Encyclopédie des fatwas (225-222/12...

Dar al-Iftaa d'Égypte

Encyclopédie des fatwas (225-222/12)Banque de lait maternel

Question

 

Les principes[1] :
L’allaitement n’interdit pas le mariage sauf s’il remplit les conditions suivantes :
1-      Le lait qu’absorbe le nourrisson doit être celui d’une femme non mélangé avec d’autres et arrive à l’estomac par la voie buccale ou nasale.
2-      Avoir du doute sur l’arrivée du lait à l’estomac entraine la non-prohibition du mariage.
3-      Le lait sec absorbé par un nourrisson n’entraine pas l’interdiction du mariage si la quantité de l’eau mélangée avec dépasse celle du lait pur.
4-      La transformation du lait maternel en lait battu ou caillé ou coagulé n’entraine pas l’interdiction du mariage ; car il ne s’agit pas alors d’un allaitement suffisamment nourrissant pour le bébé.
 
La question :
Dans ses deux écrits n˚ 1259 et 1412, le service des affaires publiques au ministère de la santé indique que le ministère envisage actuellement de créer une banque du lait maternel en collectant le lait naturel des mères et de le sécher artificiellement pour en donner aux mères incapables d’allaiter naturellement leurs bébés. En effet, ce procédé est de nature à protéger le bébé contre beaucoup de maladies causées par l’insuffisance ou l’inexistence du lait naturel. A ce propos, il convient de noter que le lait avant le séchage contient le pourcentage suivant 1.25% albumine, 30.50% crème, 7.50% glucides, 2% minéraux, 87% eau. L’opération du séchage n’est autre que l’évaporation de l’eau pour que le lait se transforme en poudre sans rien perdre de pourcentages de ses éléments nutritifs. Ainsi, l’ajout de l’eau au lait en poudre produit un lait liquide contenant les mêmes pourcentages des éléments nutritifs du lait naturel. Il y a également une autre technique pour conserver le lait pour une durée moins que celle de la conservation du lait sec. Il consiste à refroidir le lait collecté dans des ustensiles stérilisés en le mettant dans des réfrigérateurs à basse température pendant 3 mois. Par ce procédé, le lait garde le pourcentage de ses éléments nutritifs y compris l’eau. Lors de l’usage, on fait bouillir le lait puis le laisse refroidir pour en donner au nourrisson.  
Le service des affaires publiques veut connaitre s’il y a un inconvénient religieux empêchant l’exécution de ce projet ; car il entraine l’interdiction du mariage entre frères et sœurs de lait ?


[1] Fatwa n˚ 25, Registre n˚ 100, date : 8/7/1963, émise par son éminence cheikh Ahmad Mohamad ‘Abdel’al Haridi  

Réponse

Selon l’école hanéfite, l’allaitement entraînant l’interdiction du mariage doit remplir ces conditions :
-          Le lait qu’absorbe le nourrisson doit être celui d’une femme.
-          Il doit arriver à l’estomac par la voie buccale ou nasale.
-          Il ne doit pas être mélangé avec d’autres.
Mais si le lait est mélangé avec d’autres, il faut alors distinguer entre plusieurs cas de mélange :
-          Lait mélangé avec une substance liquide comme l’eau, le médicament, lait de brebis, etc.
-          Lait mélangé avec celui d’une autre femme.
-          Lait mélangé avec une matière alimentaire solide. 
Si le lait est mélangé avec une nourriture cuite, il n’entraine pas l’interdiction du mariage quel que soit la quantité du lait, c’est, en effet, l’avis unanime des jurisconsultes hanéfites. Mais si le lait est mélangé avec une nourriture non cuite, il n’entraine pas également l’interdiction du mariage comme l’estime l’avis le plus prépondérant d’Abu Hanifa, que la nourriture l’emporte ou non sur le lait. Selon cet avis, si une matière solide est mélangée avec une matière liquide, cette dernière fera partie des composants de la matière solide et aura les mêmes effets. En revanche, les deux disciples d’Abu Hanifa Mohamad et Abu Youssef estiment que le jugement religieux dépend des éléments dominants du mélange. Si les éléments du lait l’emportent sur la nourriture, ils interdisent le mariage.
     
Si le lait est mélangé avec un liquide comme l’eau, le médicament et le lait de brebis, il entraine l’interdiction du mariage si les éléments du lait l’emportent sur l’autre liquide soit par la couleur, le goût ou les composants. Selon le disciple hanéfite Mohamad, la suprématie de la matière mélangée avec le lait est définie par la perte des traites caractéristiques du lait. Avis mentionné dans as-Siraj al-Lwahab. Selon Abu Youssef, en cas du mélange composé du lait de deux femmes, la plus grande quantité du lait interdit le mariage. Si la quantité est égale, dans ce cas, le lait de deux femmes interdit le mariage. Pour le disciple Mohamad, le lait de deux femmes interdit absolument le mariage, c’est, en effet, l’avis prépondérant de l’école hanéfite. De plus, les hanéfites précisent que l’allaitement en cas du doute et le lait transformé en lait caillé, battu ou fromagé n’interdisent pas le mariage. Dans l’ouvrage al-Bada’i et d’autres ouvrages, on dit : « Si le lait est transformé en lait caillé, battu ou fromagé puis absorbé par le nourrisson, il n’entraîne pas l’interdiction du mariage ; car il a perdu ses caractères du lait et ne contribue plus à la formation de la chaire et des os et ne sert pas de repas nourrissant. »
 
Dans l’ouvrage al-Fath, on dit : « L’interdiction du mariage n’est pas établie par le doute. Exemple : si la femme introduit le mamelon dans la bouche du bébé et doute de l’absorbation du lait par le petit. Il en va de même si une fille était déjà allaitée par une femme inconnue dans un village et mariée avec un homme du même village, dans ce cas le mariage est valide ; car l’interdiction dépend de la détermination de la nourrice. ».
 
Dans l’ouvrage al-Bahr d’après les fatwas d’al-Khanya : « Si une fille était plus ou moins allaitée par des femmes nombreuses d’un village sans pouvoir les connaitre, elle sera permise au mariage avec un homme du même village comme l’indique Abu Kasim, tant qu’il n’existe ni indice ni témoignage déterminant. » 
 
Dans al-Fatawa al-Hindyya : « Si une fille était allaitée par un nombre de femmes d’un village sans pouvoir les connaitre puis un homme du même village l’a épousée, dans ce cas, il aura le choix de garder ou de dissoudre les liens conjugaux. ». Cet avis est mentionné dans l’ouvrage al-Modmarat.
 
On peut en conclure que le lait séché par évaporation et transformé en poudre ne peut récupérer sa nature liquide qu’après la mélanger avec une quantité d’eau. Il est évident également que cette quantité d’eau est plus volumineuse que le lait séché et qu’elle est suffisante pour le fondre et changer ses caractères laitiers. Et par conséquent, les conditions d’allaitement interdisant le mariage ne s’appliquent pas au procédé en question.
 
D’autre part, le lait qu’on prépare à la nutrition des bébés par les deux moyens précités est collecté d’un nombre de femmes indéterminées. Et par conséquent, rien n’empêche, du point de vue religieux, le mariage entre deux personnes qui ont déjà bu du même lait. C’est, en effet, ce qu’indiquent expressément les textes des jurisconsultes ; car selon eux l’allaitement entrainant l’interdiction du mariage n’est pas prouvé dans ce cas vu l’indétermination de l’identité des donatrices du lait.
 
Quant au refroidissement du lait pour le garder consommable pour deux ou trois mois, le facteur de l’ignorance reste encore inchangé. Du coup, rien n’exige l’interdiction du mariage dans ce cas pour les raisons précitées.
 
En somme, rien n’empêche du point de vue religieux d’établir une banque de lait maternel.
 
Et Allah Seul le sait par excellence.    
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