiconque voyage en quête de savoir, Allah lui facilitera son chemin vers le Paradis[4]. "

   " Faisant preuve d'agrément, les Anges déploient ses ailes sur celui qui emprunte le chemin du savoir[5]. "

   6- En attendant votre tour pour la consultation, il est préférable que vous passiez le temps dans l'invocation d'Allah et la récitation du Coran. Soyez également sincères dans votre recherche d'une solution  ; car le mufti n'est, en fait, qu'une personne qui éclaircit la Volonté divine. Donc, si vous êtes sincères dans votre quête de vérité, Allah, de Son côté, vous guidera vers la réalisation de Sa Volonté et vous accordera une issue par l'intermédiaire du mufti. Une issue qui profite bien à votre vie et à votre religion. Allah dit :

 

   " Si Mes serviteurs t’interrogent à Mon sujet, qu’ils sachent que Je suis tout près d’eux, toujours disposé à exaucer les vœux de celui qui M’invoque. Qu’ils répondent donc à Mon appel et qu’ils aient foi en Moi, afin qu’ils soient guidés vers la Voie du salut. [6]"   

 

7- Il est permis au mufti d'anticiper le tour du demandeur au besoin pressant sur qui pèse lourdement l'attente. Vous devez traiter les gens de la façon dont vous aimez être traités. Sachez bien qu'avoir pitié du vieillard, de la femme, de l'handicapé et de l'affligé entraîne la miséricorde divine et la réussite ! A ce sujet, le Prophète dit :

   " Aidez-moi à satisfaire les besoins de vos faibles ; car, grâce à eux, Allah vous comble de Ses biens et vous donne la victoire[7]. " 

  
Il a également dit :

" Ceux qui font preuve de miséricorde, se verront, en conséquence, comblés de la miséricorde divine. Soyez alors miséricordieux envers ceux qui habitent la terre pour que Celui qui est au ciel vous fasse miséricorde ! [8] "

 

8- Donnez à l'avis religieux l'estime qu'il mérite et un cachet sacré à l'intérieur de vous-mêmes. Par exemple, vous ne deviez pas courir après le mufti au corridor pour lui demander conseil. Par politesse, vous ne devez pas non plus l'appeler en marchant derrière lui comme on agit avec les bêtes conformément au conseil donné par Abu Hanifa à son disciple.   

   9- Que la vérité soit votre but final ! Préparez-vous bien à accepter l'avis religieux même s'il va à l'encontre de ce que vous désirez. Le Mufti est chargé d'éclaircir l'avis religieux sans faire grand cas du fait qu'il plait ou non aux gens. Il est inconcevable qu'un homme doué de raison sacrifie sa foi pour satisfaire aux gens. Si jamais vous n'êtes pas convaincus de la fatwa émise et vous l'acceptez à contrecœur, vous devez, cependant, faire preuve de politesse en la recevant ; c'est-à-dire vous ne devez pas, en sortant, élever la voix ou faire signe de mécontentement. Peut-être un jour, vous assimileriez la fatwa déjà mal comprise.  

   10- Soyez polis avec celui à qui vous demandez la fatwa tout en respectant le caractère sacré de la séance de fatwa. Le mufti vous renseigne sur les enseignements d'Allah. Il va de soi, donc, que la politesse avec celui qui transmet les lois divines fait partie intégrale de la politesse éprouvée pour le Seigneur. Evitez de faire parade du prestige, du poste, de la fortune et de l'âge auprès du mufti ; car tout simplement l'honneur dont se pare le savant dépasse tout. Les Ulémas ne sont-ils pas les héritiers des Prophètes ?! Les vénérer en reconnaissant leurs mérites n'est, en principe, qu'une vénération des principes de la charia. D'autre part, le respect éprouvé à leur égard est la source de tout bien dans la vie d'ici-bas et dans celle de l'au-delà. Le Prophète nous a recommandé d'estimer les gens selon leurs mérites.

11- La personne qui pose la question doit être curieuse de connaître l'avis religieux. En outre, on ne doit pas avoir honte de consulter à propos de ce qu'on ne connaît pas. La question doit être posée d'une manière polie et claire ; il faut écarter les questions compliquées posées intentionnellement par certains pour mettre le mufti dans l'embarras. Dans ce genre de questions, l'intérêt est absent comme l'indique Mojahid :

" Le savoir n'est destiné ni à l'orgueilleux ni à la personne ayant honte de questionner[9]. "

12- Vous devez respecter, par parole et geste, les règles de bienséance islamiques en s'adressant au mufti comme l'indiquent les Ulémas :

* Ne proférez que des paroles convenables.  

* Baisser la voix en la présence du mufti.

* Ne pas l'indiquer au doigt pour attirer son attention. 

* Garder le silence jusqu'à ce qu'on vous donne la permission de parler.

* Eviter toute consultation ou même le chuchotement avec le compagnon.

* Eviter la parole obscène qui ne convient pas au caractère sacré du lieu.

* Eviter les paroles inutiles.

* Il ne faut pas répondre à un appel téléphonique en consultant ; car le mufti a consacré son temps pour écouter les questions posées et y répondre, donc, on doit consacrer aussi son temps pour l'écouter sinon on est autorisé alors de quitter le lieu pour laisser la chance à ses coreligionnaires en attente.

13- Il faut distinguer, dans les questions relatives au statut personnel, entre la demande de l'avis religieux et le simple fait de raconter une histoire sociale qui n'a rien à voir avec l'avis religieux. La question doit être précise pour aider le mufti à arriver, le plus vite possible, à l'avis religieux correct et pour donner la chance à ceux qui se sentent mal en attendant leur tour.  

   14- Il y a une catégorie de questions qui exige la présence du demandeur en personne comme par exemple celles relatives au divorce. Le mufti, dans ce genre de cas, se trouve obligé de s'enquérir des formules de répudiation utilisées, des circonstances du fait, de l'intention du mari, et d'autres éléments dont dépendent essentiellement l'avis religieux. Si le mari laisse échapper une formule de divorce, il est le seul responsable d'en demander l'avis religieux ; car la charia lui a donné le droit du divorce et l'a rendu, par conséquent, responsable de son intention auprès d'Allah. Quand le mari informe sa femme de l'avis religieux qu'il a reçu du mufti, elle, de son côté, n'a que croire à ses paroles ; car elle ne doit pas juger l'intention de son époux. S'il ne dit pas vrai, alors, le péché ne retombe que sur lui.

   15- Il y a une différence entre le jugement judiciaire et la fatwa. Le premier doit être exécuté une fois les parties en conflit y recourent alors que la deuxième ne l'est pas puisque le mufti n'a le droit ni d'exiger les preuves ni d'invoquer les témoins ni d'obliger de prêter serment ni de recevoir les aveux. Ainsi, il en découle que :

   - Le rôle du mufti est consultatif, donc, le demandeur ne doit pas poser une question étant du ressort du juge. Il est préférable que la question soit générale n'identifiant exactement le cas.

   - La fatwa émise par le mufti n'abolit pas le jugement pris par le juge sauf dans le cas où celui-ci contrarie un texte formel ou le consensus des Ulémas.

  - Le mufti n'a pas le droit de changer les verdicts écrits émis par le juge ou par son substitut en cas de mariage ou de divorce.  Donc, le mari qui, se voit lésé par un verdict écrit de divorce, n'a que recourir à la cour pour faire un pourvoi contre sa validation. Une fois accepté le pourvoi, le juge peut alors consulter le mufti par le biais d'une lettre officielle.  

   - Il arrive que le mari ou la femme demande au mufti de lui donner, par écrit, de quoi prouver ou non le divorce. Dans ce cas, cet écrit serait délivré à titre de témoignage et non pas à titre de jugement judiciaire.     

  16- Si le demandeur ne dit pas vrai, on ne peut alors récuser la fatwa émise en conséquence ; car le mufti ne juge, en fait, que selon les attestations orales de ce demandeur et confie à Allah le soin de juger son intention. A cet égard, le Prophète dit :

   « Moi, je ne suis qu’un être humain auprès de qui vous venez porter vos différents. Il arrive que l’un de vous se montre plus persuasif que son rival et alors je considère qu’il a raison et je juge en sa faveur. Alors, s'il obtient grâce à mon jugement un droit qui ne lui appartient pas, qu'il ne le prenne pas ; car c'est un morceau de l'Enfer que je lui donne. "

   Donc, notre cher demandeur, craint Allah en posant votre question !

   17- Quand le mufti répond à votre question, vous devez être toute oreille pour bien assimiler sa fatwa et lui épargner le temps et l'effort de réitérer sa parole.  

   18- Les savants ont indiqué que le mufti, tout comme le juge, a le droit de réprimander la personne fautive. Par conséquent, au cas où le mufti se montre un peu rigide en vous conseillant pour des transgressions commises en matière de religion, vous devez, quand même, faire preuve de politesse à son égard. Ne soyez pas parmi ceux à qui s'applique ce verset :

 

" Et lorsqu’on leur dit : « Craignez Dieu ! », leur arrogance pécheresse ne connaît plus de limites.[10] "

    

19- Ne posez pas trop de questions de nature à rendre la fatwa plus intransigeante pour vous et les fidèles du même cas. Tenez à poser des questions relatives aux principes fondamentales, loin des détails et des hypothèses. Allah dit :

   " Ô vous qui croyez ! Gardez-vous de poser des questions sur des choses qui, si elles vous étaient divulguées, vous causeraient du tort. [11]"

 
Le Prophète dit également :

" Les Musulmans les plus pécheurs sont ceux qui réitèrent leurs interrogations à propos d'une chose (permise) à tel point que celle-ci devienne, par leur entêtement, interdite. [12]"  

Après avoir achevé son sermon, le Prophète s'est adressé aux gens en disant :

" O gens ! Allah vous a prescrit le pèlerinage, acquittez-vous en donc ! ", " Chaque année, o Prophète d'Allah ? ", a demandé un homme. A ce moment-là, le Prophète a gardé le silence jusqu'à ce que l'homme ait réitéré sa question trois fois, puis il a dit : " Si j'avais dit oui, il aurait été obligatoire et vous tomberiez dans l'impossibilité de s'en acquitter. Ne me posez pas de questions ! Ce qui a causé la perte de ceux qui vous ont précédés est la multiplication de leurs questions et leur divergence au sujet de leurs Prophètes. Si je vous ordonne de faire quelque chose, faites-le autant que vous le pouvez et si je vous interdis de faire quelque chose, abstenez-vous-en donc.[13] "

 

   Il se dégage de ce hadith qu'on ne doit pas insister sur les questions curieuses et parfois ennuyantes. Les Gens du Livre, comme l'indique le récit cité dans la sourate " la Vache ", insistaient sur des détails non exigés. Et pour leur rendre le coup, Allah les leur a imposés comme obligation.       

   20- Vous n'avez pas le droit de demander les preuves sur lesquelles le mufti s'est appuyé en émettant sa fatwa ; car le mufti n'est pas là pour enseigner aux demandeurs ; mais plutôt pour prononcer des fatwas. A tout seigneur tout honneur.

  

En outre, le mécanisme des preuves et la façon de les saisir comme il faut sont, certes, du ressort des spécialistes. Donc, intervenir dans les propres affaires des spécialistes des différents arts, tout comme le malade qui demande au médecin le pourquoi de son diagnostic, c'est aller à l'encontre de l'ordre des choses. Ce qui a emmené certains à dire : " La fatwa pour le commun tient lieu de preuve pour le Mojahid. "

  

Pourtant, le mufti est autorisé, par exception et à titre d'instruction, de fournir les preuves au demandeur surtout s'il s'agit d'un texte clair et compréhensible ou d'un consensus des Ulémas ou d'une réfutation d'une (des) fatwa (s) erronée (s).

   21- Vous ne deviez pas poser votre question encore une fois à un autre mufti pour ne pas être pris d'un état de perturbation et de suspicion. De même, on ne doit pas se déplacer d'un mufti à l'autre sous prétexte de s'assurer de l'authenticité de l'avis religieux émis. Allah, le Très-Haut, n'a chargé le fidèle que de s'adresser aux savants reconnus en tant que tels. Aussitôt que vous recevez une réponse de l'un de ces savants, vous en serez quitte et vous n'avez alors que suivre l'avis religieux prononcé.

   22- La divergence entre les muftis sur l'avis religieux relevant d'une certaine question, doit être considérée, pour le commun des gens, comme une diversité tolérée d'avis ayant pour seul but de faciliter et de ne pas compliquer les choses. Il est à noter que cette diversité d'avis élargit le cercle du choix : vous avez le choix de choisir de cette variété d'avis ce qui convient à vos conditions et rassure vos cœurs.  

   23- Si vous voulez, par piété et par extrême précaution, vous éloigner d'une question controversée, vous n'avez pas alors le droit d'obliger l'autrui à adopter la même attitude. Les jurisconsultes se sont mis d'accord sur le fait que l'espace de la piété est plus large que celui relatif aux limites du licite et de l'illicite. Le Musulman peut, par piété, s'abstenir de certaines choses licites, ce qui peut le conduire en fin du compte à tout céder. Cependant, on ne doit pas s'en servir de prétexte pour obliger l'autrui à faire de même comme s'il s'agit d'une obligation religieuse. Agissant de la sorte, on pousse les gens à mener une vie austère et à abandonner leurs intérêts mondains, ce qui le conduit, par la suite, à interdire le licite. En Islam, le Musulman n'est pas autorisé de blâmer ses coreligionnaires pour avoir fait des actes dont la qualification religieuse fait l'objet d'une divergence entre les Ulémas comme s'il s'agit des actes dont la qualification religieuse est incontestable. En agissant ainsi, on établit une innovation en matière de religion pour avoir rétréci ce qu'Allah et Son Messager ont rendu large. Suivant l'exemple de nos pieux ancêtres, le Musulman doit respecter les divergences en matière de religion. Autrefois, Soufian al-Thawry a dit :

" Le vrai savoir, d'après nous, est une facilité donnée aux gens par un Faqih alors que l'intransigeance est le travail de tout le monde. " 

   24- Au cas où le mufti tarde à vous donner une réponse écrite ou orale, ceci ne doit vous pousser à anticiper la réponse ; car il se peut qu'il vous demande un délai pour consulter le Conseil de fatwa ou même le grand mufti d'Egypte si le cas exige. Le mufti doit prendre son temps, réfléchir et approfondir l'examen avant d'en faire un jugement. Avant d'émettre une fatwa, le mufti passe normalement par quatre phases de base : réflexion, qualification religieuse, éclaircissement de la sentence divine et enfin application de cette sentence. Vous ne devez pas croire que le fait de donner, le plus vite possible, une réponse une habileté de sa part et que le fait de réfléchir soit une preuve de maladresse. Mieux vaut donner une réponse sûre née d'une réflexion mûre que donner une réponse immédiate mais fautive.

 

   A cet effet, Abu Abel Rahman Ibn Layla, le disciple éminent des Compagnons dit :

" J'ai assez vécu pour voir 120 Compagnons ançarites dont chacun s'abstenait de prononcer une fatwa et demandait au questionneur d'aller en interroger un autre et ainsi de suite au point que le demandeur se trouve obligé de retourner, de nouveau, au premier à qui il a posé la question. "

  

On posait à l'imam Malek 50 questions ; mais il refusait toujours de donner réponse à l'une d'elle.  

  

Curieux d'avoir une réponse à sa question, un homme a fréquenté, pour trois jours consécutifs, la maison de l'imam Sahnoun pour le consulter. Au troisième jour, l'homme est venu dire : " Qu'Allah te bénisse ! N'arrives-tu pas à une réponse ?! ", " Quoi faire, frère ?! Ta question est cruciale à propos de laquelle les avis se sont multipliés, ce qui m'a fait tomber dans l'embarras. ", a répondu l'imam. " Mais tu es assez habile pour traiter ce genre de questions ! ", a rétorqué l'homme. " Non, ne pense pas que tu me stimules ainsi à te plaire en s'offrant, chaire et sang, au Feu de la Géhenne ! Combien sont les questions dont j'ignore la réponse ! Si tu gardes patience, tu pourrais partir avec la réponse cherchée ; mais si tu veux proposer la question à un autre que moi, tu pourrais en avoir une réponse immédiate.  ", a dit l'imam. " Non, je ne m'adresse qu'à toi et je refuse d'aller consulter ailleurs. ", " Alors, arme-toi de la patience ! " Après une longue réflexion sur la question, l'imam lui a donné la réponse.

25- Il arrive que la question proposée soit ambiguë pour une raison obscure, ce qui pousse le mufti à ne pas y donner réponse jusqu'à ce qu'il y trouve solution. En effet, ce silence de la part du mufti ne doit pas faire penser que son savoir et son habileté à traiter la fatwa sont mis en cause même si un autre savant d'un degré inférieur est de capacité à y trouver rapidement solution. Il se peut que l'élève arrive à une solution déjà imperceptible pour son maitre. Il faut souligner, à cet égard, que le savoir est, en principe, un don divin qui n'est pas donné à tout le monde.

 

De ce genre de questions, on peut citer celles relatives aux contrats et aux transactions qui exigent, en les traitant, une réflexion profonde et une recherche scrupuleuse. Egalement, le changement du temps ainsi que le progrès réalisé dans les domaines de la communication, des transports et des techniques ultramodernes exigent une profonde réflexion sur les questions débattues ; car la conception de l'aléa change, certes, d'une époque à l'autre.

 

Dans le même sens, Al-Mawardi dit :

" J'ai écrit un livre portant sur les ventes où j'ai rassemblé un nombre gigantesque d'avis des savants. Je n'ai pas épargné les efforts et y fait, longuement, usage de la réflexion, et ce, jusqu'au jour où ce livre a pris sa forme finale. Au moment où j'étais, presque, sur le point de l'admirer et de s'imaginer en avoir connaissance par excellence, deux nomades m'ont interrogé à propos de leur conclusion d'un contrat comportant des clauses qui provoquent, à leur tour, quatre questions juridiques dont la réponse m'a complètement échappé. Triste, j'ai pensé à mon orgueil malheureux et à la leçon que ces deux nomades m'a donnée. Ils m'ont dit : " Tu n'y as aucune réponse alors que tu es le chef de cette tribu ?! ", " Oui ", ai-je répondu. " Malheur à toi ! ", ont-ils lancé.  A cet instant, ils sont allés pour consulter un autre dont le savoir n'est pas digne d'être mesuré, peut-être, avec celui de beaucoup de mes compagnons. A l'interroger, il leur a donné, tout de suite, la réponse qu'ils ont admirée beaucoup. Ce qui leur a poussé à faire l'éloge de son savoir. Confus, j'ignore, dès lors, la réponse à leur question, ce qui m'a donné, à la fois, conseil et avertissement. "

 

Enfin, Nous demandons à Allah de nous accorder le savoir utile, de nous guider vers les bonnes œuvres, de faire de nous des bons  transmetteurs de Sa religion et de nous communiquer Sa Volonté exprimée dans Son Livre, Amen ! Enfin, louange à Allah, Seigneur des mondes.     

 


[1]Le Coran, an-Nissaa, 58.
[2]Le Coran, Az-Zukhrof, 16.

[3]- Rapporté par Al-Termizi et l'a rendu bon.

[4]- Rapporté par Mosleim.

[5]- Rapporté par Abu Da'oud, Al-Termizi et Ibn Maja. 

[6]Le Coran, al-Baqara, 186.

[7]- Rapporté par Abu Da'oud, an-Nassa'i et Al-Termizi qui l'a rendu authentique.  

[8]- Rapporté par Abu Da'oud et at-Termizi qui l'a rendu authentique.

[9]- Rapporté par Al-Boukhary

[10]Le Coran, al-Baqara, 206.
[11]Le Coran, al-Maéda, 101.
[12]Rapporté par Muslim.
[13]Rapporté par al-Boukhari et Muslim.

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